Des perdants, il y en a presque toujours dans un remaniement. Jeudi, c'est à Robert Poëti qu'est revenu ce titre, lui qui s'est fait mettre à la porte du Conseil des ministres.

M. Poëti perd les Transports et la région de Montréal, mais il reste député de Marguerite-Bourgeoys.

« Me demande si Denis Coderre appellera Martin Coiteux le samedi matin pour aller prendre un café comme il le faisait avec Robert Poëti ? », a lancé mon collègue Vincent Marissal sur Twitter. La réponse ne s'est pas fait attendre : « Bien sûr », a répondu le maire.

Et voilà. On est déjà dans l'après-Poëti. C'est triste, mais c'est comme ça. En politique, m'a rappelé jeudi Henri-François Gautrin, qui s'était fait éjecter par Philippe Couillard en 2014, être ministre est une prérogative du premier ministre.

« On n'est jamais ministre plus longtemps que le temps que ça prend au premier ministre de traverser la rue et d'aller au bureau du lieutenant-gouverneur Ça veut dire à peu près deux minutes. »

N'empêche. « Ça doit être assez dur pour M. Poëti. Il faut être conscient de ça. Moi aussi, je l'ai mal pris. Il faut dire la vérité, ce n'est pas facile. On peut comprendre la logique, mais c'est difficile quand ça s'applique à soi. Il faut toujours savoir qu'on est élu pour être député. Après, on a des fonctions. Mais c'est un mandat de député avant d'être un mandat de ministre. »

Élu dans Verdun de 1989 à 2014, M. Gautrin s'attendait à perdre son portefeuille en 2007 quand il a été convoqué au bureau de Jean Charest. « Dans les jours qui précèdent le remaniement, le bureau du premier ministre s'arrange pour faire des fuites dans les médias, m'a-t-il expliqué. Un journaliste m'avait appelé pour m'avertir que ça pouvait être le cas. »

L'ex-ministre péquiste Jacques Brassard, lui, n'a rien vu venir. En février 2002, M. Landry l'a reçu à sa maison de Chambly pour lui annoncer la nouvelle.

« Il m'avait offert de me garder comme leader, plus quelques babioles... Mais il faut mettre les choses en perspective. Sous le gouvernement de Lucien Bouchard, j'avais des responsabilités assez substantielles. Je n'étais pas seulement leader parlementaire, j'avais un ministère important. J'étais, dans le jargon politique, un ministre senior. »

M. Brassard et Guy Chevrette, qui avait subi le même sort, ont remis leur démission le lendemain.

« Tout ce que M. Landry m'offrait, c'était des responsabilités purement décoratives. Je n'étais pas très content et il s'en est rendu compte. En route vers Québec, j'ai appelé ma femme et je lui ai dit : "Je viens de voir Bernard Landry. Je rentre dans mes terres" », raconte Jacques Brassard.

Il tirait ainsi un trait sur 25 ans de vie politique.

À l'époque, la décision de M. Landry était motivée par la volonté de rajeunir son conseil des ministres et d'augmenter le nombre de femmes. Tout comme celle de M. Couillard, hier.

« J'étais perçu comme un vieux débris, un has-been ! J'en ris maintenant, mais je ne trouvais pas ça drôle. Je m'imagine très bien dans quel état doit être M. Poëti. Ce n'est pas agréable. »

M. Brassard dit avoir mis un an à s'en remettre.

La même chose est aussi arrivée au député libéral d'Orford, Pierre Reid, qui a perdu son portefeuille, en février 2006, alors qu'il était dans le gouvernement Charest.

« J'ai pris une journée. On est des êtres humains. Il y avait plein de dossiers qui me tenaient à coeur. Mais ce n'est pas moi qui décide. Le premier ministre a une équation à résoudre. Et il la résout du mieux qu'il peut. La vie continue. »

La vie continue aussi pour Robert Poëti, qui n'a pas assisté au remaniement, hier, mais qui sera de retour au prochain caucus.

« Mes collègues vivent aujourd'hui de beaux moments. Je n'irai pas ternir une journée de célébration à cause du fait que, de toute évidence, je n'aurais pas souri beaucoup. »

Robert Poëti à La Presse

« Je suis député, j'ai été élu dans ce comté, j'y ai déménagé, c'est sûr que je vais continuer de travailler avec les citoyens. Mais est-ce que je dois prendre du recul et réfléchir ? La réponse est oui, on ne vit pas facilement un épisode comme ça. »

« M. Couillard m'a dit : "Cela va être une mauvaise journée pour toi. Professionnellement, je suis satisfait de ton travail, personnellement, je n'ai aucun problème, mais comme je veux avoir une meilleure représentation des jeunes et des femmes tu tombes à un mauvais endroit." »

« J'étais en plein dans le projet de loi sur la gouvernance des transports collectifs. J'étais prêt à déposer des amendements au Code de sécurité routière. »