Les vacances de la construction qui se terminent en fin de semaine font grincer des dents certains lecteurs qui s'imaginent que les travailleurs de la construction sont payés en double durant ces deux semaines de pause.

D'où leur vient cette impression? Il s'agit d'une vieille histoire...

Historiquement, les employeurs disparaissaient et ne versaient jamais la paie de vacances aux salariés qui travaillent souvent pour plusieurs entreprises au cours de l'année. L'industrie a donc développé un mécanisme pour s'assurer que les travailleurs reçoivent leur dû.

Chaque mois, les employeurs versent les indemnités de vacances (13 % du salaire) à leurs employés. Ces montants s'accumulent dans une fiducie, et la Commission de la construction du Québec (CCQ) remet l'argent aux travailleurs deux fois par année: avant les vacances de la construction de Noël et de l'été.

Au moment où ils sont remis par la CCQ, les chèques ne sont plus considérés comme des paies de vacances, mais plutôt comme les épargnes des travailleurs. La Cour suprême et la Cour d'appel fédérale se sont prononcées en ce sens il y a déjà plusieurs décennies.

Cette nuance fait en sorte que les travailleurs sont admissibles à l'assurance-emploi dès le premier jour de la fermeture des chantiers. Effectivement, ils sont sans emploi puisque l'entreprise ferme carrément ses portes. Et ils ne reçoivent pas d'indemnité de vacances durant cette période, puisqu'ils l'ont obtenue au fil des mois. Bref, tout est parfaitement légal.

Pourtant, on ne peut pas conclure que leurs vacances sont payées en double. «L'histoire de la double indemnisation, ça n'existe pas», insiste Jean-Guy Ouellet, avocat spécialiste en droit de l'assurance-emploi qui agit pour différentes centrales syndicales.

Dans la pratique, les deux semaines d'arrêt de travail servent à écouler le délai de carence, cette période d'attente de deux semaines avant de pouvoir commencer à recevoir de l'assurance-emploi.

Ainsi, le travailleur ne recevra pas d'assurance-emploi durant les vacances de la construction. Toutefois, s'il retombe au chômage durant l'année, il n'aura qu'à réactiver sa demande, ce qui lui permettra de recevoir des prestations sans observer une nouvelle période d'attente.

Mais avant de crier à l'injustice, il faut préciser que l'assurance-emploi est réservée aux personnes qui ont perdu leur emploi «et qui sont prêtes et disposées à travailler et capables de le faire en tout temps, sans pouvoir trouver du travail».

Donc, les travailleurs qui sont réellement en vacances n'ont pas le droit de faire une demande d'assurance-emploi. Et gare aux tricheurs ! Ils risquent de se faire pincer. Par exemple, les faux chômeurs qui partent en vacances à l'étranger vont se faire repérer à la douane.

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Tant qu'à parler de congé, voici une série d'autres mythes entourant la paie de vacances...

- À quelle date?

Les employeurs connaissent peu ou pas la norme voulant qu'ils doivent confirmer au moins quatre semaines à l'avance la date des vacances, indique Johanne Tellier, directrice du centre juridique de Montréal pour la Commission des normes du travail.

Les salariés deviennent inquiets parce qu'ils n'ont toujours pas le feu vert à deux ou trois semaines de leur congé. Conseil : à quatre semaines d'avis, les salariés devraient aller aux nouvelles et exiger une confirmation.

- Vacances forcées

Votre patron peut-il vous imposer des dates de vacances? Oui et non. En fait, la loi permet aux employeurs d'imposer des dates de vacances précises, dans la mesure où il ferme complètement son entreprise à une période de l'année. Mais cette période ne doit pas dépasser deux semaines, précise Mme Tellier.

- Boulot d'été et temps partiel

Certains étudiants pensent qu'ils n'ont pas droit à des vacances. Mais ce n'est pas nécessairement vrai. En fait, il faut avoir travaillé un an avant d'avoir droit à des vacances (4 % ou 2 semaines; 6 % ou 3 semaines pour ceux qui ont 5 ans d'expérience). Un étudiant qui a un emploi d'été n'a donc pas droit à des vacances puisqu'il n'a pas encore travaillé un an. Mais son employeur lui versera son 4 % s'il quitte son boulot à la fin de l'été.

Par ailleurs, l'étudiant qui a travaillé régulièrement toute l'année à temps partiel a bel et bien droit à des vacances, après un an. S'il travaille à mi-temps, il recevra la moitié de son 4 %, soit l'équivalent d'une semaine de vacances durant l'été. L'employeur ne peut pas dire non.

- Heures supplémentaires, commissions et pourboires

Saviez-vous que vos pourboires doivent être inclus dans le calcul de votre paie de vacances? «Les commissions, les primes, les bonus, les heures supplémentaires... il y a parfois des employeurs qui pensent que ça n'entre pas dans le calcul de la paie de vacances. C'est un motif régulier de plainte», déplore Mme Tellier.

- Le 4 % à la petite semaine

Phénomène récent: certains employeurs racontent à leurs salariés, souvent des travailleurs à commission, que leur salaire comprend tout : indemnité de vacances, fériés, etc. Cela ne respecte pas la loi. Le 4 % doit être versé de façon distincte au début de la période de vacances, et non pas à la petite semaine.

P.-S.: il y a des exceptions pour certains employés dont les conditions de travail sont fixées par un décret ou une convention collective (ex.: construction).

- Racheter ses vacances

On vous tord le bras pour abandonner vos vacances? Illégal! Un patron ne peut forcer ses employés à ne pas prendre leurs vacances: ils ont droit au repos! Par contre, l'employé qui ne veut pas de prendre de congé peut monnayer son indemnité de vacances, mais seulement la moitié, soit 2 % ou une semaine de vacances.

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EN CHIFFRES :

Les vacances de la construction :

- 153 000 chèques de vacances ont été envoyés

- 398 millions de dollars ont été distribués, un record

- Le paiement s'élève à 2600 $ par personne, en moyenne

- 20 % des travailleurs sont restés au boulot, même s'ils ont reçu un chèque

Source : Commission de la construction du Québec