Aux États-Unis comme en Europe, les Bourses battent de nouveaux records. Le S&P 500, qui a franchi le cap des 1900 points pour la première fois de l'histoire, hier, a accumulé des gains de 180% depuis son creux de 2009.

Malheureusement, de nombreux épargnants n'ont pas profité de cette période faste. Cinq ans après la crise du crédit, ils conservent encore le quart de leur portefeuille en liquidités. Chat échaudé craint l'eau froide.

On pourrait croire que cette aversion au risque va de pair avec le vieillissement de la population. Mais il n'en est rien. Ce sont les jeunes qui sont les plus «pépères», eux qui pourraient courir davantage de risque compte tenu de leur horizon de placement très éloigné.

La génération Y est de loin la plus méfiante. Il faut dire que les jeunes de 21 à 36 ans ont grandi dans la volatilité extrême. Ils ont vu la Bourse s'écrouler de moitié deux fois de suite, lors de la bulle des technos, puis lors de la crise du crédit. Pour eux, risque = perte.

Ils gardent plus d'argent que toute autre génération. La moitié de leur portefeuille (52%) est constituée de liquidités. Cette pondération est nettement plus prudente chez les autres générations qui gardent tout de même 23% en liquidité, selon le UBS Investor Watch qui prend le pouls des investisseurs américains.

****

Au Canada, la création du compte d'épargne libre d'impôt (CELI) en 2009 a certainement accentué la tendance à la prudence.

Les trois quarts des sommes investies dans le CELI sont dirigés vers des placements sans risques, à faibles rendements, comme des liquidités (57%) et des dépôts à terme (23%), selon une étude récente de BMO.

Rien de surprenant, car le CELI a été présenté comme l'outil idéal pour se bâtir un coussin de sécurité ou épargner en vue d'un projet à court terme. Mais les investisseurs qui utilisent le CELI pour financer leurs vieux jours ne devraient pas se limiter à des placements garantis qui ne leur rapportent que des poussières.

L'argent, ce n'est pas payant! Ce n'est pas en accumulant des liquidités qu'on se bâtit une retraite confortable.

La mise en garde vaut particulièrement pour les femmes.

Plusieurs études démontrent qu'elles sont plus prudentes que les hommes. Au Québec, trois femmes sur cinq (61%) ont un profil d'investissement prudent ou modéré, par rapport à 46% pour les hommes.

Seulement une minorité de femmes (7%) ont un profil audacieux ou dynamique, une proportion trois fois plus faible que chez les hommes, selon un sondage SOM réalisé pour le Mouvement Desjardins, à l'hiver.

Malgré cette retenue face au risque, les épargnantes tablent sur des rendements annuels de 8%. Elles devraient enlever leurs lunettes roses!

Avec un portefeuille «conservateur», il ne faut pas compter sur un rendement annuel de plus de 3% à long terme, si l'on se fie aux normes d'hypothèses de projection 2014 de l'Institut québécois de planification financière.

****

Les liquidités sont un boulet pour le portefeuille. «Durant les périodes de stress financier, c'est la catégorie d'actif refuge. Mais détenir beaucoup d'argent en période de remontée a peu de sens», indique Pierre Lapointe, chef de la stratégie mondiale et de la recherche chez Pavilion Marchés mondiaux.

Les liquidités ont un rendement réel négatif lorsque l'inflation est au rendez-vous. Elles deviennent contre-productives en période d'expansion économique.

À preuve, les entreprises qui ont conservé davantage d'argent dans leurs coffres au cours de la dernière décennie affichent une performance boursière moins impressionnante (+113%) que celles qui avaient moins de fric en réserve (+172%), a calculé M. Lapointe.

«Pour les investisseurs, il n'est pas payant de détenir des sociétés qui ont beaucoup d'argent», conclut-il.

Idem pour les épargnants. Les liquidités peuvent noyer leurs rendements. Il suffit de regarder dans le rétroviseur pour s'en convaincre.

En soustrayant l'inflation (3%), les liquidités ont procuré un rendement pratiquement nul (0,7% par année) entre 1926 et 2012, aux États-Unis. Pendant ce temps, les actions américaines ont livré un rendement réel de 6,7% et les obligations de 2,4%. À long terme, risque = rendement supérieur.

Évidemment, il y a toutes sortes de bonnes raisons de conserver de l'argent dans son compte bancaire:

> Pour avoir un petit coussin de sécurité, les fameux trois à six mois de salaire qui vous protègent en cas de perte d'emploi.

> Pour vous assurer de payer les factures des prochains mois, si vous êtes à la retraite, sans avoir à vendre des actions qui pourraient être temporairement à la baisse.

> Pour financer un projet à court ou moyen terme: des rénovations à la maison, un voyage, etc.

> Pour avoir les liquidités nécessaires pour sauter sur des aubaines qui pourraient se pointer à la Bourse.

> Pour bien dormir la nuit! Un peu d'argent sous le matelas vous évitera des cauchemars si vous avez une faible tolérance au risque.

Mais il ne faut pas exagérer, autrement votre portefeuille va dormir au gaz.