Avant que l'on me traite de chialeux, je précise: le développement économique du Nord, développement social en plus avec, en prime, qui sait, le durable, tout ça en accord avec les autochtones, je suis pour.

Comme je suis, et tous les Montréalais aussi, pour un nouveau CHUM super-performant, moderne, nécessaire.

Pour le développement de l'industrie du gaz de schiste, aussi. Dans l'ordre, le respect et avec des retombées maximales pour le Québec.

Tout à fait favorable aussi, poursuivons la liste des bonnes intentions, avec la relance du mont Orford ou avec le retour des Nordiques à Québec.

Comme je l'utilise souvent (trop?), je suis aussi en faveur du remplacement de l'échangeur Turcot, ne serait-ce que pour ne pas finir écrapou dans ma vieille Passat sous une dalle de béton pourri.

D'accord aussi avec les éoliennes (surtout de loin).

Tous ces projets, ces priorités, ces plans sont valables, parfois même nécessaires, mais ils ont les mêmes tristes caractéristiques en commun: mal fagotés, annoncés en catastrophe ou à répétition, incomplets et flous. Quand ils ne tournent pas carrément au fiasco.

Le Plan Nord, cela fait des années que Jean Charest en parle. On dirait qu'il croit qu'à force de l'annoncer, son fantasme nordique se réalisera, là, tout de suite, sous nos yeux.

Plus de 80 milliards sur 25 ans (25 ans!), des retombées de plusieurs milliards, la création d'un nouveau territoire nordique... En théorie, cela fait rêver et on ne peut reprocher à notre premier ministre d'avoir des ambitions pour sa province, mais, en pratique, il faut bien admettre que les éléments tangibles de son plan sont vagues et les fruits promis, bien incertains.

M. Charest insiste tellement, par ailleurs, pour laisser sa trace dans l'histoire du Québec avec le Plan Nord, cela devient suspect. L'Histoire est écrite par les historiens, des années après le départ des sujets étudiés, pas par le sujet lui-même pendant son propre mandat.

Ce désir d'écrire un chapitre dans le grand Livre rappelle un peu, à une autre échelle, Bill Clinton, à la fin de son deuxième mandat, en 1999, qui avait tellement essayé de s'«acheter» un Nobel en forçant le jeu au Moyen-Orient.

Le Plan Nord est en train de devenir, dans l'imaginaire libéral, ce que la souveraineté est depuis longtemps chez les péquistes. On a eu droit au slogan: «Oui et ça devient possible», maintenant, c'est «Le Plan Nord et tout est possible».

Les libéraux ont même, préventivement, accordé à Jean Charest le titre de «grand bâtisseur», il y a quelques années, avant même qu'un seul camion n'ait roulé sur les nouvelles routes de notre eldorado nordique.

Robert Bourassa mérite le titre de grand bâtisseur pour le développement de la Baie-James. René Lévesque aussi. Mais on a reconnu leur contribution après, pas avant.

Le Plan Nord parle de retombées mirobolantes et même d'un impact de 162 milliards sur le produit intérieur brut (PIB) en 25 ans. Trop, c'est comme pas assez.

Les contribuables, c'est normal et légitime, attendent des résultats tangibles à court terme, pas de vagues milliards d'un gouvernement qui les a le plus souvent déçus depuis huit ans.

En privé, Jean Charest s'allume lorsqu'il parle de son Plan Nord. Il s'enthousiasme lorsqu'il parle des investisseurs et des gouvernements français, russe ou chinois qui font la queue aux portes du Nord, impatients de sauter dans la mêlée.

Soit. Le potentiel est là et nous ne sommes pas assez riches pour cracher sur de telles sources de revenus.

Le défi de Jean Charest est de prouver que cela peut réellement se faire au profit du Québec. Et pas dans 25 ans.