Au Canada, ouvrir un compte bancaire est un droit. Vous pouvez en ouvrir un même si vous n'avez pas d'emploi, même si vous ne déposez pas d'argent dedans, et même vous avez déjà déclaré faillite.

Les institutions financières doivent ouvrir leurs portes à tous les citoyens (sauf aux fraudeurs), pour peu qu'ils puissent s'identifier. Les clients n'ont qu'à montrer deux pièces d'identité originales, parmi une douzaine de possibilités (carte d'assurance maladie, d'assurance sociale, etc.). Si cela est impossible, ils peuvent n'en présenter qu'une et se faire accompagner par un proche qui confirmera leur identité, explique-t-on sur le site internet de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACMFC). Une fois qu'ils se sont identifiés en bonne et due forme, les clients n'ont pas à déballer d'autres renseignements personnels.

 

Le NAS obligatoire

Pourtant, certaines institutions financières exigent le numéro d'assurance sociale (NAS) du client qui désire ouvrir un compte, comme l'a constaté Rémi Daigneault.

Sa mésaventure remonte à 2005. M. Daigneault s'est laissé tenter par une publicité d'ING Direct. À tous les clients qui ouvraient un nouveau compte, la banque virtuelle offrait un boni de 13$, une somme qui correspondait aux frais mensuels moyens de tenue de compte prélevés par les grandes banques.

On sait qu'ING Direct s'est taillé une part du marché en offrant des comptes à taux d'intérêt élevés, sans frais, sans dépôt minimum, sans condition.

M. Daigneault a donc transféré 100$ chez ING Direct. Mais après avoir reçu l'argent, ING Direct lui a demandé son numéro d'assurance sociale. L'homme s'est braqué: «Je ne l'ai jamais donné à aucune banque. Je ne suis pas obligé de le faire», s'est-il insurgé.

Mais ING est formelle: comme elle verse des intérêts élevés sur ses comptes, elle doit demander le NAS de ses clients. «La loi de l'impôt exige qu'on informe le fisc sur les intérêts versés. Lorsque les intérêts s'élèvent à plus de 50$ par année, un feuillet T5 doit aussi être remis au client», explique Marianne Tadros, directrice chez ING Direct au Québec.

Si les intérêts sont inférieurs à 50$, les épargnants n'ont pas à payer d'impôt. Mais dès qu'ils dépassent 50$, les contribuables doivent les produire avec leur déclaration de revenus. À moins, bien sûr, que les intérêts ne s'accumulent dans un compte enregistré (REER, FERR, REEE, etc.) à l'abri de l'impôt.

«Si vous ouvrez un compte qui vous rapportera des intérêts, l'institution financière doit vous demander votre numéro d'assurance sociale, aux fins d'établissement de l'impôt. Les banques, les coopératives de crédit, les caisses populaires, les sociétés de fiducie et les courtiers doivent vous demander votre numéro d'assurance sociale car ils sont tenus, en vertu de la loi, de fournir cette information à l'Agence du revenu du Canada et de déclarer les intérêts rapportés aux fins de l'impôt sur le revenu», confirme l'ACMFC.

100$ évaporés?

Face au refus de M. Daigneault de fournir son NAS, ING Direct a décidé de fermer son compte. Depuis ce jour, le client attendait pour récupérer son dépôt. Où était rendu l'argent? De guerre lasse, M. Daigneault a abandonné... jusqu'à la semaine dernière, quand il a décidé de soumettre sa situation à La Presse Affaires.

ING Direct a confirmé que son compte avait été fermé en 2005. «On ne fait pas un chèque aux gens. L'argent a été retourné à son compte, par liaison électronique», assure Mme Tadros.

Or, le client ne se souvient pas d'avoir vu atterrir un dépôt de 100$ dans son compte. «Je note tout dans mes livrets de banque», insiste-t-il. Mais voilà, ING ne lui a pas retourné 100$, mais bien 113,23$, soit son dépôt initial, plus les intérêts, plus le boni d'ouverture de compte... même si le compte n'a jamais été vraiment ouvert. «On n'aime pas les conditions chez nous», dit Mme Tadros. Elle certifie qu'ING n'a plus les fonds.

Et c'est vrai: en jetant un coup d'oeil sur ses vieux livrets de banque, M. Daigneault a finalement repéré les fameux 113,23$!

 

Le service

Un compte d'épargne chez ING Direct.

Le hic

Le client n'a pas voulu fournir son numéro d'assurance sociale. Le compte a été fermé et le client n'a pas revu la couleur de son argent.

«Je ne l'ai jamais donné à aucune banque. Je ne suis pas obligé de le faire» - Rémi Daigneault

Au bout du compte

Pour des raisons fiscales, les banques doivent demander le NAS des clients qui ouvrent un compte à intérêts élevés. Quant au dépôt de 100$, le client l'a retrouvé!