Sam Hamad fêtera demain le premier anniversaire de son arrivée à la tête du ministère des Transports.

Bon, j'en conviens, le verbe «fêter» est probablement mal choisi, ici. Plus que toute autre chose, cet anniversaire rappellera sans doute à M. Hamad à quel point sa vie était agréable avant que Jean Charest ne lui fasse cadeau des Transports.

Malgré les cahots, le bonhomme s'accroche: pas question de démissionner à cause de l'«accident» de l'A720, a-t-il encore répété lundi matin chez Paul Arcand (notez au passage que le ministre, qui dit officiellement attendre le rapport d'enquête sur l'effondrement, répète qu'il a déjà tiré ses conclusions...).

Je comprends fort bien l'exaspération de mes collègues qui ont dû se taper les contradictions et les faux-fuyants de Sam Hamad depuis 10 jours, et encore plus l'impatience et l'angoisse des automobilistes devant l'état de nos routes. Cela dit, je suis d'accord avec le ministre: il doit rester en poste. Et pour plusieurs mois encore, au moins le temps que l'on tire vraiment au clair cet autre glorieux épisode de notre désolant réseau routier.

Je doute toutefois que nous arrivions à cette conclusion pour les mêmes raisons. Sam Hamad affirme qu'il a la situation bien en main et qu'il n'a rien à se reprocher. Moi, je dis plutôt qu'il a des comptes à rendre, des réponses à fournir et des rapports à rendre publics.

Ce n'est pas que je le trouve particulièrement compétent (et encore moins convaincant). En fait, j'ai des doutes sur le bonhomme depuis 2003, lorsque, candidat libéral dans Louis-Hébert, il m'avait expliqué le plus sérieusement du monde qu'il ne faut pas croire les sondages dans la région de Québec parce que les nombreux fonctionnaires qui y habitent mentent aux sondeurs de peur que ce soit en fait leur employeur (le gouvernement!) qui tente de connaître leurs allégeances...

Il est vrai que, dans la tourmente des derniers jours, M. Hamad est vague, il a du mal à dire les répliques que lui préparent son personnel et les firmes de relations publiques et, de plus, il parle un français épouvantable.

Je persiste néanmoins à croire qu'une démission à ce moment-ci serait une sortie bien trop commode pour son gouvernement et lui.

Demandez à n'importe quel chef d'un parti d'opposition: il n'y a rien de pire, lorsqu'on exige la démission d'un ministre, que... de l'obtenir. C'est trop facile: le premier ministre démet ou mute un ministre qui est dans le pétrin; il le remplace par un nouveau titulaire qui mettra des semaines à se «familiariser» avec les dossiers. Solidarité et responsabilité ministérielles obligent, l'ancien ministre ne peut plus parler de ses anciennes fonctions, et voilà: on a noyé le poisson.

À l'heure actuelle, il est pour le moins paradoxal de réclamer à la fois la transparence du Ministère et la démission du ministre.

Rappelez-vous le scandale des subventions au ministère des Ressources naturelles du gouvernement Chrétien, il y a 10 ans (1 milliard de dollars perdus dans la brume!): la pauvre Jane Stewart avait finalement succombé aux attaques de l'opposition et à la pression médiatique, mais on n'a jamais pu entendre la version de Pierre Pettigrew, qui était ministre en titre à l'époque du scandale.

Depuis 10 jours, le ministre Hamad a affirmé un certain nombre de choses (toutes les routes du Québec sont sécuritaires, il s'agit d'un accident causé par les travaux, Transports Québec n'a pas retenu d'information critique, n'a pas joué avec la sécurité et a fait tous les travaux nécessaires) qu'il devra défendre et expliquer à l'Assemblée nationale et peut-être devant une commission parlementaire ou, encore mieux, au cours d'une enquête publique.

Ce n'est pas par charité chrétienne que Pauline Marois s'est abstenue de réclamer la démission de Sam Hamad. Elle sait qu'il n'y a pas de motif pour le moment et, surtout, elle sait qu'il est ébranlé et qu'il fera une cible de choix à la rentrée parlementaire.

Sam Hamad en a d'ailleurs rajouté une couche, lundi matin chez Paul Arcand, avec une déclaration surprenante. En fait, il s'agit plutôt d'une «non-déclaration» puisque le ministre des Transports a été incapable de réfuter l'affirmation de l'animateur du 98,5, selon qui la «culture de la désorganisation» règne au ministère des Transports, où personne ne se parle ni ne sait ce que fait l'autre (Arcand citait alors l'ingénieur et ancien commissaire de la commission Johnson, Roger Nicolet).

«Donnez-moi le temps de vérifier», a balbutié M. Hamad. Il a plus tard ajouté qu'il ne sait pas, trois ans après le dépôt du rapport Johnson, ce qu'il est advenu de ses recommandations dans son propre ministère.

Sam Hamad avoue donc implicitement ne pas savoir ce qui se passe vraiment dans son ministère. C'est plutôt inquiétant au moment où le gouvernement du Québec dégage ou s'apprête à dégager des milliards en fonds publics dans le cadre d'un programme sans précédent de reconstruction des infrastructures au Québec.

Non, vraiment, le ministre Hamad ne doit pas démissionner. Ce bonhomme-là a des comptes à rendre.