Cette semaine, mon collègue Francis Vailles, toujours animé du désir d'assainir les finances publiques du Québec, a sollicité vos idées pour renflouer les coffres de l'État.

Après avoir fait le tour de mes cartons, j'ai trouvé plusieurs pistes de rationalisation dans la fiscalité des particuliers qui pourraient nous faire économiser des centaines de millions par année. Vous remarquerez qu'il y en a pour tout le monde: étudiants, familles, investisseurs, retraités... Allez, Francis, tu prends des notes?

1- Taxer la spéculation

D'abord, pourquoi ne pas taxer la spéculation, en imposant davantage le gain en capital à court terme?

Durant la campagne électorale de 2012, le Parti québécois (PQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) avaient promis d'augmenter l'impôt sur le gain en capital, ce qui aurait rapporté 416 millions de dollars par année.

L'idée a soulevé un tollé, à juste titre. D'abord, Québec ne peut pas agir en solo, sans le fédéral et les autres provinces. Les effets secondaires seraient trop lourds. Mais qui dit que l'Ontario, incapable de réduire son déficit monstre, ne voudrait pas réfléchir avec nous sur cette question?

La mesure du PQ et de la CAQ avait aussi le défaut de s'attaquer à tous les gains, sans distinction. On mettait dans le même bateau l'investisseur qui achète et revend des actions à tout bout de champ et le propriétaire d'un plex qui conserve son immeuble pendant 40 ans pour en faire sa petite caisse de retraite. Pas pareil!

Avant d'aller plus loin, posons-nous une question: pourquoi le gain en capital est-il deux fois moins imposé que le salaire? Parce qu'on veut reconnaître la prise de risque, mais aussi parce qu'on considère que l'inflation fait partie intégrante du gain à long terme.

Pour un plex qu'on entretient durant 40 ans, d'accord. Mais quand on conserve un titre une microseconde, on ne peut pas dire que l'inflation a eu le temps de gruger l'investissement trop longtemps!

D'où l'idée d'établir l'impôt sur le gain en capital en fonction de la durée de détention. Les investisseurs à long terme conserveraient leur avantage fiscal, tandis que les investisseurs à court terme qui n'ont pas besoin d'une protection contre l'inflation, paieraient la totale.

Farfelu? Pas du tout. Le système américain prévoit une gradation de l'impôt sur le gain en capital en fonction de la durée de détention. Au Royaume-Uni, le système fiscal tient compte de l'inflation, une autre manière de considérer la durée de détention.

Pourquoi pas au Canada?

2- Abolir la prime au travail pour les étudiants

Plus facile à réaliser. Québec pourrait recentrer la prime au travail sur sa véritable mission: aider les personnes à faibles revenus à réintégrer le marché du travail.

Au Québec, 110 000 élèves et étudiants, soit le tiers de ceux qui fréquentent le cégep ou l'université à temps plein, ont droit à cette prime qui leur rapporte environ 300$ par année, puisqu'ils ont des revenus de 6000 à 7000$.

Comme ils n'ont pas d'impôt à payer, Québec leur envoie un chèque. Tant mieux pour eux! Sauf que l'objectif de la prime est d'aider les gens à surmonter le mur de l'aide sociale, pas de donner un coup de pouce aux étudiants.

D'ailleurs, les étudiants à temps plein n'ont pas droit à la prime au travail du côté fédéral. En imitant Ottawa, Québec économiserait plus de 30 millions par année.

3- Éliminer le fractionnement de revenus avant 65 ans

Depuis 2007, les retraités peuvent fractionner leurs revenus de retraite, tant au fédéral qu'au provincial, ce qui permet d'égaliser les revenus des conjoints et de réduire le taux d'imposition du couple.

Or, les retraités qui vivent des retraits de leur FERR n'ont pas droit à ce cadeau très payant avant l'âge de 65 ans, contrairement aux retraités qui touchent une rente de leur employeur. C'est de la discrimination fiscale!

Au Québec, quelque 115 000 personnes de moins de 65 ans profitent de cet avantage et transfèrent 1,2 milliard de revenus à leur conjoint. Si on considère que le transfert moyen de 10 500$ par couple a permis de réduire le taux d'imposition de 20 à 16%, on peut estimer que la mesure coûte environ 50 millions.

Voilà ce que Québec épargnerait en corrigeant cette iniquité.

4- Remonter le tarif des garderies à 20% du coût total

Bon, je sais que Philippe Couillard a promis long comme le bras qu'il se contenterait d'indexer le tarif des garderies. Mais peu de familles ont rouspété quand les péquistes ont annoncé un bond de 7 à 9$ par jour, d'ici deux ans, une hausse qui devait apporter 125 millions par année.

Pourquoi reculer? En payant 9$ par jour, les parents assumeraient 16% du coût total, ce qui reste inférieur à leur contribution en 1997, alors qu'ils payaient 20% de la note, soit 5$ sur 25$.

On pourrait même aller plus loin, en relevant graduellement la contribution parentale à 20% et en maintenant ce ratio par la suite. Si une proportion de 20% était acceptable à la naissance du réseau, pourquoi ne le serait-ce plus aujourd'hui?

Alors, Francis, on arrive à combien au total? Ça donne: 30 + 50 + 125 = 205 millions d'économies par année. Sans compter le gain en capital. Voilà des mesures payantes à court terme! Mais tôt ou tard, il faudra revoir notre fiscalité en profondeur.