Depuis le début des négociations entre Québec et ses fonctionnaires, les syndicats répètent qu'il n'est pas nécessaire de diminuer les retraites puisque leur régime est en excellente santé.

Qu'en est-il vraiment?

Au premier coup d'oeil, le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP) se porte effectivement plutôt bien. Son taux de capitalisation est remonté de 94% en 2011 à 98% en 2014.

Ce ratio indique qu'il manque juste 2% dans la cagnotte pour remplir toutes les promesses de rentes faites au quelque 1,2 million de retraités, employés et participants non actifs du RREGOP, plus important régime de la fonction publique, et de loin.

Alors, pas de quoi fouetter un chat... ou écrire une chronique? Attendez un instant!

Le hic, c'est que ces chiffres reposent sur des hypothèses relativement audacieuses. En fait, le taux d'actualisation utilisé pour calculer le passif, soit la valeur des fameuses promesses de rentes, s'élève à 6,5%.

C'est, en quelque sorte, le rendement que la caisse doit obtenir pour rester à flot. Plus le taux est élevé, plus les risques de rater la cible sont grands... et de se retrouver avec des problèmes plus tard.

Or, le taux d'actualisation du RREGOP dépasse le taux maximum de 6% que devraient utiliser les actuaires lorsqu'ils font l'évaluation des régimes de retraite offerts par les employeurs privés, comme en témoigne une lettre d'instruction de la Régie des rentes du Québec (RRQ).

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De plus, le taux du RREGOP est nettement supérieur à celui proposé dans le rapport D'Amours. Le comité d'experts mandaté par Québec recommandait aux régimes de retraite d'utiliser un taux de l'ordre de 5% pour «se rapprocher de la vérité des coûts».

Pour vous donner un point de comparaison, le régime de retraite des professeurs de l'Ontario, communément appelé Teachers', s'appuie sur un taux d'actualisation d'à peine 4,85%.

«Le taux d'actualisation joue un rôle crucial», explique Teachers'. Il doit être réaliste pour de ne pas «dissimuler des problèmes de capitalisation du régime qui auraient une incidence négative sur les générations futures de retraités et de participants au régime».

En effet, avec une hypothèse trop élevée, le régime risquerait de rater sa cible de rendement et de manquer d'actifs pour payer les rentes. Le trou dans la caisse forcerait alors les jeunes et les futurs participants à verser des cotisations plus élevées ou à recevoir des rentes moins généreuses.

À l'inverse, avec une hypothèse trop basse, les employés actuels se retrouveraient à payer plus que nécessaire.

Autrement dit, le taux de capitalisation est le gardien de l'équité intergénérationnelle à l'intérieur d'un régime de retraite.

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Mais quand on joue avec le taux de capitalisation, ne serait-ce que de quelques points de pourcentage, l'impact est colossal.

Si on appliquait un taux de 5% comme le suggérait le rapport D'Amours, le ratio de capitalisation du RREGOP descendrait au-dessous de 90%, m'ont confirmé deux actuaires chevronnés en se fondant sur les chiffres de la mise à jour du RREGOP présentée en 2015 et sur les tests de sensibilité fournis dans le rapport actuariel du régime, déposé en 2013.

Et si on utilisait un taux semblable à celui de Teachers', la capitalisation du RREGOP fondrait autour de 85%. À ce point-là, on ne peut plus parler d'un régime en excellente santé.

Cela ferait bondir les cotisations des fonctionnaires qui assument la moitié des coûts de leur régime, y compris l'amortissement du déficit.

En fait, leurs cotisations courantes atteindraient près de 11% de leur salaire. En incluant l'amortissement du déficit additionnel sur 15 ans, leur taux de cotisation s'approcherait de 14%. Et je vous parle seulement de la part des employés. Pas de l'autre moitié qui est assumée par Québec. Ça commence à faire drôlement cher!

Déjà, les cotisations des fonctionnaires ont plus que doublé depuis 2004. Présentement, ils versent environ 8,5% de leurs revenus totaux dans le RREGOP. (En réalité, leur taux de cotisation paraît plus élevé, car il s'applique seulement sur les revenus annuels excédant environ 20 000$, afin de favoriser les bas salariés).

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Face à ces chiffres, on peut comprendre que Québec, qui assume la moitié des coûts du RREGOP, veuille procéder à des rajustements.

Le gouvernement désire reporter l'âge de la retraite sans pénalité de 60 à 62 ans. De plus, les fonctionnaires qui quitteraient le navire plus tôt verraient leur rente amputée de 7,2% par année d'anticipation, comparativement à 4% en ce moment.

Il faut comprendre qu'en ce moment, Québec subventionne les retraites anticipées, puisque la pénalité de 4% ne reflète pas le véritable coût d'un départ hâtif. Une telle subvention est parfaitement illogique puisque les gouvernements font tout pour convaincre les travailleurs de rester plus longtemps au boulot.

Dans l'ensemble de la population, le report de l'âge de la retraite est déjà bien enclenché, question de refléter l'espérance de vie, qui s'est étirée de cinq ans depuis 40 ans. Au Québec, l'âge moyen de la retraite s'établit à 62 ans dans le privé, comparativement à 59 ans dans le public.

Dans le privé, plusieurs entreprises ont déjà modifié les clauses de leur régime pour en assurer la pérennité. Chez Desjardins, par exemple, les cotisations ont augmenté et l'âge de la retraite est passé de 57 à 62 ans.

Je comprends que le travail peut être harassant dans les écoles et les hôpitaux. Et j'ai le plus grand respect pour le travail qu'accomplissent les fonctionnaires.

Mais d'un autre côté, des rajustements au RREROP sont souhaitables pour freiner l'escalade des coûts. Cela dit, Québec va un peu trop loin en réclamant une pénalité de 7,2%, qui est supérieure au véritable coût d'environ 6%. Mais bon, je présume qu'il s'agit d'une position de négociation...