Non, ce n'est pas demain la veille que vous ferez votre déclaration de revenus sur une carte postale. Mais dans son budget d'hier, particulièrement mince et insipide, Ottawa a quand même réussi à faire un petit ménage de printemps dans notre système fiscal.

Remarquez que le ministre des Finances Bill Morneau a surtout donné un coup de balai à des crédits d'impôt inefficaces destinés à la classe moyenne, lui qui disait vouloir s'attaquer aux échappatoires et aux mesures fiscales qui profitent surtout aux riches.

D'accord, Ottawa a serré la vis aux professionnels comme les comptables ou les avocats qui parviennent à reporter de l'impôt en comptabilisant leurs revenus et leurs dépenses de manière habile.

Le fédéral a aussi fermé la porte aux «opérations de chevauchement» qui permettent de reporter la facture fiscale à l'aide de produits dérivés.

Mais autrement, les «riches» peuvent dormir tranquille. Les rumeurs persistantes de hausse de l'impôt sur le gain en capital et sur les options d'actions ne se sont finalement pas matérialisées.

Transports en commun

Ironiquement, la plus importante mesure fiscale du budget est l'abolition du crédit d'impôt pour les transports en commun. Ottawa récupérera 1 milliard de dollars sur cinq ans en privant de ce crédit 1,8 million de contribuables. Pour l'équité fiscale, il faudra repasser!

Mais il est vrai que la suppression de ce crédit permettra de simplifier notre régime d'imposition, qui en a tant besoin.

Il faut dire que ce crédit n'atteint pas sa cible. Trois études récentes ont démontré qu'il ne permet pas d'augmenter l'utilisation des transports en commun, ou si peu.

Sans compter que le crédit est sous-utilisé. Certains usagers ne sont peut-être pas au courant de son existence. D'autres oublient de conserver leurs reçus tous les mois. Et comme le crédit n'est pas remboursable, il n'a aucune valeur pour les contribuables qui n'ont pas d'impôt à payer - à commencer par les étudiants -, quoiqu'il soit possible de transférer l'économie d'impôt à ses parents. Mais ça commence à être compliqué...

Alors il est sensé d'éliminer ce crédit, même si je sympathise avec mon collègue Jean qui demeure à Saint-Jérôme. Il paie 230 $ par mois pour sa TRAM zone 7. La disparition du crédit d'impôt lui fera perdre 346 $ par année. Désolée!

Aidants naturels

Question d'alléger la déclaration de revenus des particuliers, Ottawa va aussi regrouper trois anciens crédits destinés aux aidants naturels. Une bonne idée, car ces trois crédits avaient des critères disparates. Le nouveau crédit, plus généreux, sera donc beaucoup plus simple. Tant mieux.

En passant, Ottawa débloquera aussi 691 millions sur cinq ans pour créer une nouvelle prestation d'assurance-emploi de 15 semaines destinée aux proches qui s'occupent d'un membre de leur famille atteint d'une maladie grave.

Autre bonne nouvelle : les infirmières praticiennes, souvent les personnes-ressources les plus accessibles du système de santé, auront maintenant l'autorisation de remplir l'attestation d'admissibilité au crédit pour personne handicapée.

Voilà qui simplifiera la vie des handicapés qui ont de quoi être perdus à travers la panoplie de mesures fiscales qui leur sont destinées.

D'autres abolitions

Le ménage de printemps fiscal fera aussi passer à la trappe l'obscure déduction à l'égard des prêts à la réinstallation, qui n'était pratiquement pas utilisée.

La non-imposition des allocations des députés des assemblées législatives et de certains élus municipaux sera aussi supprimée.

En fait, Ottawa avait déjà entrepris l'an dernier son écrémage fiscal, un exercice ardu, mais souhaitable.

Dans son premier budget, le gouvernement Trudeau avait mis la hache dans le crédit pour activités physiques des enfants, une mesure qui profitait de manière disproportionnée aux familles plus aisées.

Il avait aussi aboli le crédit pour manuels scolaires, préférant investir l'argent directement dans le programme de prêts et bourses.

«Les gouvernements mettent un paquet de crédits en place. Mais ils font rarement l'exercice pour vérifier si les crédits sont encore utiles et efficaces», me disait justement Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez EY.

Mais évidemment, il est plus facile d'offrir des bonbons que de les enlever.

Inspiration pour Québec

Québec devrait s'inspirer de ce ménage fiscal, comme le lui avait d'ailleurs recommandé le rapport Godbout, qui ciblait une trentaine de mesures fiscales à abolir.

Des exemples? Le crédit pour les marins québécois qui ne profite qu'à 89 contribuables; le crédit pour la relève bénévole que seulement 181 personnes réclament; le crédit provincial pour les transports en commun dont à peu près personne n'a jamais entendu parler; le pendant provincial à la déduction à l'égard des prêts à la réinstallation qu'Ottawa vient de mettre à la poubelle...

La liste est longue. Et il y a encore davantage de mesures qui mériteraient d'être dépoussiérées, remodelées, regroupées.

Il faut juste s'assurer que les efforts de simplification ne tournent pas au fiasco, comme on l'a vu lors de la création du crédit à la solidarité, issu de la fusion de trois anciennes mesures fiscales. Le regroupement a donné lieu à un véritable cafouillage administratif. À ne pas reproduire!