Marshall McLuhan l'a dit en 1964: le message, c'est le médium. Cinquante ans plus tard, il a toujours raison. Et ce ne sont plus seulement les experts en communication qui manipulent le média, mais tout un chacun.

Au quotidien, nous choisissons le média que nous allons utiliser selon la nature du message que nous voulons envoyer. Il y a un temps pour le téléphone, un temps pour le courriel et un temps pour le texto.

Le texto, c'est pour les messages brefs et directs. Votre blonde veut que vous ramassiez du lait en rentrant du bureau. Avant, elle aurait été obligée de vous appeler, de vous demander comment vous allez, vous auriez commencé à expliquer votre journée difficile, elle vous aurait encouragé à ne pas lâcher, puis au bout de 15 minutes de conversation profonde, elle vous aurait dit, juste avant de raccrocher: chéri, pendant que j'y pense, serais-tu assez gentil pour ramasser du lait, s'il te plaît? Quel gaspillage d'énergie! Maintenant, finis les excès de courtoisie. On ne tape pas des textos avec des gants blancs. Votre blonde veut que vous achetiez du lait, elle vous envoie un texto: ramasse du lait. Le message est clair. Vous répondez: OK. Votre blonde vient de gagner 15 minutes de sa vie. Et elle aura du lait pour son café.

Le texto est de plus en plus utilisé, car c'est le média le mieux adapté à nos univers parallèles. Pas de sonnerie agressive, mais une apparition assez remarquée sur l'écran du téléphone qu'il incite le correspondant, peu importe ce qu'il est en train de faire, à vous répondre instantanément. Répondre au téléphone quand on est en rendez-vous est impoli. Répondre à un texto est toléré. Cela se fait silencieusement et l'interlocuteur qui est en votre présence se dit qu'il y a une urgence. C'est rarement le cas, mais il ne le saura pas.

Il n'y a pas si longtemps, les textos étaient réservés aux intimes. On peut dorénavant en recevoir de simples connaissances et même d'entreprises. Notre bulle virtuelle ne cesse de s'agrandir.

Le courriel sert surtout à des fins professionnelles. On ne fait pas le résumé d'une cause à son associé par texto. On envoie un beau courriel, avec en-tête et signature. Entre proches, le courriel sert à des demandes importantes. Vous voulez emprunter le chalet de votre ami, la fin de semaine prochaine, vous ne pouvez quand même pas lui envoyer un texto: passe-moi ton chalet. Manque de bonnes manières. Si vous l'appelez au téléphone, ça risque de créer un malaise, si ça ne lui tente pas; et vous aurez l'air fou au bout de la ligne. Un beau courriel, bien écrit, et le tour est joué. Si c'est non, vous n'aurez pas à vivre ses plates excuses et il n'aura pas à vivre votre déception.

Le téléphone, de nos jours, sert à tout: prendre des photos, filmer, consulter l'heure, la météo, trouver son chemin, envoyer des tweets, des statuts Facebook, écouter de la musique, surfer sur le web, regarder la télé, réserver un restaurant, vérifier les cotes de la Bourse, prendre sa pression, éclairer comme une lampe de poche, jouer aux jeux vidéo, envoyer des courriels et des textos. Un téléphone sert à tout, sauf à parler au téléphone. C'est tellement 2000. On le fait en désespoir de cause. Quand on est rendu à échanger 50 textos, sans que son correspondant ait bien saisi ce que l'on raconte, on se résigne à se servir de sa bouche, plutôt que de ses doigts. Le téléphone est le média des situations plus complexes de la vie. Le small talk, comme disent les Chinois, se passe sur les réseaux sociaux. Le téléphone, c'est pour le big talk. Quand on ne peut pas être expéditif. Quand il se faut être compréhensif.

Selon que l'on reçoit un texto, un courriel ou un appel téléphonique, on devine déjà la nature du message de son expéditeur. Le texto porte votre besoin d'instantanéité, le courriel porte votre demande d'attention et l'appel téléphonique porte votre désir d'écoute.

Il arrive d'utiliser ces trois médias en même temps. On parle à quelqu'un au téléphone sur mains libres, tout en tapant des textos et des courriels à d'autres personnes. L'ère des communications que prédisait McLuhan: il faut croire qu'il avait encore raison.

Mais l'ère des communications, ça ne veut pas dire l'ère de la compréhension. Une chose est certaine, c'est quand le dialogue est coupé, que s'intensifient les conflits, que l'on soit un couple ou deux pays. Alors textons-nous, couriellons-nous, téléphonons-nous et voyons-nous. Faut d'abord rompre le silence pour s'entendre. Et essayons toujours de terminer nos échanges par des XXX.