À l'autre bout du fil, et à l'autre bout du monde, à Durban, en Afrique du Sud, Jay Naidoo s'enflamme en parlant de la position canadienne à l'égard des changements climatiques.

«Je suis sous le choc de voir le Canada se désolidariser à ce point des pays pauvres et de l'Afrique, en particulier. Comment le Canada en est-il venu à prendre une position aussi négative, aussi hostile envers l'Afrique?», demande M. Naidoo, ancien ministre du gouvernement Mandela, qui dirige maintenant l'organisation Global Alliance for Improved Nutrition.

Jay Naidoo, qui est à Durban dans le cadre de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, ne reconnaît plus le Canada et il n'hésite pas à parler de «trahison» envers l'Afrique.

«Que les États-Unis prennent des positions hostiles à l'Afrique, on s'y attend, mais venant du Canada... L'Afrique se sent davantage trahie par le Canada, qui a toujours été solidaire.»

Ceux qui ne connaissent pas Jay Naidoo se demanderont peut-être d'où il sort avec ses critiques et de quoi il se mêle en dénonçant l'attitude du gouvernement canadien. M. Naidoo connaît très bien le Canada et le Québec, où il vit en partie avec sa femme, la journaliste Lucie Pagé, notre éclaireuse la plus éclairante en Afrique du Sud depuis près de 25 ans. Comme il le dit lui-même, ses enfants sont «moitié africains, moitié québécois» et il a un attachement particulier pour le Canada, qui a été un chef de file dans la lutte contre l'apartheid sur la scène internationale.

Justement, parlant de lutter pour l'Afrique, pour les droits de la personne et le développement de peuples en danger, Jay Naidoo ne reconnaît plus le Canada. Et il n'est pas le seul.

Mercredi, une quinzaine de personnalités et d'ONG africaines, dont l'archevêque Desmond Tutu, ont acheté une pleine page de publicité dans The Globe and Mail pour dénoncer l'attitude du gouvernement dans la lutte contre les changements climatiques.

Le groupe rappelle que le Canada a joué un rôle actif dans la fin de l'apartheid en Afrique du Sud, mais qu'il préfère aujourd'hui appuyer les géants du pétrole malgré les effets néfastes des sables bitumineux sur l'environnement.

«Nous vivons tous sur la même planète et les changements climatiques ne respectent pas les frontières nationales, reprend Jay Naidoo. Une exploitation comme celle des sables bitumineux a un impact sur toute la planète, jusqu'ici, en Afrique.»

Dans leur missive, les signataires demandent au Canada de «changer de cap» et d'appuyer un effort international de réduction des émissions polluantes. «Pour nous, en Afrique, les changements climatiques sont une question de vie ou de mort, lit-on dans le message. En contribuant à l'augmentation des émissions, les sables

bitumineux aggravent le problème et menacent les Africains de sécheresse et de famine encore pires dans les années à venir.»

En annonçant que le Canada s'apprête à se retirer définitivement de l'accord de Kyoto et qu'il refusera tout nouvel accord contraignant, le Canada a jeté la consternation en Afrique, affirme Jay Naidoo.

«Le Canada est maintenant vu comme un obstructionniste et cela a un effet dévastateur sur sa réputation sur la scène internationale. Le voilà dans le même camp que les États-Unis, la Russie ou le Japon, dit encore M. Naidoo. Si Durban devait devenir, comme on le craint, la tombe de Kyoto, le Canada en porterait une lourde part de responsabilité.»

Avant de quitter Ottawa pour Durban, en début de semaine, le ministre de l'Environnement, Peter Kent, n'a pas semblé très ému par les critiques de monseigneur Tutu et associés.

Il n'a pas nié l'intention de son gouvernement d'enterrer Kyoto, qui représente le «passé», selon lui, et a réaffirmé que le Canada ne signera pas de nouvel accord sans que tous les pays, riches comme pauvres, ne soient de l'entente et s'engagent à contribuer.

Cette position ne déplaît pas seulement en Afrique, elle passe aussi mal auprès du gouvernement du Québec. Lundi, à Montréal, Jean Charest a dit regretter que le fédéral adopte cette approche, l'incitant plutôt à jouer un rôle plus actif. «Le Canada et le Québec seront parmi les premiers touchés par les changements climatiques, il est donc normal que nous fassions preuve de leadership dans ce domaine», a-t-il dit après avoir prononcé un discours sur le Plan Nord.

N'attendez pas, toutefois, ce genre de leadership à Durban de la part du gouvernement Harper.

Le leadership environnemental, selon les conservateurs, c'est de vendre aux Américains le pétrole des sables bitumineux sous l'étiquette «éthique» et de leur garantir un approvisionnement continu, ce qu'ils font déjà depuis des années aux États-Unis.

Les sirènes du 450

Sur une question beaucoup plus locale, je n'arrive pas à concilier l'intention de François Legault de «responsabiliser» les citoyens et son rejet d'un projet de péage sur les ponts de Montréal.

Visiblement, les sirènes électorales du 450, là où il peut faire le plein de votes, l'auront amené à une telle position.

Juste au moment où, pourtant, la population semble prête à accepter le retour du péage.

Pas fort pour un chef politique qui promet de prendre des décisions difficiles, mais nécessaires pour le Québec.

Le CPE «La petite magouille»

J'ai coiffé hier ma chronique du titre La garderie Les copains d'abord ... sans savoir qu'au moins deux garderies au Québec (Côte-Saint-Luc et Beloeil) portent ce nom.

Je ne les visais pas, évidemment.

Parlons plutôt du CPE «La petite magouille», c'est plus approprié.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca