Ce n'est pas demain la veille que les Québécois pourront faire leur déclaration de revenus sur une carte postale. Mais avec la réforme proposée par la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise, jeudi, on peut rêver du jour où les impôts seront un peu moins compliqués.

À travers les quelque 600 pages de documents, on coupe, on simplifie, on réaménage une série de mesures fiscales qui se sont empilées au fil des budgets et qui n'ont plus leur raison d'être.

Tout cela s'articule autour d'une prémisse de base: baisser les impôts de 4,4 milliards, tout en haussant les taxes et les tarifs du même montant, pour que la réforme se fasse à coût nul.

Alors pourquoi tout ce charivari si le résultat est le même en bout de piste? «L'impôt sur le revenu est un mode de taxation plus dommageable sur l'économie que les taxes à la consommation», explique le président de la Commission, Luc Godbout.

En proposant un mode de taxation plus efficace, la Commission estime pouvoir stimuler l'économie, ce qui permettrait d'augmenter le produit intérieur brut de 2 milliards et de créer 20 000 emplois par année.

Cela peut sembler mince par rapport aux 4 millions de travailleurs que compte le Québec. Mais pourquoi s'en priver si ça ne coûte rien?

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Et le grand ménage dans tout ça? D'abord, la Commission propose l'abolition d'une trentaine de mesures.

Exit le crédit pour les pompiers volontaires et la déduction pour les frais de déménagement (déjà couverts par le fédéral), le crédit pour les activités des jeunes (c'est bien sympathique, mais ça profite surtout aux familles mieux nanties), le congé fiscal pour les marins (oui, ça existe, mais c'est très peu utilisé), la détaxation des couches (on peut aider les familles autrement) et même l'incitatif québécois à l'épargne-études.

En théorie, cette subvention ajoutée par Québec dans le Régime enregistré d'épargne-études des enfants était une bonne idée, mais elle a toujours été un cauchemar administratif.

Par ailleurs, la Commission amène quelques innovations intéressantes qui permettraient de régler des anomalies fiscales.

Par exemple, le «bouclier fiscal» s'attaquerait à un problème que vivent les familles à revenus modestes lorsque leurs revenus augmentent. Comme elles perdent une série de prestations très payantes, elles se retrouvent à laisser plus de 60 % de leur augmentation de salaire au fisc. Décourageant!

Pour atténuer le choc, le bouclier réduirait de moitié la perte de certaines prestations durant un an.

La Commission suggère aussi le remaniement de plusieurs mesures. Par exemple, elle suggère de reporter progressivement à 75 ans l'âge auquel on peut demander le crédit pour maintien à domicile des aînés (70 ans en ce moment) et le fractionnement des revenus de retraite (65 ans) pour mieux refléter l'augmentation de l'espérance de vie.

Et pour encourager les travailleurs à rester plus longtemps au boulot, la Commission propose la création d'une prime aux travailleurs d'expérience, plus efficace que la mesure actuelle, car elle serait disponible dès 60 ans, au lieu de 65 ans, et offrirait des sommes plus élevées.

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Il faut souligner que la réforme proposée n'augmenterait pas les écarts entre les riches et les pauvres, car la Commission a pris soin de doser ses 71 recommandations pour que chacun y trouve son compte.

Par exemple, elle suggère de hausser le montant personnel de base à 18 000 $, contre 14 000 $ en ce moment. Ainsi, les personnes qui sont sous le seuil de faibles revenus (17 000 $) n'auraient aucun impôt à payer. Logique.

De leur côté, les personnes à plus hauts revenus profiteraient de l'abolition de la taxe santé. Cette taxe honnie depuis le premier jour avait déjà été modulée de 200 $ à 1000 $ en fonction des revenus, pour la rendre plus progressive.

Rendu là, il n'y a qu'un pas à faire pour l'intégrer dans la grille d'impôt, ce qui serait moins compliqué et éviterait aux contribuables d'avoir à allonger 1000 $ d'un coup sec à la fin de l'année.

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Pour financer les baisses d'impôt, la Commission veut augmenter différentes taxes à la consommation en suivant le courant de l'écofiscalité, un filon d'avenir.

On parle donc d'une hausse des taxes sur différents produits nocifs: l'alcool, le tabac et le carburant. D'une hausse des droits d'immatriculation des voitures de luxe. D'une majoration des tarifs d'électricité pour les familles qui consomment beaucoup.

Mais surtout, on prévoit une augmentation de la TVQ, qui passerait à 11 %. En ajoutant la TPS, les Québécois paieraient donc 16 % de taxes.

Mais attendons de voir ce que Québec fera du rapport. L'automne dernier, le gouvernement a annoncé la modulation des tarifs de garderies, alors que la Commission lui avait signalé une solution plus avantageuse, mais politiquement plus difficile à vendre.

Espérons qu'il sera plus attentif aux autres recommandations.