Les fonctionnaires de Québec, qui pensaient arrêter de travailler de bonne heure, vont devoir refaire leur plan de retraite, et vite à part de ça. Avec les propositions déposées par Québec au début de la semaine, la retraite anticipée sera bientôt hors de prix. Liberté 55, n'y pensez même plus!

Dès 2017, Québec veut reporter l'âge de la retraite sans pénalité de 60 à 62 ans. Et ceux qui voudront quitter plus tôt verront leur rente amputée de 7,2% par année d'anticipation, comparativement à 4% en ce moment. En outre, la rente sera calculée sur le salaire des huit dernières années de service, au lieu des cinq dernières. Les retraités feront aussi leur part de l'effort puisqu'il est question de désindexer les rentes dans certaines circonstances.

Comme tout cela reste théorique, je vous présente un exemple concret pour illustrer l'impact de toutes ces mesures combinées, avec l'aide de Nathalie Bachand, actuaire et planificatrice financière chez Bachand Lafleur Groupe-conseil.

Imaginons Mario, 53 ans, qui participe depuis l'âge de 30 ans au Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP), de loin le plus important régime de retraite de l'État avec 525 000 participants actifs.

Dans deux ans, il soufflera 55 bougies et sera donc admissible à la retraite anticipée. S'il quitte son poste le 31 décembre 2016, juste avant l'entrée en vigueur des modifications proposées par Québec, il recevra 24 700$ par année, en tenant compte d'une réduction de 20% de sa rente (4% multiplié par cinq années d'anticipation).

Mais s'il attend au 1er janvier 2017, il touchera presque 10 000$ de moins, soit 14 900$ par année. Une fameuse différence!

Il faut comprendre que sa rente serait alors réduite de 50%, soit 7,2% multiplié par sept années d'anticipation, puisque l'âge de la retraite sans pénalité serait repoussé à 62 ans. Sans compter que sa rente aurait été calculée sur un salaire moyen plus faible, fondé sur ses huit dernières années de service.

Il faudrait que Mario en ait vraiment marre de son travail pour prendre sa retraite avec une rente aussi maigre, lui qui aura un salaire de plus de 63 000$ à la fin de sa carrière.

En fait, il y a de bonnes chances qu'il reporte son départ à la retraite de quelques années. Combien de temps devrait-il attendre pour avoir à peu près la même rente qu'avant les modifications? Trois ans, a calculé Mme Bachand. Au lieu de partir à 55 ans, il devrait donc patienter jusqu'à 58 ans. C'est une autre façon d'illustrer le coût des mesures.

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Évidemment, cela ne fera pleurer personne dans le secteur privé. La majorité de la population n'a pas de régime de retraite et a fait une croix depuis longtemps sur la retraite anticipée.

Je vous rappelle que l'espérance de vie a augmenté de cinq ans depuis 40 ans. Parallèlement, les gens entrent dans la vie active plus tard, si bien que les hommes travaillent huit ans de moins qu'en 1971. Bosser 30 ans pour financer 40 ans de retraite, ça ne marche pas!

D'ailleurs, Québec a pris toutes sortes de mesures pour encourager les travailleurs à reporter la retraite: augmentation de la pénalité pour ceux qui demandent leur rente de la Régie des rentes du Québec avant 65 ans, ajout d'un crédit d'impôt pour les travailleurs expérimentés...

Mais en tant qu'employeur, Québec fait exactement le contraire. Il subventionne les départs hâtifs, avec une pénalité de 4% qui est nettement au-dessous du coût réel.

Sauf qu'en haussant la pénalité à 7,2%, Québec va un peu trop loin. Une pénalité supérieure au coût véritable d'un départ hâtif (environ 6%) est carrément illégale au sens de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, qui couvre les régimes du secteur privé. Mais le RREGOP n'y est pas soumis. Alors, Québec peut faire comme bon lui semble.

Québec va aussi un peu trop vite en proposant l'entrée en vigueur des mesures pour tout le monde, dès 2017, sans période de transition. Cela risque de créer une vague de départs à la retraite d'ici deux ans. Est-ce l'effet recherché par Québec? Espérons que cela ne provoquera pas une pénurie de main-d'oeuvre comme celle qu'on a vécue après le départ massif d'infirmières à la fin des années 90.

Si Québec veut modifier le régime de retraite de ses employés, soit! Mais il ne doit pas appliquer la même formule qu'aux employés municipaux, dont les régimes sont beaucoup plus généreux.

Notamment, les fonctionnaires de l'État assument déjà la moitié des coûts de leur régime, incluant le renflouement du déficit qui se chiffre à 2,3 milliards dans le RREGOP (uniquement la portion assumée par les employés).

Cela fait en sorte que leurs cotisations ont plus que doublé depuis 10 ans, pour atteindre 12,75%. Les coûts augmentent aussi pour Québec, qui assume l'autre moitié. Les dépenses annuelles du gouvernement au titre des régimes de retraite ont grimpé de 1,99 milliard à 2,51 milliards en cinq ans. C'est un demi-milliard de plus par année.

Face à l'escalade des coûts, il est normal de se questionner. Il est logique d'apporter des ajustements. Mais une approche unique, appliquée d'un coup sec, est plutôt cavalière.

Retraite avant Retraite après À quel âge faudrait-il quitter pour les modifications les modifications avoir la même rente qu'avant les modifications?

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PROPOSITIONS DE QUÉBEC: LOURD IMPACT SUR LES RETRAITES ANTICIPÉES

Date de la retraite 31 déc. 2016/ 1er janvier 2017 /1er janvier 2020

Âge 55 ans /55 ans /58 ans

Salaire moyen 61 711$ /60 030$ /62 340$

MGA moyen* 52 502$ /50 539$ /54 784$

Années de cotisation 25 ans /25 ans /28 ans

Réduction pour anticipation 20% /50% /29%

Rente avant 65 ans 24 684$ /14 887$ /24 856$

Rente après 65 ans** 15 496$ /6043$ /14 118$

*Maximum des gains admissibles.

**Comme la rente du RREGOP est coordonnée avec celle de la Régie des rentes du Québec (RRQ), le montant diminue à 65 ans lorsque le retraité commence à recevoir la RRQ.

Source : Bachand Lafleur Groupe conseil