C'est curieux comment le hasard fait parfois bien les choses. J'avais déjà choisi de vous parler de la place financière québécoise quand j'ai appris la mort de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau.

Celui qui a participé à la mise en place d'outils financiers comme la Caisse de dépôt et placement du Québec et la Société générale de financement. Celui qui a initié le grand public québécois à la Bourse et favorisé l'essor de Québec inc. avec la création du régime d'épargne-actions (REA).

Mais malgré ces avancées, l'industrie financière du Québec perd de son élan. Depuis 1987, le nombre d'emplois en finance et en assurances a augmenté de 17% au Québec, un rythme de croissance largement inférieur à celui observé en Ontario (+ 61%).

Et malheureusement, les choses ont empiré depuis cinq ans, comme je l'ai constaté en consultant les résultats de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada.

Depuis 2009, alors que les marchés financiers avançaient à pas de géant, le Québec a carrément perdu 10% de son effectif en finance et en assurances. Pouf! Dix-huit mille emplois disparus. Pendant ce temps, l'Ontario a vu son effectif gonfler de 10% avec la création de 35 000 postes.

Pourquoi cet écart?

Dois-je vous rappeler que le Québec est parmi les provinces les plus pauvres quant au revenu disponible par habitant? Or, l'argent attire l'argent. Si elles ont le choix, les sociétés financières iront s'installer ailleurs.

Et puis, la consolidation de l'industrie s'est poursuivie, notamment en raison de l'alourdissement du fardeau réglementaire. Plusieurs firmes québécoises ont été avalées. Les survivantes ont besoin d'une masse critique beaucoup plus importante pour parvenir à concurrencer les grands acteurs mondiaux.

Certains diront: Bah! Tant pis pour les vilaines banques. Mais notre économie ne peut pas se passer d'un secteur financier en santé.

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Une étude publiée ce matin par l'Institut du Québec démontre justement l'importance de l'industrie des fonds communs pour le Québec. On a beau pester contre les frais de gestion trop élevés, il s'agit tout de même d'une industrie qui a le vent dans les voiles.

Depuis 30 ans, les actifs gérés par l'industrie des fonds communs et des fonds négociés en Bourse ont été multipliés par 10 au Canada, dépassant 1000 milliards en 2013.

Cet essor est dû à l'arrivée des baby-boomers à la retraite et au déclin des régimes de retraite à prestations déterminées, lequel force les futurs retraités à épargner eux-mêmes pour leurs vieux jours.

Le Québec suit la même tangente. Depuis 10 ans, l'actif sous gestion des fonds a grimpé de 9,3% par année pour atteindre 180 milliards d'actifs en 2013, presque autant que les actifs gérés par la Caisse de dépôt et placement (autour de 200 milliards en 2013).

Conséquemment, la croissance économique générée par les fonds est beaucoup plus rapide que celle du reste de l'économie. En 2013, l'industrie des fonds a rapporté 861 millions à l'économie québécoise, comparativement à 519 millions en 2005. Il s'agit d'une croissance de 6,5% par année, presque cinq fois plus élevée que l'économie (1,4%).

En tenant compte des retombées plus larges, l'empreinte économique totale de l'industrie des fonds au Québec s'élève à 1,8 milliard par année. Cela veut dire plus d'impôts dans les coffres de la province. Et plus d'emplois.

Au Québec, le nombre d'emplois liés aux fonds a bondi de 59% depuis 10 ans, pour atteindre 9100 postes en 2013. Des emplois spécialisés et mieux rémunérés que la moyenne. En ajoutant les emplois indirects - comptables, avocats, alouette -, on constate que l'industrie soutient plus de 18 000 emplois au Québec.

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C'est bien. Mais ce pourrait être mieux. Même si les Québécois détiennent 17% des actifs investis dans les fonds au Canada, le Québec ne récolte que 13% des emplois directs de cette lucrative industrie.

Le déficit dépend du fait que la grande majorité des maisons mères des sociétés de fonds sont regroupées en Ontario. Avec 37% des actifs de l'industrie, les Ontariens récoltent 65% des emplois directs de l'industrie des fonds. Quarante-quatre mille emplois: quelle manne!

Plusieurs sociétés de fonds «made in Québec» sont disparues au fil des ans. Par exemple, Talvest a été happée par la Banque CIBC. Plus récemment, le géant ontarien Manuvie a mis la main sur la filiale canadienne de Standard Life, une des rares firmes étrangères qui avaient établi une vaste équipe de gestionnaires de portefeuille à Montréal.

Comme on pouvait s'y attendre, Manuvie vient d'intégrer la famille de fonds Standard Life qui contenait 7 milliards de dollars à l'intérieur de Manuvie. La majorité des gestionnaires montréalais sont toujours en poste. Mais à terme, combien restera-t-il d'actifs gérés à Montréal? Qu'adviendra-t-il des emplois? 

Bien sûr, Manuvie a promis de maintenir et même d'augmenter son effectif à Montréal. La Caisse de dépôt a d'ailleurs investi 500 millions lors de la transaction pour encourager Manuvie à prendre racine au Québec.

Mais seul le temps nous dira combien de postes de haut niveau resteront chez nous.