Vous possédez beaucoup de titres américains ou étrangers dans votre portefeuille? Grand bien vous fasse! Votre portefeuille de placement a certainement livré un rendement spectaculaire en 2013. L'an dernier, la Bourse américaine a explosé de 32 %. En ajoutant l'appréciation du billet vert, les investisseurs canadiens ont réalisé un rendement de 38 %.

De quoi combler les plus gourmands ! Mais pour faire vos impôts, ce ne sera pas de la tarte.

Dans son budget 2013, Ottawa a instauré de nouvelles règles qui ont fait grimper les fiscalistes dans les rideaux, à juste titre.

Il s'agit d'un vrai cauchemar pour les investisseurs qui possèdent plus de 100 000 $ en titres étrangers, ici ou à l'extérieur du Canada. Ils devront bientôt transmettre une tonne de renseignements au fisc. Les institutions financières ne sont pas prêtes à fournir ces renseignements. Les comptables s'arrachent les cheveux. Et les contribuables risquent des pénalités très sévères.

Revenons un peu en arrière.

 La saga du T1135

Depuis longtemps, les Canadiens qui détiennent des titres étrangers d'une valeur totalisant plus de 100 000 $ doivent produire un formulaire fédéral T1135.

Je vous rassure tout de suite, les biens à usage personnel (votre condo en Floride) et les titres détenus dans votre REER ou FERR n'entrent pas dans le calcul.

Par contre, il faut additionner vos comptes bancaires à l'étranger (mais pas l'argent américain détenu dans un compte au Canada), vos placements étrangers détenus dans un compte au Canada ou ailleurs (ex. : actions ou obligations étrangères, mais pas les fonds communs de placement canadiens qui détiennent des titres étrangers) ainsi que vos immeubles à l'étranger qui ne servent pas à votre usage personnel (votre condo en location).

Si vous arrivez au-dessus de 100 000 $, il vous faut remplir le T1135. Rien de trop compliqué. Mais en cas « d'oubli », gare aux pénalités : 2500 $ par année d'imposition, parfois davantage.

Vous n'avez pas rempli le fameux formulaire au cours des dernières années ? Oups ! Peut-être serait-il temps de faire une divulgation volontaire.

Le cauchemar à venir

Mais avec les nouvelles règles, les investisseurs vont en baver.

Pour chacun des titres étrangers détenus, ils devront notamment divulguer la valeur à la fin de l'année, mais aussi la valeur la plus élevée au cours de l'année, en dollars canadiens, et en utilisant le taux de change quotidien ! Un vrai cauchemar, je vous dis.

Toutefois, ces savants calculs ne seront pas requis pour un titre en particulier si vous avez reçu un feuillet fiscal de votre institution financière (T3 ou T5).

N'empêche, ça reste drôlement compliqué ! Tout cela créera énormément de confusion et finira par coûter très cher en honoraires aux investisseurs qui devront se conformer aux règles fiscales.

Certains groupes de pression vont jusqu'à traiter de « démente » l'attitude des fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada, diffusant même à large échelle le nom et les coordonnées du directeur de la planification abusive de l'ARC qui a instauré cette « chasse aux contribuables honnêtes ».

Le pire, c'est que l'offensive d'Ottawa risque fort d'être un coup d'épée dans l'eau. Les gens malhonnêtes qui cachent leurs revenus au fisc ne remplissaient pas le formulaire T1135 auparavant et ils ne le feront pas plus dans sa nouvelle version, prédisent Éric Brassard, conseiller en placement auprès de Brassard Goulet Yargeau et Patrimoine Hollis, et son collègue fiscaliste Vincent Bouchard.

Face au tollé, Ottawa a finalement accordé un répit aux contribuables qui pourront révéler uniquement la valeur globale de leurs différents comptes pour 2013. Mais ce n'est que partie remise pour l'an prochain.

Vos revenus étrangers en retenues

Même si vos placements étrangers ne dépassent pas 100 000 $, la saison des impôts peut vous donner du fil à retordre.

Il faut savoir que les revenus gagnés sur des titres étrangers (intérêts, dividendes, etc.) font souvent l'objet d'une retenue à la source de la part du pays d'origine. Mais les investisseurs canadiens peuvent normalement récupérer ces sommes en réclamant un crédit d'impôt au fédéral, ce qui leur évitera de payer l'impôt en double.

Si vous détenez des titres étrangers dans un compte non enregistré au Canada, votre institution financière vous enverra un feuillet fiscal qui précisera le montant de la retenue à la source. Ensuite, c'est à votre comptable de jouer !

Si vous détenez des titres américains dans votre REER, il n'y aura pas de retenue à la source, en vertu d'une entente entre les deux pays. Ça règle la question.

Mais si vous détenez les mêmes titres américains dans votre compte d'épargne libre d'impôt, les retenues s'appliqueront. Et vous ne pourrez jamais les récupérer. Alors, pensez-y avant de mettre dans votre CELI des titres étrangers qui versent de gros dividendes.

Soyez aussi prudent avec les certificats américains d'actions étrangères (American depositary receipts, ou ADR). Ces titres permettent d'acheter une entreprise outre-mer (ex. : Nestlé) directement à la Bourse américaine. Mais il y aura deux retenues à la source plutôt qu'une, celle du pays d'origine et celle des États-Unis. Et l'une des deux sera impossible à récupérer, expose Éric Brassard.

À l'inverse, les structures corporatives sont une bonne manière de détenir des titres étrangers. Proches cousins des fonds communs de placement, ces fonds, qu'on appelle aussi « catégories », transforment les intérêts en gain en capital, ce qui les rend beaucoup plus efficaces, après impôts. Un must pour les investisseurs qui ont des économies hors-REER.