La semaine dernière, le Nouveau Parti démocratique (NPD) est parti en guerre contre les frais imposés par les cartes de crédit aux commerçants. Bravo! Mais je suis surprise que personne n'ait profité de l'occasion pour parler de l'effet pervers de ces frais cachés sur les consommateurs.

Avec l'essor des cartes de crédit privilège qui offrent des récompenses juteuses aux grands consommateurs, c'est un peu comme si les pauvres «subventionnaient» les riches. Totalement régressif!

Il faut savoir que chaque fois que vous payez avec votre carte de crédit, Visa ou MasterCard impose au commerçant des frais d'acceptation de 1,5% à 3%. Les frais sont encore plus élevés sur les cartes privilège (Voyage, Platine, etc.) destinées aux clients à revenus élevés.

Ces frais grugent de plus en plus la rentabilité des commerçants qui n'ont pas le droit de surfacturer les clients qui ont des cartes privilège ni de refuser leurs cartes, en raison des règles internes des deux géants du crédit.

Cela force les détaillants à augmenter leurs prix de vente. Ils refilent ainsi les coûts des cartes de crédit à l'ensemble de leurs clients, y compris ceux qui utilisent un mode de paiement moins coûteux, comme l'argent comptant ou la carte de débit.

En 2010, une étude de la Federal Reserve Bank of Boston avait constaté que les ménages qui utilisent une carte privilège, généralement des familles nanties, reçoivent des récompenses de 1482$US par année, en moyenne.

De leur côté, les consommateurs qui paient comptant, souvent plus pauvres, se retrouvent à payer plus cher sur l'ensemble de leurs produits, ce qui équivaut à un transfert de richesse de 151$US par année en faveur des détenteurs de cartes privilège.

Bref, le système est vicié. Il incite les gens à utiliser leur carte de crédit au maximum. Et ce sont ceux qui n'ont pas accès au crédit - ou qui préfèrent ne pas l'utiliser - qui financent les cadeaux.

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Devant les doléances des détaillants, Ottawa a instauré un code de conduite volontaire pour l'industrie des cartes de crédit, en 2010. Mais dans la pratique, le code n'a pas aidé du tout. Au contraire, Visa et MasterCard ont encore augmenté leurs frais, au grand dam des commerçants.

Certains groupes de pression reviennent maintenant à la charge. Par exemple, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) voudrait que les détaillants puissent imposer une surcharge aux détenteurs de cartes de crédit ou qu'ils puissent refuser les cartes plus coûteuses... qui auraient été étiquetées comme telles, afin qu'on puisse les repérer facilement.

De quoi rendre les consommateurs furieux! Je souhaite bonne chance à la caissière qui aura l'odieux de refuser la carte d'un client ou de lui imposer des frais additionnels...

Ce n'est pas pour rien que plusieurs détaillants américains, comme Wal-Mart et Target, n'ont pas l'intention d'aller dans cette direction, même s'ils peuvent exiger une surcharge de 4% sur les achats par carte de crédit, depuis le 27 janvier dernier.

Les commerçants ont obtenu ce droit lors du règlement d'un recours collectif contre Visa et MasterCard, en juillet dernier. Accusés d'utiliser leur situation monopolistique pour imposer des frais excessifs, les deux géants ont accepté de rembourser une somme record de 7,25 milliards US.

Au Canada, le Tribunal de la concurrence devrait bientôt trancher une question semblable, puisque le Bureau de la concurrence a déposé une plainte pour pratique anticoncurrentielle, il y a plus de deux ans.

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Au lieu de permettre aux commerçants de refiler à leurs clients les frais excessifs de Visa et de MasterCard en leur imposant une surcharge, pourquoi ne pas s'attaquer à la racine du problème en plafonnant les frais?

L'Australie, par exemple, a plafonné les frais à 0,5%. Le Canada devrait faire sa propre analyse afin d'établir un plafond raisonnable, prône le NPD. Un bel objectif. Mais les consommateurs ne doivent pas se réjouir trop vite.

En Australie, les commerçants ont gardé pour eux les bénéfices de leur lutte contre Visa et MasterCard. Pour les clients, pas de baisse de prix.

«Est-ce que les commerçants vont baisser le prix des Mae West de 15 cents?», demande François Lapointe, porte-parole du NPD en matière de petites entreprises. Probablement pas.

«Mais peut-être que certains vont avoir l'argent pour rénover la façade de leur commerce, pour embaucher ou pour réinvestir dans l'économie locale», plaide-t-il.

Mais pour les consommateurs, il faudra repasser.