Achèteriez-vous un billet d'avion, sachant que le transporteur risque de modifier l'horaire, d'ajouter des escales ou même d'annuler votre vol sans vous offrir le moindre dédommagement? Je gage que non.

Pourtant, la plupart des transporteurs aériens fonctionnent ainsi. Air Canada, Porter, WestJet, Sunwing, Air Transat.

Ils mettent en vente leurs billets des mois à l'avance, alors que les horaires des vols ne sont pas encore finalisés. Ils empochent l'argent des clients, sans vraiment les prévenir que les conditions de vol peuvent changer pour des raisons purement commerciales.

Ensuite, ils ne se gênent pas pour annuler et consolider des vols, changer le type d'appareil ou revoir l'horaire. Et tant pis pour les clients! De toute façon, ils sont coincés.

Prenez Claude Paradis. Il avait pris soin d'acheter longtemps à l'avance trois billets d'avion pour aller à Puerto Vallarta. Malheureusement, Air Canada a devancé son départ, à 4h20, ce qui fait en sorte que sa famille passera une nuit blanche. «Nous allons nous retrouver en pleine nuit à l'aéroport, ce que j'avais voulu éviter en choisissant ce vol d'Air Canada», déplore-t-il. Avoir su, il aurait choisi une autre compagnie.

Air Canada lui a offert un remboursement. Mais c'est impossible, car M. Paradis a déjà fait des réservations au Mexique. Le transporteur lui a aussi offert de modifier son vol en faisant deux escales au lieu d'une, rallongeant ainsi de façon très significative son voyage. Pas fameux.

Pour mettre un baume sur ses plaies, le voyageur a demandé un surclassement, en guise d'indemnité. Mais Air Canada a refusé net.

«Nous n'offrons pas de compensation pour ce type de changement», lui a répondu le service à la clientèle. Les changements d'horaire sont monnaie courante dans l'industrie aérienne, en proie aux aléas d'exploitation normaux et à une vigoureuse concurrence mondiale imposant l'augmentation suivie du rendement des parcs aériens, s'est justifié Air Canada.

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Concurrence mondiale. Aléas d'exploitation. Toutes les industries font face à ces défis ! Et elles respectent leurs engagements. Pas les transporteurs aériens. Dans leur tarif, ils indiquent que leurs horaires ne sont pas garantis.

Bon, d'accord, les voyageurs comprennent qu'un vol puisse être annulé ou modifié à la dernière minute, en cas de force majeure. Mais qu'un transporteur se donne le droit de changer les horaires à sa guise, pour maximiser ses profits, est tout à fait injuste et inéquitable pour les consommateurs.

Imaginez un instant si le client voulait annuler son achat ou modifier son horaire simplement parce que ses projets de vacances ont changé. Le transporteur lui rirait au nez. Deux poids, deux mesures.

De la même façon, le consommateur est en droit de s'attendre à ce que les compagnies aériennes respectent leur engagement. Un contrat, c'est un contrat. On ne peut pas le réécrire après l'avoir signé.

D'ailleurs, l'article 11.2 de la Loi sur la protection du consommateur (LPC) prévoit qu'un commerçant n'a pas le droit de modifier unilatéralement les éléments essentiels d'un contrat, rappelle Me François Lebeau, du cabinet Unterberg, Labelle, Lebeau.

Plusieurs voyageurs qui ont subi des inconvénients à cause d'un changement d'horaire réussissent donc à obtenir un dédommagement en poursuivant aux petites créances, et c'est tant mieux.

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Mais si l'Office des transports du Canada (OTC) bannissait purement et simplement ce genre de pratique, les consommateurs ne vivraient pas tous ces ennuis. Ils ne seraient pas obligés de poursuivre, ce qui contribue à l'engorgement des tribunaux.

Malheureusement, l'Office ne s'oppose pas aux changements d'horaire et aux annulations de vols pour des raisons commerciales. Il rejette les plaintes des voyageurs lésés qui ont l'impression que l'Office protège à outrance les transporteurs, au détriment de la clientèle.

Toutefois, en juin dernier, l'Office a rendu plusieurs décisions qui font en sorte que les clients d'Air Canada, de WestJet et d'Air Transat victimes d'un changement d'horaire ou d'une annulation de vol peuvent choisir d'être réacheminés sans frais sur un autre vol, y compris ceux qui sont offerts par tous les autres transporteurs. Ils peuvent aussi obtenir un remboursement, ce que certains transporteurs refusaient jusqu'ici. Quelle arrogance!

Mais ces mesures ne sont pas suffisantes. Le réacheminement ou le remboursement n'est pas une option avantageuse pour les clients qui ont déjà réservé des hôtels, acheté un autre billet d'avion ou de train, loué une voiture, etc. Impossible de modifier tout cela sans frais. Et même si c'était possible, qui a envie de bousculer ses vacances à cause des caprices du transporteur?

Planifier des vacances est déjà un vrai petit casse-tête. Quand un morceau disparaît, ça devient l'enfer!

Les transporteurs devraient être tenus de respecter leurs horaires, sauf en cas de force majeure. Et s'ils doivent faire des changements mineurs, pour des raisons commerciales, ils devraient être forcés d'indemniser la clientèle. Tout comme ils imposent des frais aux clients qui veulent changer leur réservation.

Autrement, il est trop facile de vendre des billets d'avion avec un horaire intéressant, pour ensuite changer l'itinéraire pour un vol de nuit ou un vol avec des escales, sans que le consommateur puisse broncher.

À quand une Charte des droits des voyageurs? On croyait que les conservateurs iraient dans cette direction dans le discours du Trône, la semaine dernière. Finalement, pas un mot là-dessus. Espérons que le projet finira par décoller.