Après la fête du Travail, la campagne électorale fédérale prendra son véritable envol. Quelles promesses les différents partis politiques réservent-ils aux contribuables ? Quel bilan fiscal peut-on tirer après 10 ans de règne conservateur?

LA GRANDE SÉDUCTION DES FAMILLES

Après 10 ans de règne conservateur, devinez qui a eu droit aux baisses d'impôt les plus généreuses ? Les familles, sans surprise.

Ce n'est pas d'hier que les parents sont choyés par les politiciens.

En 2000, Paul Martin avait bonifié la prestation fiscale pour sortir les enfants de la pauvreté. En 2003, Pauline Marois avait débloqué des fonds pour l'expansion du réseau des garderies. En 2004, Yves Séguin avait lancé le programme de Soutien aux enfants du Québec.

Les conservateurs n'ont pas fait exception. Ils ont offert des cadeaux de plusieurs milliers de dollars par année aux familles. Mais certaines ont été plus gâtées que d'autres.

Ce sont les familles « traditionnelles » aisées qui ont obtenu les meilleures économies, grâce au fractionnement des revenus accordé l'an dernier. Prenons une famille de deux enfants qui comptait sur un seul revenu de 100 000 $ en 2005, l'année avant que les conservateurs arrivent au pouvoir.

Cette année-là, le couple aurait payé 14 920 $ d'impôt fédéral, c'est-à-dire 14,9 % de ses revenus. En 2015, cette famille gagnera 120 800 $ en tenant compte de l'inflation. Elle enverra 15 502 $ à Ottawa, soit 12,8 % de son salaire.

Bien sûr, la famille paie davantage d'impôts parce que ses revenus ont augmenté. Mais son taux d'imposition a fondu d'environ deux points de pourcentage. N'eût été l'allégement fiscal des conservateurs, cette famille serait plus lourdement imposée aujourd'hui.

On peut donc dire qu'elle profite d'une économie d'impôt d'environ 2500 $, une économie assez semblable à celles des couples retraités qui ont droit au fractionnement depuis 2007.

Les défenseurs du fractionnement de revenus diront que la famille qui compte sur un seul revenu de 100 000 $ paie, aujourd'hui encore, davantage d'impôts que la famille qui compte sur deux revenus de 50 000 $. C'est vrai. Mais avant de crier à l'injustice, il faut considérer que les dépenses sont plus élevées (ex. : transport, frais de garde, cotisations salariales) lorsque les deux parents travaillent et courent pour s'occuper des enfants en même temps.

D'autre part, les familles ont aussi obtenu la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE), qui rapporte 1920 $ par année par enfant de moins de 6 ans et 720 $ par enfant de 6 à 17 ans.

Ici encore, la famille traditionnelle est avantagée, car la PUGE est imposable entre les mains du conjoint qui a les revenus les moins élevés. Si l'un des conjoints reste à la maison pour s'occuper des enfants, la famille conserve donc la PUGE au complet, ce qui n'est pas le cas des familles où les deux parents travaillent.

De leur côté, les familles qui ont des revenus égaux, les familles monoparentales, les familles à faibles revenus et les personnes seules n'ont rien tiré du fractionnement des revenus. Mais elles ont quand même obtenu des baisses d'impôts - environ 425 $ pour un contribuable gagnant 50 000 $ - qui résultent d'une modification aux tables d'impôt qui a profité à tout le monde. Mieux que rien !

En cette campagne électorale 2015, les familles restent en haut des préoccupations des partis politiques. Tous font des pieds et des mains pour les séduire.

Les conservateurs sont déjà passés aux actes avec le fractionnement de revenus et la bonification de la PUGE, qui ont déjà valu aux parents un remboursement d'impôt juteux au printemps, suivi d'un paiement rétroactif de PUGE en juillet dernier.

Mais les libéraux ont répliqué avec un plan encore plus généreux pour les familles, un plan qui annulerait les largesses accordées aux familles par les conservateurs (la PUGE, le fractionnement) pour les remplacer par une seule Allocation canadienne aux enfants construite sur les bases de l'actuelle Prestation fiscale pour enfants.

Cette nouvelle allocation apporterait davantage à 90 % des ménages, en particulier à la classe moyenne et aux plus démunis. Par exemple, une famille de la classe moyenne (deux enfants, deux revenus combinés de 90 000 $) toucherait 2500 $ de plus qu'en ce moment. Mais l'allocation diminuerait en fonction des revenus, si bien que les familles plus aisées (160 000 à 190 000 $) n'auraient plus droit à rien. Ni PUGE, ni fractionnement, ni allocation. Rien.

De son côté, le NPD a pris une toute autre direction. Il a promis de créer un million de places en garderie à 15 $ par jour à travers le Canada.

Décidément, il y aura matière à débat.

Mais si vous n'avez pas d'enfant, ne soyez pas inquiets. Toutes les campagnes réservent leur lot de micropromesses destinées à gagner le coeur - et le vote - de clientèles pointues. Les Chevaliers de Colomb et autres groupes philanthropiques viennent d'obtenir les faveurs des conservateurs. Les enseignants qui achètent du matériel scolaire pour leurs élèves auront droit à un coup de pouce des libéraux.

Voilà qui alourdira encore un peu plus la production de nos déclarations de revenus !

DIX MESURES PHARES POUR LES CONTRIBUABLES

En 10 ans au pouvoir, les conservateurs ont considérablement modifié la fiscalité des particuliers. Survol des changements les plus significatifs.

1- Création et bonification du CELI

Véritable révolution dans l'impôt des particuliers, le compte d'épargne libre d'impôt (CELI) permet aux Canadiens de placer leurs économies à l'abri du fisc. Au départ, le plafond était de 5000 $ en 2009. Il a été rehaussé à 10 000 $ cette année.

2- Réduction de la TPS

Allant à l'encontre de la tendance mondiale, les conservateurs ont réduit la taxe sur les produits et services (TPS) de 7 à 5 % en 2006 à 2008. Mais Québec a récupéré l'espace fiscal en haussant la TVQ. Au final, les Québécois paient autant de taxes qu'avant, soit 15 %.

3- Création et bonification de la PUGE

Cette année, les conservateurs ont bonifié la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE), qu'ils avaient lancée en 2006. La PUGE a été majorée à 160 $ par mois pour les enfants de moins de 6 ans. Et les parents recevront désormais 60 $ par mois pour ceux de 6 à 17 ans. Mais attention ! Les versements sont imposables.

4- Vie et mort du crédit pour enfant à charge

En même temps que la bonification de la PUGE, les conservateurs ont discrètement aboli le crédit pour enfant à charge qu'ils avaient eux-mêmes mis au monde en 2007. Cela représente une perte de 282 $ par enfant de moins de 18 ans.

5- Fractionnement du revenu des familles

Comme promis depuis 2011, les conservateurs ont accordé le fractionnement des revenus aux familles avec des enfants mineurs l'an dernier, procurant des économies d'environ 2 milliards à 1,7 million de ménages, surtout des familles biparentales aisées dont les conjoints ont un écart de revenu important.

6- Fractionnement du revenu des retraités

Les aînés ont obtenu le droit de fractionner leurs revenus de retraite en 2007. Pour certains couples, cela se traduit par des économies d'impôt de 10 000 $ par année. De quoi faire oublier l'abolition de l'avantage fiscal des fiducies de revenus, qui plaisaient beaucoup aux aînés.

7- Étirer le FERR

Les aînés qui vivent de leurs épargnes ont gagné de la flexibilité. Au printemps dernier, les conservateurs ont assoupli les règles de retraits du fonds enregistré de revenus de retraite (FERR). En 2007, ils avaient reporté l'âge limite de conversion du REER en FERR de 69 à 71 ans.

8- Aide aux démunis

Pour aider les plus démunis à franchir le mur de l'aide sociale, Ottawa a lancé la prestation fiscale pour le revenu de travail en 2007. Les aînés à faibles revenus ont aussi eu droit à une amélioration du supplément de revenus garantis en 2011.

9- La retraite à 67 ans

En 2012, Ottawa annonce le report de l'âge de l'admissibilité à la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) de 65 ans à 67 ans. L'âge officiel de la retraite au Canada sera repoussé graduellement entre 2023 et 2029.

10- Baisse d'impôt pour tous

C'est moins frappant, mais les conservateurs ont aussi accordé des baisses d'impôt à l'ensemble de la population, en relevant les fourchettes de revenus dans les tables d'impositions. Ainsi, les contribuables sont imposés moins vite à un taux plus élevé.

EN VRAC

D'autres changements fiscaux

Abolition du crédit d'impôt pour les fonds de travailleurs, comme Fondaction et le Fonds de solidarité.

Mise en place d'un crédit pour le maintien à domicile qui peut valoir jusqu'à 1250 $.

Création de crédits d'impôt pour les activités des enfants qui rapportent 62 $ par crédit, par enfant.

Élargissement du Régime d'accès à la propriété (RAP), qui permet de puiser 25 000 $ dans le REER, au lieu de 20 000 $.

Création d'un crédit d'impôt d'une valeur de 626 $ pour les acheteurs d'une première maison.

Lancement du Régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI).

LES PROMESSES DES PARTIS AUX CONTRIBUABLES

CONSERVATEURS

- Établir un crédit d'impôt permanent à la rénovation domiciliaire lorsque les finances du pays le permettront.

- Hausser le retrait maximal du REER de 25 000 à 35 000 $ dans le cadre du Régime d'accession à la propriété.

- Offrir un allégement fiscal pour les adhésions aux clubs philanthropiques, par l'intermédiaire du crédit d'impôt pour dons de bienfaisance.

- Bonifier le crédit d'impôt pour frais d'adoption, en haussant le montant maximal à 20 000 $ et en le rendant pleinement remboursable.

LIBÉRAUX

- Réduire les impôts de la classe moyenne, en diminuant le taux d'imposition de 22 % à 20,5 % sur les revenus allant d'environ 45 000 $ à 90 000 $. Hausser l'impôt des riches en augmentant le taux d'imposition de 29 % à 33 % sur les revenus de plus de 200 000 $.

- Annuler le fractionnement de revenu et d'autres mesures conservatrices qui profitent surtout aux riches.

- Remplacer la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE) par une allocation pour enfant non imposable fondée sur les revenus de la famille.

- Mettre en place des prestations de compassion pour les aidants naturels plus souples et plus accessibles.

NPD

- Annuler le fractionnement de revenu accordé par les conservateurs.

- Créer un million de places en garderies à 15 $ par jour.

- Rabaisser à 65 ans l'âge de la retraite, que les conservateurs vont faire passer à 67 ans à partir de 2023. Renforcer le régime public de retraite.

- Réduire le taux d'imposition des petites entreprises de 11 % à 9 %.

- Hausser le salaire minimum à 12 $ dans un premier temps, puis à 15 $ en 2020, mais uniquement pour les travailleurs d'une entreprise régie par le fédéral (banque, transport, etc.).