Je suis bien d'accord qu'il fallait faire le ménage dans le crédit d'impôt pour solidarité, dont la gestion laxiste coûtait 80 millions de trop à l'État chaque année. Mais au lieu de simplifier le crédit, on l'a compliqué encore plus, semant confusion et frustration chez les contribuables.

Depuis le début de mai, 616 000 Québécois ont reçu une mauvaise surprise du fisc, pratiquement le quart des contribuables admissibles à ce superprogramme de 1,7 milliard de dollars.

En fait, 470 000 contribuables ont reçu un avis de détermination leur annonçant une baisse de leur crédit d'impôt pour solidarité à partir de juillet. Plusieurs d'entre eux ont aussi appris qu'ils devaient rembourser des sommes versées en trop.

Et ce n'est pas fini : 146 000 autres contribuables recevront bientôt un avis de Revenu Québec qui avait prévu plusieurs vagues d'envois pour ne pas être submergé d'appels.

Peine perdue. Le fisc a été totalement débordé. « La ligne était toujours occupée ! », raconte Louis Caron qui a dû recomposer le numéro au moins 20 fois avant d'être mis en attente. De nombreux contribuables ont dû patienter plus d'une heure avant de parler à un agent.

« On ne s'en cache pas. C'était problématique », m'a avoué le porte-parle de Revenu Québec, Stéphane Dion, en précisant que les délais sont redescendus à environ 15 minutes, ce qui reste trop long.

Le fisc s'excuse et jure que personne ne sera pénalisé à cause des délais. Pour les prochains mois, il n'y aura pas d'intérêts sur les sommes dues.

Revenu Québec promet aussi de corriger toutes ses erreurs. Certains avis mentionnaient deux revenus familiaux différents. D'autres avaient des informations contradictoires sur le nombre d'enfants. Pas trop rassurant.

« C'est vrai qu'il y a eu des erreurs, des coquilles. Contactez-nous et on va les corriger », promet M. Dion. Petit conseil : au lieu de perdre votre temps au bout du fil, envoyez un courriel sécurisé au fisc.

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Pourquoi tout ce charivari ? Dans son dernier budget, Québec a voulu améliorer la gestion du crédit, qui avait été vertement critiquée par le vérificateur général.

Celui-ci avait notamment constaté que le tiers des personnes qui déclaraient vivre seules partageaient en fait leur logement. Elles touchaient donc 80 millions de trop, selon ses estimations.

Pour assurer un meilleur contrôle, Revenu Québec a donc ajouté des formulaires.

Désormais, tous les propriétaires d'immeubles doivent remettre un relevé 31 à leurs locataires. Ceux-ci doivent ensuite s'en servir pour remplir l'annexe D de leur déclaration de revenus, celle qui sert à demander le crédit d'impôt pour solidarité.

De leur côté, les propriétaires qui veulent obtenir le crédit d'impôt pour solidarité doivent maintenant inscrire le numéro de matricule qui figure sur leur avis d'imposition. Certains ne l'ont pas fait. Pouf ! Plus de crédit.

Bien d'autres n'ont pas rempli le relevé 31, ce qui a donné du fil à retorde aux locataires, raconte Nicolas Lemelin, professeur de fiscalité à l'Université du Québec à Trois-Rivières qui organisait des « cliniques d'impôt » pour les personnes à faibles revenus.

Il constate aussi que plusieurs contribuables ont buté sur la terminologie trop complexe de l'annexe D.

N'y aurait-il pas moyen d'aider les personnes plus vulnérables sans leur imposer un tel fardeau ? Il me semble qu'on pourrait arriver au même résultat en simplifiant le crédit d'impôt pour solidarité...

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Québec a déjà fait un pas dans la bonne direction.

Désormais, les contribuables n'ont plus à informer le fisc tous les mois des changements à leur situation qui peuvent influencer le calcul du crédit (séparation, déménagement, naissance, etc.).

C'est une bonne nouvelle, car beaucoup oubliaient de le faire et devaient ensuite rembourser des sommes importantes versées en trop.

À l'avenir, c'est l'information au 31 décembre qui sert de point de repère pour le versement du crédit à partir du mois de juillet suivant.

Or, la loi a été conçue pour que Revenu Québec puisse venir récupérer les sommes versées en trop depuis le 1er janvier. Et c'est exactement ce qui se passe en ce moment. Difficile de trouver mieux pour faire rugir les citoyens !

Dans la plupart des cas, la récupération est inférieure à 300 $, mais cela reste difficile à avaler pour les gens plus vulnérables à qui le crédit est destiné.

Par ailleurs, les bénéficiaires qui reçoivent de petites sommes risquent d'avoir une fausse joie en juillet prochain.

Pour ceux qui ont droit à moins de 240 $ par année, le gouvernement ne fera plus qu'un seul versement. Pour ceux qui ont droit à une somme se situant entre 240 $ et 800 $ par année, il enverra l'argent à tous les trimestres. Seuls les contribuables qui touchent plus de 800 $ par année continueront de recevoir un versement mensuel.

C'est tout à fait logique, car près du quart des bénéficiaires ne recevaient qu'une vingtaine de dollars par mois. Avec les nouvelles règles, ceux-ci obtiendront une grosse somme au début de juillet... mais ils ne devront pas compter là-dessus tous les mois.

LES ROUAGES DU CRÉDIT D'IMPÔT POUR SOLIDARITÉ

Le crédit d'impôt pour solidarité est un crédit remboursable, ce qui signifie que vous y avez droit même si vous ne payez pas d'impôt. Toutefois, il est essentiel de faire votre déclaration de revenus pour le recevoir.

Pour y être admissible, il faut avoir 18 ans ou plus et vivre au Québec. Le crédit a trois volets.

Pour la composante TVQ, vous avez droit à 283 $, auxquels s'ajoute une somme égale si vous vivez avec un conjoint, car une seule personne par couple peut réclamer le crédit. Une somme de 135 $ s'ajoute pour les personnes qui vivent seulement avec des enfants mineurs sous leur toit.

Pour la composante logement, une somme de 548 $ est versée si le logement est habité par l'unique propriétaire ou locataire. Si le logement est partagé, un montant de 665 $ est divisé entre les occupants qui sont propriétaires ou locataires. À cela s'ajoute un montant de 113 $ pour chaque enfant mineur.

La troisième composante ne vise qu'un très faible nombre de personnes vivant dans des villages nordiques.

Comme le crédit est destiné aux personnes moins nanties, le montant diminue lorsque les revenus d'un couple dépassent environ 34 000 $ et disparaît entièrement après environ 55 000 $. Cela n'empêche pas un enfant majeur qui vit chez ses parents d'obtenir la composante TVQ, mais pas celle pour le logement, car il n'est pas propriétaire ou locataire.