Trouvez l'erreur. Certains concessionnaires automobiles offrent des rabais substantiels aux clients qui acceptent de financer leur véhicule au lieu de payer comptant. Le monde à l'envers, quoi.

Michel a été bien étonné quand son concessionnaire de la couronne nord de Montréal lui a offert un cadeau s'il acceptait de financer sur cinq ans l'achat de son véhicule utilitaire sport d'environ 50 000 $.

En fait, le commerçant lui a offert gratuitement un traitement antirouille d'une valeur de 850 $ s'il contractait un prêt à un taux d'intérêt assez désavantageux de 6,99%.

Seule condition : il devait s'engager à conserver le prêt au moins six mois. Mais qu'à cela ne tienne ! Le concessionnaire lui a fait un chèque de 534 $ pour rembourser les intérêts sur cette période.

Michel a donc accepté. Et il a remboursé le prêt au complet dès qu'il en a eu l'occasion, l'hiver dernier. «Dans mon cas, j'étais gagnant. Mais il doit y avoir bien des perdants qui conservent le prêt et continuent de payer des intérêts», déplore-t-il.

Si vous voulez mon avis, ce genre de promotion est une pure incitation à l'endettement qui devrait être proscrite.

Même la Corporation des concessionnaires automobiles du Québec (CCAQ) dénonce ce type de rabais. «On se tient loin de ça. C'est une pratique avec laquelle on est en total désaccord», m'a affirmé Frédéric Morin, vice-président aux affaires juridiques, à la conformité et à l'environnement de la CCAQ.

Malheureusement, l'histoire de Michel n'est pas unique.

«On a déjà entendu parler de rabais à l'achat du véhicule si le consommateur opte pour du financement. Ce n'est pas nouveau», m'a confirmé Annie Gauthier, porte-parole de CAA-Québec.

Un autre lecteur me racontait justement avoir vécu la même expérience il y a quatre ans. Jean-Guy prévoyait payer comptant sa voiture d'environ 33 000 $. Mais le concessionnaire du Saguenay-Lac-Saint-Jean lui a offert un rabais supplémentaire de 750 $ s'il contractait un emprunt pour cinq ans auprès d'une banque.

«Je l'ai pris!», raconte l'automobiliste, qui a remboursé son prêt au complet dès le deuxième versement. Ce qui s'est avéré une aubaine pour lui aurait pu se transformer en piège d'endettement. Un consommateur moins discipliné aurait payé plus de 6000 $ d'intérêts s'il avait cédé à la tentation de conserver le prêt jusqu'à la fin.

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Mais ce n'est pas le seul écueil.

«Ce qui est dangereux pour le consommateur - et avantageux pour le concessionnaire -, c'est que le financement ouvre la porte à la vente de toutes sortes d'autres produits dont le consommateur n'a pas nécessairement besoin», ajoute Mme Gauthier.

Quand le financement entre en jeu, le client doit aller s'asseoir dans le bureau du directeur commercial qui lui proposera un antirouille, une assurance de remplacement et d'autres services qui finissent par être encore plus payants pour le concessionnaire que la vente du véhicule pure et simple.

Cela s'ajoute aux généreuses commissions que les concessionnaires reçoivent lorsqu'ils recommandent un client à une institution prêteuse.

Parfois, la grille de commission varie en fonction du taux d'intérêt. Si le taux est de 150 points de base plus élevé (1,5%), la commission du concessionnaire peut grimper de 120 $ à 900 $. Pratiquement 10 fois plus!

La CCAQ a beau me dire que ce ne sont pas les concessionnaires qui fixent le taux d'intérêt, mais plutôt la banque qui a étudié le dossier de crédit du client, je trouve quand même qu'une telle grille de commission va à l'encontre des intérêts du consommateur.

Les commissions versées par les banques aux concessionnaires devraient être fixes et mieux divulguées aux clients, comme c'est déjà le cas pour d'autres produits financiers.

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Mais les constructeurs automobiles ont aussi leurs propres rabais qui poussent les consommateurs vers l'endettement.

Étonnamment, leurs programmes privilégient le financement par emprunt et la location, au détriment d'un achat au comptant, a constaté l'Association pour la protection des automobilistes (APA) lors d'une enquête anonyme en décembre dernier.

À ce moment, les programmes de Kia et de Mazda présentaient des rabais de 500 $ et de 750 $ combinés à un financement à 0%. Les clients qui payaient comptant n'avaient pas droit à des escomptes équivalents.

Quand les taux d'intérêt sont réellement très faibles, voire nuls, les clients ont avantage à accepter la promotion et à financer leur véhicule. Mais au lieu de profiter de l'aubaine pour acheter un véhicule plus gros que leurs besoins, ils devraient utiliser leur marge de manoeuvre pour faire une cotisation mensuelle à leur REER ou pour rembourser des dettes plus coûteuses, conseille le président de l'APA, George Iny.

Certains constructeurs incitent davantage leurs clients à louer leur véhicule, une formule qui permet de fidéliser le client qui reviendra chez le concessionnaire à la fin de son bail.

Lors de l'enquête de l'APA, GM offrait ainsi une réduction de 1750 $ pour un contrat de location sur la Cruze, alors qu'aucun rabais comparable n'était offert aux clients qui payaient comptant. Mais le plus troublant, c'est que les clients de GM devaient absolument prendre une nouvelle carte de crédit pour bénéficier d'une remise de 500 $ dans le cadre d'une promotion commune avec la Banque Scotia.

Il y a quelques années, Québec avait jonglé avec l'idée d'interdire les cadeaux pour pousser les consommateurs à prendre une nouvelle carte de crédit dans le cadre d'une réforme de la Loi sur la protection du consommateur (LPC). Malheureusement, l'initiative est tombée à l'eau. Il serait temps d'y repenser...