Ce n'est pas d'hier que les fraudeurs pullulent sur les sites de petites annonces. Les voilà maintenant qui ciblent les travailleurs à la recherche d'un emploi sur l'internet. Leur arme de prédilection ? Les virements Interac dont certains consommateurs ne réalisent pas encore tous les dangers.

En septembre dernier, Rabih Barakat s'est fait piéger alors qu'il cherchait du boulot sur Jobboom et Workopolis. Un faux employeur étranger nommé JBSM Capital lui a offert un travail d'intermédiaire financier. En guise de formation, il devait d'abord recevoir des virements électroniques afin d'acheter des bitcoins au nom de l'entreprise.

A posteriori, on pourrait dire que ce stratagème sentait l'arnaque à plein nez. Mais sur le coup, les documents d'embauche étaient drôlement convaincants et M. Barakat s'est laissé prendre.

L'entreprise a donc procédé à un premier virement de 1000 $ dans son compte.

Après avoir retiré l'argent, il s'est rendu à un guichet automatique spécialisé dans l'achat de bitcoins. Et paf ! l'argent était disparu dans les profondeurs du web.

En guise de commission, l'homme a conservé comme convenu 3 % de la somme, soit 30 $. Pour presser les victimes, JBMS offrait même un bonus de 20 $ si l'opération était faite en moins d'une heure.

Le lendemain, l'entreprise a tenté de faire d'autres virements à M. Barakat. Mais la Banque Royale a bloqué son compte et a ensuite récupéré le premier versement de 1000 $, puisque le virement s'est avéré frauduleux.

Généralement, les escrocs puisent l'argent dans le compte d'une autre personne dont les données bancaires ont été compromises, quoique la Banque Royale a refusé de commenter l'affaire.

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Cette arnaque de « l'agent financier » n'est qu'une variante des fraudes liées à l'emploi répertoriées par le Centre antifraude du Canada.

D'autres fraudeurs attrapent les internautes en leur disant qu'ils ont été choisis pour être un « client mystère » supposément pour de grandes enseignes comme Pharmaprix.

Les personnes qui tombent dans le panneau reçoivent de l'argent qu'ils doivent utiliser pour faire des achats dans certains magasins, avant d'envoyer le reste à une entreprise de transfert de fonds. Ici encore, « l'employé » a le droit de conserver une commission.

Mais les victimes se retrouvent dans de beaux draps lorsque la banque les informe que le chèque ou le virement étaient frauduleux.

Idem pour les gens qui embarquent dans la fraude de « l'habillage d'auto ». En échange d'une rémunération de 300 à 500 $ par semaine, les victimes s'engagent à habiller leur véhicule avec le logo d'une entreprise.

Les fraudeurs envoient un paiement que les victimes doivent déposer dans leur compte pour couvrir certains frais (p. ex. : graphisme) avant de retourner le reste de la somme. Mais à nouveau, le chèque ou le virement est contrefait, si bien que la victime se retrouve le bec à l'eau. Et bonne chance pour expliquer ça à la banque !

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Après des mois de démarches, M. Barakat n'a jamais réussi à faire plier la Banque Royale, qui lui a seulement offert 100 $ en signe de bonne volonté. Mais l'institution financière refuse de lui rendre le reste de l'argent, ni même les frais et intérêts engagés parce que son compte s'est retrouvé à découvert.

Le client a présenté sa plainte à l'ombudsman de la Banque, puis à ADR Chambers, qui a le pouvoir d'annuler les décisions de l'ombudsman. Tous deux ont rejeté sa demande.

Le client a tenté de faire valoir qu'il avait téléphoné à la banque pour s'assurer que les virements bancaires étaient sûrs, avant de procéder à la transaction. La représentante ne l'a jamais prévenu des risques de fraude, mais il est vrai qu'elle n'avait pas été mise au courant des circonstances particulières de la transaction.

Il est aussi vrai que le site web de la Banque Royale comporte des informations sur les fraudes par virements électroniques.

Mais comme les virements Interac ne sont pas encore familiers pour bien des clients, ne pourrait-on pas leur faire lire un message antifraude avant de les laisser procéder à leur premier virement ?

Il me semble que ça ne serait pas si compliqué et plus efficace que des informations perdues sur un site internet.

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Le fait est que les virements Interac présentent des risques sous-estimés.

De la même manière qu'un chèque peut « rebondir », un virement Interac peut s'avérer frauduleux. Ce n'est pas parce que l'argent est dans votre compte que la banque ne peut pas venir le rechercher. Vous devriez donc envoyer ou recevoir des fonds uniquement d'une personne que vous connaissez et à qui vous faites confiance.

Interac m'a assuré que sa politique zéro responsabilité qui couvre les Débit Interac, Flash Interac, le service de débit transfrontalier ou encore Interac en ligne s'applique aussi aux virements Interac, même si son site internet ne le précise pas.

« Puisque cela s'applique à Virement Interac, les transactions qu'un utilisateur n'autorise pas sont couvertes par la Politique zéro responsabilité, par exemple dans le cas du piratage d'un compte. La Politique zéro responsabilité Interac est appliquée par votre banque et les réclamations sont évaluées au cas par cas », m'a expliqué par courriel la porte-parole d'Interac, Rachel Kellogg.

Le hic, c'est que les consommateurs doivent souvent se battre pour obtenir l'indemnisation qui se fait à la gueule du client. Parfois la banque plie, comme je l'ai déjà raconté. Parfois elle garde la ligne dure. Mais la décision reste arbitraire, voire discriminatoire.

Alors que la popularité des virements Interac monte en flèche, il serait temps qu'on instaure des balises plus claires pour protéger le public.