Acheter une maison à Montréal, quel cauchemar! Ne vous demandez pas pourquoi des milliers de familles s'exilent en banlieue chaque année.

Dans l'île, les ménages sont coincés entre leur rêve et la réalité. Ils cherchent une maison avec trois chambres, du rangement et une cour, dans un quartier sécuritaire où les enfants pourront jouer avec leurs amis, idéalement pas trop loin des écoles et du boulot.

Mais les prix ont triplé depuis le début de 2000, comme en témoigne le rôle d'évaluation déposé cette semaine par la Ville de Montréal. Aujourd'hui, la valeur moyenne d'une résidence unifamiliale s'élève à 484 600$ dans l'île de Montréal. Si vous voulez vivre dans les quartiers centraux, bonne chance!

La valeur moyenne dépasse 1 million de dollars dans les coins chics comme Mont-Royal (1 million), Outremont (1,3 million) et Westmount (1,5 million). Et il faut allonger un demi-million même dans des quartiers plus raisonnables comme Rosemont (446 200$), Ahuntsic (488 900$) ou Verdun (633 000$).

C'est énormément d'argent! Et bien sûr, les revenus des ménages n'ont pas suivi. C'est pourquoi l'accession à la propriété est en péril, selon l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec (APCHQ) qui lançait jeudi la campagne MissionGénérations (www.missiongenerations.ca).

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L'APCHQ craint que les jeunes ne soient plus capables de s'acheter une maison.

Déjà, le taux d'accession à la propriété est plus faible au Québec que dans toutes les autres provinces. Près de 3,4 millions de ménages québécois possèdent leur maison, soit 61% de la population comparativement à 69% en moyenne au Canada, selon les données du recensement 2011 dévoilées par Statistique Canada cette semaine.

Autre statistique préoccupante: dans la région de Montréal, 18% des propriétaires consacrent plus du tiers de leurs revenus à l'habitation (hypothèque, chauffage, etc.), un seuil jugé préoccupant.

Alors que les prix de l'immobilier ne cessent de grimper, l'APCHQ se plaint qu'une série de décisions gouvernementales ont rendu les maisons encore plus inabordables.

Par exemple, les nouvelles normes d'efficacité énergétique ont gonflé de 7000$ le coût de construction d'une maison. Et pendant ce temps, Québec a haussé la TVQ, les commissions scolaires ont relevé les taxes, et Ottawa a ramené de 30 à 25 ans la période d'amortissement maximale d'une hypothèque assurée par la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).

On comprend que le ministre des Finances, Jim Flaherty, veuille que les ménages soient plus prudents. Le taux d'endettement des Canadiens vient d'établir un record de 163% au deuxième trimestre. Ouf!

N'empêche, les premiers acheteurs ont maintenant la vie plus dure. Pour amasser une mise de fonds de 10% afin d'acheter une maison moyenne, un ménage doit économiser pendant 10 ans, alors qu'en 2001, il aurait pu accumuler le montant requis en seulement 5 ans, calcule l'APCHQ.

Comment les aider? L'APCHQ souhaite que Québec se dote d'une politique nationale de l'habitation claire et cohérente. Déjà, on sent que ça bouge.

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À la fin du mois d'août, la Ville de Montréal a dévoilé son plan de Fidélisation des familles qui devrait être bientôt suivi par le rapport du comité de pilotage Montréal = Famille mis sur pied par le ministre responsable de la métropole, Jean-François Lisée.

Première mesure annoncée: la relance du projet Habitations urbaines pour familles, qui accordera des subventions pour la construction de maisons de trois chambres à coucher dans les quartiers centraux. On en saura davantage cet automne...

Parmi les autres pistes, Montréal se propose d'ajuster régulièrement les plafonds du programme Accession à la propriété. Excellente idée! Présentement, les familles peuvent obtenir une subvention de 10 000 à 12 500$ à l'achat d'une maison neuve, mais celle-ci doit avoir au moins trois chambres et coûter moins que 360 000$, ce qui ne court pas les rues.

La Ville pourrait aussi élargir le programme Accès Condo piloté par la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM). Ce programme avance la mise de fonds de 10% aux acheteurs qui n'ont à fournir que 1000$ de leurs poches. À la revente, les propriétaires remboursent ce crédit de 10%, plus 10% de la plus-value de leur maison, ce qui permet au programme de s'autofinancer.

Voilà qui donne un fier coup de main aux premiers acheteurs, puisque l'accumulation d'une mise de fonds est le principal obstacle à l'accession à la propriété. Mais pour l'instant, le programme est limité aux projets de la SHDM. Pourquoi ne pas l'étendre à tous les promoteurs? Et pourquoi ne pas l'ouvrir à d'autres types de maison qui plaisent davantage aux familles, et pas seulement aux condos?

Enfin, le coût élevé des rénovations est un autre frein important pour les familles qui cherchent une maison existante dans un quartier à maturité.

Montréal souhaite élargir les programmes d'aide à la rénovation, ce qui serait souhaitable, car les programmes actuels sont limités à des secteurs très précis... et souvent peu attrayants pour les familles.

Sans compter que pour y être admissible, l'évaluation foncière de l'habitation ne doit pas excéder 223 000$ pour un logement occupé ou 256 000$ pour un logement vacant. Plutôt rare.

Et pourquoi ne pas ressusciter le crédit d'impôt à la rénovation que Québec et Ottawa avaient offert durant la crise financière? Le crédit avait permis de lutter contre le travail au noir tout en donnant un coup de pouce à l'ensemble les propriétaires, pas seulement à ceux qui cadrent dans des paramètres bien précis d'un programme avec une foule de normes à respecter.