Il y a quelques années, le merveilleux monde du sport au Québec a été envahi par une nouvelle sorte de commentateur: les «joueurnalistes», d'anciens joueurs (surtout de hockey) convertis, une fois à la retraite, en analystes sportifs.

Signe des temps, peut-être, le milieu politique québécois compte de plus en plus de «policiens», des policiers à la retraite devenus candidats aux élections.

L'arrivée spectaculaire de Jacques Duchesneau à la CAQ aura sans aucun doute été l'exemple le plus médiatisé en la matière. Mais il y en a d'autres, dont l'ancien relationniste de la SQ, Robert Poëti, candidat libéral dans Marguerite-Bourgeoys et Jean Rousselle (Vimont, PLQ), ancien policier à Laval.

Une autre «police» est en politique depuis quelques années, mais l'arrivée de Jacques Duchesneau et les allégations touchant son parti lui ont fait de l'ombre. Guy Ouellette, ancien enquêteur de la SQ spécialisé dans les motards criminels, député sortant de Chomedey élu depuis 2007, prend la chose avec philosophie.

«Ça, c'est de la politique», répond-il avec un franc-parler épicé, lorsqu'on lui mentionne que Jacques Duchesneau prend toute la place et qu'il joue à Eliot Ness contre les libéraux corrompus.

«Duchesneau, c'est un chum, je l'ai dit, on me l'a reproché d'ailleurs, dit Guy Ouellette, que j'ai rencontré il y a quelques jours dans un Tim Hortons de Cartierville le long de la 15, entre sa circonscription et le centre-ville de Montéal. J'ai accompagné Jacques quand il a été nommé à l'unité anticorruption, je l'ai aidé.»

Jacques Duchesneau, qui a justement fait une autre sortie tonitruante hier, «a la qualité de ses défauts», glisse M. Ouellette, laissant entendre qu'il parle trop et qu'il cherche beaucoup l'attention médiatique.

N'empêche, l'affirmation de M. Duchesneau, selon qui certains ministres libéraux seraient allés sur le yacht de Tony Accurso, ne peut que faire mal aux libéraux à six jours du scrutin. Même si les propos de Jacques Duchesneau sont plus de l'ordre de la rumeur que des preuves, bon nombre de Québécois voudront croire le candidat de la CAQ bien avant le premier ministre libéral.

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Guy Ouellette, qui revenait d'une virée en région lorsque je l'ai rencontré, a bien senti que le thème de la corruption mine son parti. Il le constate même dans sa circonscription, libérale depuis toujours et qui le restera mardi prochain, à moins d'une déconfiture totale du PLQ.

«J'ai bien vu dans ma circonscription que seules mes pancartes sont vandalisées, dit-il. Les autres candidats sont blancs comme neige...»

Pour un ancien flic, ça doit être dur d'entendre partout que votre parti est corrompu, que votre chef est de mèche avec le monde interlope, que votre gouvernement est manipulé par le crime organisé? lui ai-je demandé.

«Ça, c'est de la politique, nous avons fait beaucoup et comme policier, moi, je veux que tous les bandits, peu importe leur rang, se retrouvent en prison, répond-il du tac au tac. Je garde la tête haute, j'étais le seul policier à l'Assemblée nationale et j'ai reçu des infos, que j'ai refilées à (l'escouade) Marteau.»

Au passage, il note, ironique: «Beaucoup de Québécois disent que tout est pourri, mais combien payent au noir chaque fois qu'ils en ont l'occasion?»

Et, en passant, une petite flèche à Pauline Marois: «Le PQ dit que le ménage est une priorité, mais Pauline a tassé Marc Demers dans Laval-des-Rapides, seul policier de sa gang, pour mettre sa rock star, Léo Bureau-Blouin. J'ai travaillé avec Marc Demers dans la lutte contre les motards, c'est un excellent policier...»

Au moment où le thème de la corruption semble vouloir se réinviter dans la campagne, Guy Ouellette défend les décisions de son gouvernement. «La commission (Charbonneau), il fallait la déclencher, on était rendu là. Mais une commission d'enquête, ça fait un bon show de télé, mais ça ne met personne en prison, dit-il. Avec Marteau et l'UPAC, on avance, on ramasse de la preuve, on va attraper du monde.»

Selon M. Ouellette, d'autres initiatives, moins spectaculaires, portent leurs fruits.

«En restauration, par exemple, il y a eu de gros changements, ce qui veut dire plus de revenus dans les coffres de l'État, dit-il. Puis, nous avons engagé plus d'inspecteurs à Revenu Québec. Ça aussi, ça donne des résultats.»

Ce qui le branche, ce qu'il voudrait poursuivre, c'est la lutte contre la contrebande et la fraude fiscale.

Il a déjà travaillé à un projet de loi qui prévoit la saisie de l'auto et du permis de conduire d'un individu pincé avec des cigarettes de contrebande et il souhaite une plus grande collaboration (échanges de données) entre le Québec, les États-Unis et le Mexique, sur l'immobilier, notamment.

Il y a aussi l'Unité permanente anticollusion (UPAC), un groupe efficace, qui donnera des résultats, affirme l'ancien de la SQ.

«J'ai participé à l'élaboration de la loi créant l'UPAC, avec l'opposition, dont Stéphane Bergeron (député péquiste dans Verchères). Après ça, ils nous ont planté. Bof, ça, c'est de la politique.»

Guy Ouellette l'admet volontiers: il sera toujours un policier... et probablement jamais un vrai politicien.