À l'épicerie, vous mettez dans votre panier des bananes biologiques, du café équitable et du savon à lessive vert. Au centre de rénovation, vous optez pour du bois certifié FSC. Mais pour vos investissements, faites-vous des choix socialement responsables?

Non ? Rien d'étonnant. Moins de 1 Québécois sur 10 a déjà investi dans un placement qui respecte des critères d'investissement socialement responsable (ISR). C'est paradoxal puisqu'ils se disent généralement très préoccupés par la pollution, les droits de l'homme, les changements climatiques, le travail des enfants...

Mais pour la vaste majorité des Québécois, l'ISR demeure un mystère, fait ressortir une rare étude sur ce domaine dévoilée la semaine dernière par l'Observatoire ESG UQAM de la consommation responsable.

Remarquez, l'investissement responsable a connu un essor incroyable au cours de la dernière décennie. Les actifs ont été multipliés par 11 et ils dépassent maintenant 600 milliards au Canada, soit 20 % de l'ensemble des actifs au pays.

Mais ce sont surtout les investisseurs institutionnels, comme les régimes de retraite, qui ont pesé sur l'accélérateur. De leur côté, les particuliers ont encore le pied sur le frein. Pourquoi?

Quelques-uns s'imaginent encore que le fait d'être responsable risque de nuire à leur rendement. Mais c'est un mythe ! Si vos bananes bios coûtent plus cher que des bananes ordinaires, les fonds socialement responsables, eux, vous en donnent plus pour votre argent que des fonds traditionnels, selon l'Association investissement responsable qui compare les rendements des fonds tous les trimestres.

Ainsi, en 2013, les fonds d'actions canadiennes socialement responsables ont offert 1 % de rendement de plus que les autres fonds d'actions canadiennes. Leur rendement est supérieur sur 3 ans, 5 ans et 10 ans. Idem pour les autres catégories d'actifs : actions mondiales, PME, équilibré, etc.

Une preuve éloquente qu'il est payant d'être socialement responsable.

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En fait, c'est surtout le manque d'information et la complexité des produits qui empêchent les Québécois d'investir dans les placements éthiques.

La plupart des institutions financières offrent des fonds socialement responsables. Mais les particuliers trouvent qu'il n'y a pas assez d'information (57 %) et que les caractéristiques des fonds ne sont pas bien mises de l'avant (40 %), démontre le sondage.

Les fonds ne mettent pas assez en valeur leurs réussites. Beaucoup d'investisseurs ont du mal à voir comment l'investissement responsable influence le comportement des entreprises (47 %).

On peut comprendre que les investisseurs aient du mal à s'y retrouver, car il existe différents genres de fonds socialement responsables.

Les plus connus se contentent d'éviter certaines industries, comme l'armement ou le tabac.

D'autres ont une attitude plus positive et privilégient les entreprises qui font le plus d'efforts dans leur secteur - même s'il s'agit d'une pétrolière très polluante - de manière à encourager les sociétés à s'améliorer.

Certains se concentrent sur une industrie particulière, comme les énergies propres.

Il y a aussi les activistes qui font des propositions d'actionnaires et militent pour encourager les entreprises qu'ils détiennent à changer leurs pratiques...

Toutes ces approches ont leurs mérites. Mais il est bien difficile de les comparer, d'évaluer laquelle obtient les meilleurs résultats. Surtout qu'il n'existe pas de classification officielle pour les fonds ISR.

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Pour convaincre les investisseurs de leur efficacité, les fonds socialement responsables peuvent produire un bilan « extrafinancier ». Mais les enjeux sont souvent complexes et remplis de nuances. Même en faisant de grands efforts de vulgarisation, on risque de perdre les épargnants qui cherchent des solutions simples, qui veulent des outils pratico-pratiques pour comprendre et comparer les fonds.

Comment les guider ?

Devrait-on donner une note pour classer les fonds socialement responsables ? Devrait-on donner une accréditation aux conseillers qui connaissent et distribuent des fonds ISR ? Devrait-on instaurer un label pour permettre aux investisseurs de s'y retrouver ?

« Il faudra qu'on en vienne à ça », croit Fabien Durif, professeur à l'UQAM et cofondateur de l'Observatoire.

Mais le label n'est pas une solution parfaite. Les détracteurs diront que cette certification a un coût que la clientèle finit par absorber.

Mais surtout, ces labels sont coincés entre l'arbre et l'écorce. Un label trop clément n'aura pas la confiance du public. Mais s'il est trop sévère, l'industrie risque de se rebeller contre le label.

Prenez la France. En 2009, on a lancé le label Novethic pour aider les investisseurs à s'y retrouver dans les fonds socialement responsables. À sa quatrième édition, en 2012, Novethic a durci ses conditions en ajoutant de nouveaux critères.

Mais Amundi ne l'a pas digéré. L'institution financière qui offre le plus grand nombre de fonds ISR en France a décidé de faire bande à part, en confiant la certification de ses fonds à une autre firme. À chacun son label !

Or, trop de labels tue les labels. Les consommateurs ont encore plus de mal à faire la part des choses, comme on le voit avec les produits d'entretien ménager. L'Observatoire de la consommation responsable a dénombré pas moins de 40 écolabels sur les produits vendus au Québec dans ce domaine.

Dans ce cas, la certification rate complètement sa cible. Au lieu de rehausser la crédibilité des produits et faciliter les choix pour les consommateurs, elle ne fait qu'accentuer la confusion et attiser la méfiance du grand public.

Une vraie tour de Babel.

Consultez l'étude de l'Observatoire

https://consommationresponsable.ca/devoilement-de-letude-les-quebecois-lisr-portrait-2014/

Consultez les rendements des fonds ISR

https://isresponsable.ca/les-fonds-dir-affichent-de-solides-rendements-au-quatrieme-trimestre-de-2013/