François Legault a dénoncé, comme il se doit, le sort injuste réservé à l'aile parlementaire de son nouveau parti à l'Assemblée nationale, mais disons que comme déchirement de chemise, on a déjà vu plus passionné.

Le chef de la CAQ savait fort bien que les libéraux et les péquistes n'allaient pas faire de grands efforts pour que son caucus de neuf députés jouisse d'un statut officiel. Il s'est d'ailleurs bien vite ajusté, disant qu'il concentrera, avec ses troupes, son action sur le terrain.

Sage décision. Le travail et la présence sur le terrain seront certainement plus payants que trois ou quatre questions par semaine à un gouvernement qui saisit chaque occasion pour rappeler que la CAQ est un assemblage de transfuges dirigé par un ancien péquiste. On a eu un aperçu de ce qui attend les neuf députés indépendants-caquistes, hier à la première période des questions de 2012, lorsque Jean Charest a raillé les positions passées de François Legault. Imaginez un peu le chahut, des deux côtés du Salon bleu, lorsque François Rebello posera une question...

Il est plus urgent pour M. Legault d'organiser son parti, de mettre au point son programme et, surtout, de présenter de nouveaux candidats, et pas seulement des transfuges et des rescapés d'un parti en déroute.

De toute façon, François Legault, même absent à l'Assemblée nationale, y est omniprésent puisque ses adversaires ne parlent que de lui.

Le recrutement, c'est le principal défi de François Legault dorénavant, lui dont l'étoile a un peu pâli ces dernières semaines. Ce parti, qui se présente comme le renouveau, manque singulièrement de nouveaux visages et de relève. La CAQ manque de femmes aussi. Chaque fois que l'on voit M. Legault avec ses neuf députés, c'est frappant: il n'y a qu'une femme dans le groupe, Sylvie Roy, députée de Lotbinière. Une sur dix candidats confirmés pour les prochaines élections (en comptant M. Legault), c'est peu.

Beaucoup de travail attend la CAQ, d'autant plus que son chef et ses conseillers ont fait grimper les attentes en parlant de centaines de CV reçus, de la priorité accordée aux jeunes candidats et de noms prestigieux.

À supposer que Jean Charest ne déclenche pas d'élections, comme il l'a dit, avant le 21 avril, cela laisse un peu plus de deux mois à la CAQ pour devenir un véritable parti politique, pour peaufiner son programme, pour choisir ses candidats et amasser un fonds de guerre.

Une rentrée parlementaire le jour de la Saint-Valentin, voilà qui est hautement symbolique pour François Legault. Après un an de lune de miel virtuelle avec les Québécois, il doit maintenant faire la preuve qu'il peut réellement incarner le changement souhaité par un électorat désabusé.

Cette session pourrait bien être, par ailleurs, la dernière de Jean Charest. Et de Pauline Marois.

Les projecteurs sont braqués sur François Legault, mais ses deux principaux adversaires jouent gros eux aussi.

Pauline Marois a survécu à une annus horribilis en 2011 et elle peut, pour la première fois depuis la rentrée automnale de 2010, revenir à l'Assemblée nationale en position de force devant son caucus. Cela dit, c'est loin d'être gagné aux prochaines élections et elle sait que c'est sa dernière chance.

Jean Charest, lui, est clairement en mode électoral. Il suffit de le voir multiplier les annonces, sur une foule de sujets, et même le dimanche s'il le faut.

Cette session s'annonce toutefois corsée pour les libéraux, qui sont encore, faut-il le rappeler troisièmes dans les faveurs de l'électorat francophone.

Ce gouvernement qui traîne un taux d'insatisfaction de 75% devra survivre aux grèves étudiantes et dans les CPE, à la controverse sur l'enseignement de l'anglais intensif en 6e année, aux critiques du Plan Nord et même aux séjours du premier ministre à Sagard (auxquels François Legault a encore fait allusion hier).

Par contre, avez-vous remarqué qu'on ne parle plus de la construction? Reporter la création d'une commission d'enquête tard en 2011 pour ouvrir une fenêtre électorale au printemps 2012, c'était bien ça, le plan?