On n'a pas entendu son grand éclat de rire rafraîchissant. On ne l'a pas vue sautiller de joie non plus. À l'occasion du dépôt de son premier budget, la nouvelle mairesse de Montréal Valérie Plante était retombée sur terre. Durement.

Tant bien que mal, elle s'est défendue d'avoir brisé sa promesse électorale de ne pas augmenter les taxes foncières au-delà de l'inflation.

Si vous l'aviez vue patiner. Si vous l'aviez entendue jouer sur les mots, tordre les chiffres. Les électeurs qui s'attendaient à un nouveau style de politique seront déçus.

La réalité toute crue, c'est que les résidants de Montréal verront leur compte de taxes augmenter en moyenne de 3,3%, en 2018. Pour une maison moyenne de 427 500 $, la facture s'élèvera à 3729 $, un bond de 118 $ par rapport à l'an dernier.

Cette hausse est incontestablement supérieure au taux d'inflation de 2,1% sur lequel la Ville table cette année. Un taux d'inflation arrangé avec le gars des vues, j'y reviendrai plus loin.

Mais jamais, au grand jamais, la mairesse n'a voulu admettre qu'elle revenait sur sa parole. Dix fois plutôt qu'une, elle a répété que sa promesse électorale visait strictement les «taxes foncières» qui vont grimper de seulement 1,9% cette année.

D'accord. Mais à cela, il faut ajouter les taxes imposées par les arrondissements qui augmenteront de 0,3%, en moyenne. Et surtout, il faut additionner la hausse de 1,1% de la taxe spéciale de l'eau.

Instaurée en 2004, cette taxe n'avait pas bougé depuis quatre ans. Or, les investissements dans le réseau de distribution d'eau sont appelés à tripler d'ici l'an prochain pour pallier le déficit d'entretien chronique de nos installations.

Quand on attend qu'il y ait des fuites pour réagir, les travaux d'urgence coûtent 10 fois plus cher, justifie la mairesse. Sans compter tous les désagréments liés à la circulation lorsque la Ville est obligée d'ouvrir les rues à l'improviste.

C'est logique. Ça se comprend. Mais il n'en demeure pas moins que les contribuables vont écoper d'une hausse de taxes totale de 3,3%. Valérie Plante peut bien faire des nuances sémantiques pour laisser croire que l'augmentation des «taxes foncières» n'est que de 1,9%, personne n'est dupe.

Mais de toute façon, cette hausse de 1,9% dépasse déjà les prévisions d'inflation les plus récentes.

Il faut savoir que la Ville se fonde sur les prévisions du Conference Board, qui est le seul organisme à faire ce genre d'exercice spécialement pour la région de Montréal.

Or, les prévisions du Conference Board sont souvent plus élevées que la réalité à la fin de l'année, ce qui donne du jeu aux politiciens.

D'ailleurs, le Conference Board a déjà réduit ses chiffres depuis l'automne dernier. Désormais, il projette un taux d'inflation de 1,7% à Montréal pour 2018, alors qu'il s'attendait à 2,1% en octobre dernier. Mais au lieu d'utiliser la prévision toute fraîche dans son budget, la Ville a conservé le vieux chiffre plus accommodant.

Alors, c'est officiel. Même en utilisant la définition restrictive de Valérie Plante, la hausse de 1,9% des taxes foncières dépasse l'actuelle projection d'inflation de 1,7%. Sans contredit, sa promesse électorale tombe à l'eau.

Remarquez, elle ne sera pas la première à hausser les taxes à un rythme plus rapide que celui de l'inflation. Pas plus tard que l'an dernier, son prédécesseur Denis Coderre se targuait de contenir l'augmentation des taxes résidentielles à 1,7%. Mais finalement, l'inflation devrait être de 1,1%, selon les chiffres que m'a fournis le Conference Board hier.

En regardant dans le rétroviseur, on s'aperçoit que depuis 2010, pas une seule administration n'est parvenue à contenir la hausse des taxes sous l'inflation. En moyenne, les résidants ont vu leurs taxes totales grimper de 3% par année, exactement le double de l'inflation.

À la longue, ça finit par faire mal. Dans certains arrondissements, c'est encore pire. Cette année, par exemple, les résidants de Rosemont-La Petite-Patrie et de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension se retrouveront avec des hausses de plus de 5%.

Ce n'est pas comme cela que la Ville va retenir les familles dans l'île. Comme prix de consolation, Valérie Plante va dégager 21 millions de dollars par année, à terme, pour aider les jeunes ménages à faire leur nid à Montréal.

Mais il est encore trop tôt pour savoir si elle honorera sa promesse d'éliminer les droits de mutation immobilière («taxe de Bienvenue»), jusqu'à concurrence de 5000 $, pour les familles avec enfant qui achètent leur première maison, suivant l'exemple de l'Ontario.

Ce ne serait pas du luxe, car la grille de calcul de ces droits n'a pas été revue depuis 1992. Comme elle est établie en pourcentage de la valeur de la maison, la «taxe de Bienvenue» coûte quatre fois plus cher qu'il y a 25 ans, à cause de l'explosion des prix de l'immobilier.