Le 11 mai dernier, à Bombay en Inde, une pizza a été livrée chez quelqu'un par un drone. Une première dans le monde de la livraison. Un drone est un objet volant sans pilote, télécommandé, qui transporte une charge. Jusqu'à maintenant, on s'en servait surtout pour livrer des missiles. Les personnes qui les recevaient ne les avaient surtout pas commandés. Faut dire qu'ils n'avaient rien à payer, quoiqu'ils payaient de leur vie. Mais ça, c'est un autre dossier.

Reconstitution dramatique de cet événement historique:

«Francesco's Pizzeria, bonjour!

- Je voudrais une pizza au poulet.

- Ça va être 12,50 $, c'est quoi votre adresse?

- 9820, rue Marine Drive.

- Ce sera pas long.»

Sur ce, le gars du restaurant raccroche, prépare la pizza, la met dans la boîte, l'accroche après un objet de la grosseur d'un jouet. Le drone décolle, sort du restaurant, survole les rues de Bombay congestionnées comme un gigantesque échangeur Turcot, parcourt la distance de 1,5 km et se pose devant la résidence du client satisfait. On n'arrête pas le progrès, surtout lorsqu'il passe au-dessus de nos têtes.

Si vous ne me croyez pas, la Pizzeria de Francesco a produit une vidéo de cette avancée scientifique et gastronomique.

C'est fou, hein? La police de Bombay n'a pas aimé la manoeuvre, car pour qu'un objet puisse voler dans le ciel, il doit recevoir la permission des responsables du trafic aérien même s'il vole à une altitude beaucoup plus basse que celle des avions et des hélicoptères.

Imaginez, si la pratique devient courante, si tous les restaurants de la planète adoptent cette façon plus rapide et plus économique de faire parvenir la bouffe à leur destinataire, ça va prendre une tour de contrôle juste pour gérer les livraisons de pizza, de poulet et de sushis.

OK Domino Pizza, permission de décoller dans cinq, St-Hubert BBQ, atterrissage autorisé sur la rue des Hirondelles, La Merveille du Vietnam, changez de corridor, il vente trop fort, il y a un rouleau de printemps en chute libre. Craignez les écrasements de pizza aux anchois ou de mets chinois, si vous trouvez une chiure de pigeon salissante, attendez de recevoir un numéro 2 pour trois dans le pare-brise. Et ce ne serait pas étonnant qu'un poulet rôti s'écrase dans un nid-de-poule.

Malgré tous ces dangers, la livraison téléguidée risque de devenir réalité, beaucoup plus rapidement qu'on ne le croit. Amazon, le site qui reçoit le plus de commandes sur le Net, a révélé être en mesure, d'ici cinq ans, d'acheminer toutes ses bébelles par des drones.

Le ciel va être rempli de paquets. On ne comptera plus les étoiles, mais les codes barres. Va falloir faire attention! Le port du casque deviendra sûrement obligatoire pour tous les piétons, parce que recevoir un ordinateur sur la tête, ça ne rend pas plus intelligent. Oubliez la Charte, et vivement de quoi sur le coco pour se protéger d'un atterrissage forcé d'un meuble IKEA qui pourrait nous trancher en morceaux difficiles à assembler.

Je vois déjà le maire du Plateau-Mont-Royal interdire toute circulation de drones dans son espace aérien. Quoique... Les défenseurs de la livraison aérienne soulignent l'aspect écologique de cette nouvelle façon de rejoindre le client.

Fini, toutes ces voitures et tous ces camions de livraison qui encombrent les routes. Les drones fonctionnant à l'électricité, fini aussi la pollution.

Oui, mettons, mais veut-on vraiment vivre sous un centre commercial volant?

Ce qui inquiète, c'est la nouvelle criminalité que va engendrer cette façon de faire.

Vous avez faim, un quart de poulet passe au-dessus de votre tête, c'est tentant de tirer dessus, surtout qu'on n'a même pas besoin de le plumer comme un canard sauvage. Ça va aussi faciliter le travail des terroristes. Plus besoin de détourner des avions. Vous mettez votre bombe dans les nouilles livrées à la Maison-Blanche. Bye bye, Barack!

Tôt ou tard, chaque citoyen aura son propre drone qu'il dirigera avec son téléphone intelligent. Un soir de séries, il va y en avoir des caisses de bières qui vont survoler nos maisons.

Avant que les drones nous envahissent, je pense que l'on devrait se manifester, s'opposer. Avant que les drones nous fassent de l'ombre, faudrait les empêcher de cacher notre soleil.

Bien sûr, ça économise des sous d'envoyer un robot dans les airs pour livrer les marchandises, mais voulons-nous vraiment de ces rapaces métalliques au-dessus de nos têtes? Il devrait y avoir un espace réservé aux oiseaux. Entre les arbres et les nuages, interdit aux machines.

Plus haut, envoyez vos avions, fusées et satellites, mais donnez-nous du headroom, comme on dit à la télé. Donnez-nous de l'espace pour notre cerveau.

Ce n'est pas vrai que les vendeurs du Temple vont s'installer dans le ciel. Amazon, oubliez ça. Francesco's Pizzeria, enfourchez votre scooter électrique. La pollution, c'est pas juste le gaz. La pollution, c'est aussi l'encombrement. Vive l'air libre!