Si vous passez par le métro Monk, méfiez-vous des téléphones défectueux qui gobent allègrement la monnaie des passants.

Vestiges de l'époque pré-cellulaire, les cabines téléphoniques restent encore très utiles pour les citoyens qui n'ont pas de téléphone mobile. Eh oui, les jeunes, ça se peut ! Quelque 15 % des ménages canadiens n'en ont pas. Et ils s'en tirent très bien... sauf quand une cabine téléphonique leur vole leurs 50 cents.

C'est arrivé à maintes reprises à Benoit Tranche...

Il y a deux ans, il glisse 50 cents dans un téléphone public sur le quai de la station de métro Monk. L'appareil garde la monnaie même si son interlocuteur n'entend pas un traître mot de la conversation.

Deuxième essai. Même problème.

M. Tranche gravit deux étages et tente sa chance dans une autre cabine. Cette fois, l'argent reste coincé. Zut de zut !

Il utilise la cabine voisine pour signaler le problème à Bell. Au bout de la ligne, des agents le transfèrent à gauche et à droite pour finalement lui couper la ligne au nez. La frustration monte d'un cran.

Rentré à la maison, il rappelle chez Bell. Mais on l'avise que c'est une autre entité qui s'occupe de l'entretien des téléphoniques publics. « Non seulement on n'offre pas de me rembourser la petite somme qu'on m'a volée, mais l'entreprise ne cherche visiblement pas à résoudre ce problème », déplore M. Tranche.

Six mois plus tard, même scénario. Toujours au métro Monk, M. Tranche doit passer un coup de fil. Convaincu que l'entreprise a eu le temps de réparer l'appareil, il passe un appel. Toujours pas de service !

Imaginez-vous donc que si vous allez faire un tour au métro Monk, il y a encore des cabines téléphoniques hors d'usage. Pas de farce, Benoit y est retourné récemment.

Pourtant, Bell procède à des rondes d'entretien de ses téléphones publics plusieurs fois par année, m'a assuré sa porte-parole, Caroline Audet. « Entre-temps, en appelant le 310-BELL, n'importe qui peut nous signaler un bris ou du vandalisme sur nos équipements », ajoute-t-elle.

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Bien sûr, l'usage des téléphones publics est en déclin. Mais ce n'est pas une raison pour les laisser tomber en décrépitude et piéger les citoyens les uns après les autres.

Le tiers des Canadiens se servent encore occasionnellement d'un téléphone public (contre la moitié il y a 12 ans). Quoique moins utilisées, les cabines téléphoniques jouent encore un rôle important dans l'espace public.

Elles permettent de faire un appel d'urgence aux gens qui n'ont pas de cellulaire, par choix ou par manque de ressources, ou à ceux qui ne peuvent utiliser leur sans-fil parce qu'il n'y a pas de réseau ou parce que leur appareil est en panne. Les cabines demeurent aussi une solution accessible et abordable pour les moins nantis, qui sont parmi les plus grands utilisateurs de téléphones payants.

Or, les fournisseurs se passeraient bien de ces téléphones qui leur coûtent plus cher que les revenus qu'ils génèrent.

C'est que les téléphones sont trop nombreux par rapport à la demande. Les fournisseurs devraient en retirer 15 % cette année, alors que le taux de retrait annuel était de 6 % en 2008. Mais cela reste largement inférieur à la diminution du nombre d'appels, qui s'établit à 24 % par année, rapporte le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Certains téléphones ne servent à peu près jamais. En 2013, par exemple, Bell Aliant a expliqué au CRTC qu'elle comptait 636 téléphones publics qui n'avaient pas servi depuis 13 mois. Pas une seule fois ! Et 10 500 autres téléphones lui rapportaient moins de 50 cents par jour, ce qui représentait 15 % de ses appareils.

Ne vous demandez pas pourquoi les fournisseurs de service tournent parfois les coins ronds en matière d'entretien, comme le démontrent les mésaventures de M. Tranche. Vous me direz qu'à ce compte, ils feraient aussi bien de les retirer complètement de la circulation plutôt que de laisser des téléphones défectueux attraper les usagers comme des poissons.

Oui, mais pas trop vite. Dans certains patelins, les téléphones publics restent indispensables. En décembre dernier, le CRTC a d'ailleurs resserré les règles de retrait des cabines publiques. Désormais, les grandes compagnies de téléphone doivent aviser les collectivités avant d'enlever des téléphones publics des endroits où il n'y a pas de sans-fil.

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Mais je me réjouis surtout du fait que le CRTC forcera bientôt les grandes compagnies de téléphone à fournir davantage d'information sur les tarifs d'interurbains de leurs téléphones publics. Contrairement aux appels locaux dont le prix est limité à 50 cents (1 $ pour un appel à frais virés), les prix des interurbains ne sont pas réglementés.

Et les fournisseurs ne se gênent pas pour exiger des prix de fous sans prévenir les clients. Je vous ai déjà raconté l'histoire d'une dame qui avait perdu son chemin par une froide soirée d'hiver.

Obligée de téléphoner à partir d'une cabine publique, elle s'est retrouvée avec une facture de 64,32 $ sur sa carte de crédit pour à peine quelques minutes de conversation. Ridicule !

Espérons que les nouvelles règles du CRTC permettront réellement d'éviter ce genre de facture-surprise. Le Conseil a laissé de la souplesse aux compagnies de téléphone pour déterminer la façon la plus raisonnable de prévenir la clientèle des coûts exorbitants de leurs services. J'ai bien hâte de voir ça...