Avez-vous un médecin de famille? Pouvez-vous le consulter facilement si vous avez un problème de santé? Pas moi. Il m'a fallu presque quatre ans avant d'avoir un rendez-vous «annuel».

Chaque fois que je téléphone à mon médecin, la réceptionniste me suggère de rappeler dans trois semaines:

- Il devrait avoir reçu son horaire pour le mois de novembre.

Mais trois semaines plus tard, c'est déjà complet. Zut. Ne reste plus qu'à rappeler dans trois semaines pour le mois de décembre.

- Ne serait-il pas plus simple d'avoir une liste d'attente?

- Désolée, Madame, on ne fonctionne pas comme ça.

Chaque fois que j'ai un problème, je suis forcée d'aller, au pis, aux urgences de l'hôpital ou, au mieux, à la clinique sans rendez-vous où travaille mon médecin. Mais dans ce cas, je dois me présenter tôt le matin pour être parmi les 25 chanceux qui auront une place et ensuite patienter plusieurs heures avant de voir un médecin. Ça magane une journée de travail!

Mais de toute façon, le sans-rendez-vous n'est pas l'endroit idéal pour faire un suivi annuel, réaliser des tests préventifs, renouveler des ordonnances. La dernière fois que j'ai demandé au pharmacien d'appeler mon médecin pour qu'il renouvelle mes ordonnances à distance - ce qu'il accepte de faire, Dieu merci -, il m'a regardée avec un drôle d'air.

Pourtant, mon médecin travaille dans un groupe de médecine familiale (GMF), ces services mis en place il y a plus de 10 ans pour améliorer l'accès aux services de première ligne. Malheureusement, l'offensive n'a pas donné les résultats escomptés, comme en témoigne le rapport déposé par la vérificatrice générale du Québec (VG), hier.

Les groupes de médecine familiale ont connu un essor important depuis cinq ans. Désormais, 60% de tous les médecins de famille du Québec y travaillent.

Les GMF reçoivent un soutien financier de Québec pour favoriser la prise en charge globale de patients avec l'aide d'infirmières, de travailleurs sociaux, etc. Ils ont touché 86 millions en 2013-2014, sans compter la rémunération des médecins.

Mais malgré l'argent investi, les GMF n'ont pas favorisé la prise en charge additionnelle de patients, en particulier de patients plus vulnérables, déplore la vérificatrice.

Depuis 2007, les patients qui n'ont pas de médecin de famille peuvent s'inscrire à un guichet d'accès qui établit les priorités selon leur état de santé. Mais le mécanisme n'est ni transparent, ni équitable, constate la VG.

Il faut dire que les médecins en GMF ne sont pas obligés de sélectionner leurs nouveaux patients à partir de ce bassin. Avant 2013, certains médecins se faisaient même de «l'autoréférence». Ils suggéraient à un patient de s'inscrire au guichet d'accès, pour ensuite le sélectionner afin de bénéficier de la prime incitative. Lorsque Québec a interdit ce petit manège, le nombre de patients pris en charge à partir de cette liste a chuté de 50%.

Résultat: certains patients inscrits sur la liste dont l'état nécessiterait une prise en charge dans les six mois attendent parfois près de quatre ans avant de rencontrer un médecin de famille. Un grave problème.

Mais les GMF ne sont pas forcés de prendre sous leur aile un pourcentage minimal de cas complexes, quoiqu'ils reçoivent davantage pour la prise en charge d'un patient vulnérable (de 174 à 250$) que pour un patient non vulnérable (de 83 à 100$). Mais il semble que cette mesure ne soit pas suffisante, car les GMF suivent moins de patients vulnérables que les autres cliniques médicales.

Mais ce n'est pas parce que vous êtes inscrit dans un GMF que vous aurez accès à votre médecin de famille ou à un autre médecin de son groupe. Les GMF n'ont aucune obligation spécifique à propos du suivi à accorder. Le financement leur est versé en fonction du nombre de patients inscrits. Point.

Les GMF sont tenus d'offrir au moins 68 heures d'ouverture par semaine. Mais dans la pratique, plusieurs ne respectent pas cet horaire, note la VG. Cela fait en sorte que Québec verse le financement, sans que les services soient rendus au complet. En fait, le contrôle est carrément déficient, déplore la vérificatrice.

Ainsi, les patients se retrouvent trop souvent sans accès à leur médecin de famille, comme le fait ressortir le «taux d'assiduité». Ce taux correspond au nombre de visites médicales que le patient fait à son GMF par rapport au nombre total de visites qu'il fait dans un service de première ligne, tant dans son propre GMF que dans une autre clinique ou aux urgences de l'hôpital.

Dans la grande majorité des GMF (70%), le taux se situe au-dessus de 80%, soit la cible fixée dans le projet de loi 20 du ministre de la Santé, Gaétan Barrette. Mais dans certains GMF, le taux peut n'être que de 35%, ce qui signifie que les patients sont forcés d'aller voir ailleurs deux fois sur trois.

La semaine dernière, le Dr Barrette s'est entendu avec la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec pour offrir un médecin de famille à tous les Québécois qui le désirent d'ici la fin de 2017. Tant mieux. Mais s'il s'agit d'un médecin de famille que les patients sont incapables de consulter, on ne sera pas tellement avancés.