Le 29 avril dernier, Micheline Dextradeur a acheté un mobilier de salon comprenant trois tables et deux canapés chez Ashley Meubles, à Saint-Hubert. Le détaillant a exigé le paiement complet dès l'achat, même si les meubles ne devaient être livrés qu'à la mi-juillet.

Mme Dextradeur a donc acquitté la facture de 2012$ sur-le-champ. Mais il a fallu près de six mois, et des journées entières perdues, pour qu'elle obtienne tous ses meubles.

 

Le jour convenu de la livraison, les livreurs sont passés chez elle, mais il manquait un canapé et l'autre était défectueux. Les réparateurs du détaillant ont dû revenir deux semaines plus tard. Mme Dextradeur est restée clouée chez elle. Aucune visite, aucune nouvelle, aucune excuse. Les réparateurs devaient repasser le samedi suivant. Encore une fois, Mme Dextradeur a poireauté à la maison, en vain. «Si ce n'est pas rire des gens, je ne sais pas ce que c'est!» s'exclame-t-elle.

Finalement, les réparateurs se sont présentés au début d'août. Plutôt que de réparer le canapé, ils se sont entendus avec la cliente pour en commander un neuf. Ce n'est qu'à la fin d'août qu'elle a reçu le canapé manquant. Quant à l'autre canapé, commandé d'urgence, elle l'a reçu seulement à la mi-octobre. «Dans mon agenda, j'ai écrit "Alléluia!"», raconte Mme Dextradeur.

Le feuilleton est terminé, mais une question demeure. «Est-ce que c'est normal d'être obligée de tout payer dès l'achat?» se demande Mme Dextradeur.

Ashley, qui n'a pas rappelé La Presse, n'est pas le seul détaillant à procéder ainsi. Ainsi, Sears Canada applique la même politique. Brick et Meubles Léon acceptent un dépôt au moment de l'achat, mais exigent le paiement total de la facture avant la livraison.

Mais un grand nombre de détaillants, comme Brault&Martineau, Vaillancourt, JC Perreault ou encore Maison Corbeil, prélèvent un dépôt (par exemple la somme des taxes ou 20% de la facture) lors de l'achat, et attendent la livraison pour réclamer au client le reste de la facture.

«Nous, on conseille de verser le plus petit dépôt possible. Et on suggère aux consommateurs de faire ajouter une clause qui prévoit la résiliation de la vente et le remboursement du dépôt si la livraison n'a pas lieu à la date prévue», dit Isabelle Durand, avocate chez Option Consommateurs.

Mais rien n'empêche un commerçant d'exiger le paiement total avant la livraison du bien, ajoute-t-elle. Toutefois, le commerçant qui exige un paiement, partiel ou total, pour un bien qui ne sera pas livré avant deux mois, doit déposer l'argent de son client dans un compte en fiducie, comme le stipule l'article 256 de la Loi sur la protection du consommateur.

Cela dit, toutes les règles ont leurs exceptions. Ainsi, dans le cas de la vente itinérante et des contrats de service à exécution successive (comme un abonnement à un studio de santé), les commerçants n'ont carrément pas le droit d'exiger le paiement total à l'avance.

Même chose pour les ventes à distance (au téléphone, par l'internet). Le commerçant ne peut exiger le paiement à l'avance, à moins que la transaction soit réglée par carte de crédit. Dans ce cas, le consommateur peut toujours obtenir une «rétrofacturation» en cas de pépin.

Papier ou plastique refusé

Par ailleurs, notez que les commerçants n'ont pas le droit d'exiger d'être payés par carte de crédit. «C'est discriminatoire et ça incite au crédit», dit Mme Durand. Les commerçants sont tenus d'accepter les billets de banque, car c'est la monnaie qui a cours légal au pays.

Mais certains détaillants se font tirer l'oreille, notamment les fournisseurs de téléphonie mobile qui insistent pour être payés par carte de crédit ou par prélèvement direct dans le compte bancaire du client. D'autres acceptent l'argent... mais en théorie seulement, puisqu'ils ont supprimé leurs comptoirs. Les clients ne peuvent pas envoyer d'argent par la poste, car ils n'ont pas de preuve de paiement. Ils sont obligés de payer des frais à leur banque afin d'acquitter leur compte.

À l'inverse, certains commerçants n'acceptent ni les cartes de débit et de crédit, ni les chèques personnels. Cela force les clients à payer en espèces, ce qui est moins sécuritaire lorsqu'il s'agit de gros montants, ou alors par chèque certifié ou mandat bancaire, ce qui occasionne des frais supplémentaires.

Est-ce normal? «Ils n'ont pas l'obligation d'offrir un autre mode de paiement que l'argent comptant», estime Mme Durand.

Elle ajoute que les institutions financières imposent des frais aux marchands pour les transactions «en plastique», de 2% en moyenne pour les cartes de crédit, et parfois jusqu'à 4% pour les plus petits marchands, comme les agences de voyages.

On comprend pourquoi ils préfèrent les bons vieux billets!

 

Le produit

Un ensemble de salon

Le hic

Ashley Meubles a exigé d'être payé entièrement dès l'achat, alors que les meubles n'ont finalement été livrés que six mois plus tard.

«Est-ce que c'est normal d'être obligée de tout payer dès l'achat?» - Micheline Dextradeur

Au bout du compte

Rares sont les détaillants qui obligent leurs clients à payer en entier sur-le-champ. Mais rien ne les empêche de le faire... sauf exception.

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