Avez-vous peur d'épuiser vos épargnes avant votre mort? C'est une des plus grandes craintes des retraités. Et malheureusement, les règles désuètes du fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) les incitent à gruger leur capital trop vite.

Un petit rappel: les Canadiens doivent convertir leur régime enregistré d'épargne-retraite (REER) en FERR au plus tard durant l'année de leurs 71 ans. Ensuite, ils doivent retirer de l'argent chaque année. Le retrait minimum augmente graduellement de 7,5%, à 72 ans, jusqu'à 20%, à 94 ans.

Dans un contexte où les obligations rapportent moins de 2%, beaucoup de retraités se plaignent. «Si le contribuable doit retirer un pourcentage supérieur au taux de rendement de ses placements, il épuisera ses économies en quelques années et, par la suite, il sera à la charge des gouvernements», dénonce Pierre Laferté, retraité de Trois-Rivières.

Il a raison. Le FERR a mal vieilli. Depuis 20 ans, l'espérance de vie a augmenté. Et les attentes de rendement se sont dégonflées. Ces deux facteurs combinés font en sorte que les retraités risquent de vider leur FERR beaucoup plus vite.

Imaginons un retraité de 65 ans qui disposait de 100 000$ il y a 20 ans. En se limitant aux retraits minimums, il pouvait espérer avoir encore un solde de 80 000$ à l'atteinte de son espérance de vie.

Aujourd'hui, un retraité de 65 ans qui fait les retraits minimums n'aura plus que 20 000$ dans son FERR lorsqu'il atteindra l'âge de son espérance de vie, estime Alexandre Laurin, directeur adjoint de la recherche de l'Institut C.D. Howe. C'est quatre fois moins que ce qui aurait pu être espéré en 1992, année de la réforme du FERR.

À cause des règles dépassées, les retraités d'aujourd'hui auront épuisé les quatre cinquièmes de leur FERR à l'atteinte de leur espérance de vie. C'est un gros problème, car l'espérance de vie n'est qu'une moyenne. Cela signifie qu'une personne sur deux vivra plus longtemps... et risque de vider son FERR avant sa mort.

Le FERR a besoin d'une cure de jeunesse. Ottawa devrait reporter l'âge du début des retraits obligatoires, à 73 ans au moins, comme l'a déjà proposé l'ancienne ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget.

Ottawa devrait aussi réduire les retraits minimums. Le gouvernement a déjà assoupli les règles, pour une année seulement, au cours de la crise financière de 2008, pour ne pas forcer les épargnants à vendre leurs placements alors que la Bourse avait fondu de moitié.

Mais pour les retraités, la faiblesse persistante des taux d'intérêt est aussi douloureuse, sinon plus, que la dégringolade de la Bourse.

Les règles de retraits du FERR conçues il y a 20 ans, alors que les taux d'intérêt étaient dans la stratosphère, ne sont plus adaptées. Surtout pour les plus vieux, qui doivent retirer 20% de leur FERR chaque année, à partir de 94 ans.

De nos jours, il n'est pas rare d'atteindre cet âge. Une femme de 65 ans sur quatre sera encore en vie à 95 ans (91 ans pour les hommes). Et les gens qui sont encore en vie à 95 ans ont une chance sur quatre de se rendre à plus de 100 ans. On ne veut pas les forcer à mourir sans le sou.

Discrimination fiscale

Enfin, Ottawa doit mettre fin à une iniquité fiscale dont les détenteurs de FERR sont victimes.

Depuis 2007, les retraités peuvent fractionner leurs revenus de pension avec leur conjoint, ce qui peut leur faire économiser des milliers de dollars d'impôt. Or, il est impossible de fractionner les montants retirés du FERR avant l'âge de 65 ans.

Pourtant, les retraités qui ont un régime de retraite à prestations déterminées peuvent très bien fractionner leur rente à 55 ans s'ils décident de prendre une retraite hâtive.

«Je me sens victime de discrimination injustifiée», dit Martial Fortin. Le jeune retraité estime qu'il verse au fisc environ 1000$ de trop par année parce qu'il n'a pas droit de fractionner ses revenus avec sa conjointe.

Pourquoi donner un avantage fiscal à ceux qui profitent d'un régime de retraite blindé, alors que les travailleurs autonomes qui ont dû bâtir leur épargne-retraite tout seuls n'y ont pas droit? Une telle iniquité est injustifiable.

Trois petits trucs

> 1- Utilisez l'âge du conjoint. Si votre conjoint est plus jeune, vous pouvez utiliser son âge, afin de réduire votre retrait minimum... et l'impôt à payer. Mais il faut prendre cette décision avant de commencer à retirer l'argent.

> 2- Remettez l'argent dans le CELI. Si vous n'avez pas besoin de l'argent puisé dans votre FERR, réinvestissez l'argent dans un compte d'épargne libre d'impôt (CELI). On peut y mettre jusqu'à 5500$ par année. Vous devrez payer l'impôt sur le retrait, mais, ensuite, l'argent continuera de fructifier à l'abri du fisc.

> 3- Transférer en nature. Vous pouvez transférer vos placements «en nature» dans votre CELI, au lieu de les vendre et de les racheter. Du coup, vous éviterez les frais de rachat sur les fonds communs et les frais de transaction sur les actions et obligations.

Quelques exemples

Âge Retrait

65 ans 4%

70 ans 5%

73 ans 7,59%

76 ans 7,99%

80 ans 8,75%

83 ans 9,58%

86 ans 10,79%

90 ans 13,62%

94 ans et " 20%