Bien avant d'être canadien, même avant d'être québécois, je suis montréalais. Ma place, mon home, comme diraient les Anglais, c'est Montréal. J'aime ça aller à Québec. Je trouve ça beau, Québec. Mais quand je suis à Québec, je ne suis pas chez moi, je suis en voyage. Je visite. Je suis un touriste. À Québec, je découche. Mon lit, il est à Montréal. Toutes mes affaires sont à Montréal. Mon chez-moi, c'est Montréal.

C'est ainsi pour tout le monde. Notre appartenance la plus forte est liée à notre ville ou à notre village. Les Parisiens sont parisiens avant d'être français. Les New-Yorkais sont new-yorkais avant d'être américains, les Rimouskois sont rimouskois avant d'être québécois. Sur mon passeport, mon lieu de naissance, c'est Montréal. C'est ma provenance précise. Mon port d'attache.

On n'habite pas un pays, c'est beaucoup trop grand. On habite une ville. Les gens que l'on croise, nos colocs, ce sont les citoyens de cette ville. C'est avec eux qu'on doit en premier lieu s'entendre. Partager les services mis à notre disposition. L'eau, la rue, l'espace. Le Trifluvien n'a pas un impact au quotidien sur ma vie, mais le gars garé en double sur Saint-Laurent et qui m'empêche d'avancer, oui. 

La réalité qui nous affecte, c'est celle de notre ville. Vous n'habitez pas la même Amérique selon que votre maison est située à Beverly Hills ou à Detroit. Ce n'est pas le même pays. 

L'air que l'on respire, l'environnement qui nous affecte, l'ordre social qui nous dérange, c'est celui de notre ville. Le printemps érable était doux à Gaspé, il était plus rock and roll à Montréal.

Ce sont les villes qui font l'Histoire avec un grand H: Athènes, Rome, Jérusalem... Ce sont elles qui rayonnent. Le 11 septembre à Plattsburgh n'aurait pas eu le même impact. Pourtant, ce sont aussi les États-Unis qui se seraient fait attaquer, mais en visant New York, on visait le coeur.

On ne quitte pas sa ville pour un pays ou une province, on quitte sa ville pour une autre ville. Un étudiant né à Val-D'Or ne vivra pas le même destin selon qu'il choisit d'aller étudier à Montréal ou à Chicoutimi. Un immigrant africain ne vivra pas dans le même Canada selon qu'il choisit d'atterrir à Toronto ou à Dorval.

La ville, c'est notre famille immédiate, nos amis de tous les jours, nos voisins, nos confrères de travail, les gens qui font partie de notre vie. Le pays, ce sont nos amis Facebook. Ils sont dans notre tête, dans notre coeur, mais ils ne sont pas dans notre face, du lundi au dimanche. 

Puisque ma ville, c'est ma vie, il est toujours étonnant de constater le peu d'intérêt que suscitent les élections municipales. En 2009, seulement 38% des Montréalais se sont prévalus de leur droit de vote. La moyenne du taux de participation pour l'ensemble des municipalités du Québec fut de 45%. Lors des dernières élections provinciales, 74,6% des Québécois sont allés voter. C'est presque 30% de plus. Bien sûr, la première ministre du Québec a beaucoup plus de pouvoirs que le maire de Montréal. Bien sûr, les villes au Québec sont des créations de la province. Ce qui nous intéresse, c'est le grand boss, pas le petit boss. On n'a pas de temps à perdre avec lui. Pourtant, l'influence du deuxième sur la qualité de notre vie est tout aussi grande. Quand une équipe sportive fonctionne mal, c'est le coach qu'on change en premier, parce que c'est son rôle qui a le plus d'impact à court terme. 

Le maire de notre ville est le coach, le PM du Québec est le directeur gérant, le PM du Canada est le président de l'équipe. Le président de l'équipe aura beau investir plein d'argent, le directeur gérant aura beau avoir le meilleur plan quinquennal qui soit, si le coach ne sait pas tirer le meilleur de ses joueurs, le club n'ira nulle part.

Si les joueurs avaient le privilège de choisir leur coach, croyez-moi, le taux de participation au vote serait de 100%. Nous avons cette chance, faudrait en profiter.

Je sais, ce n'est pas facile. Il y a beaucoup de candidats. Nous avons l'embarras du choix. À moins que ce soit l'embarras du manque de choix parmi tout ce choix? Qui est le pire des embarras. 

Le grand vent du changement n'a pas soufflé très fort. Il n'y a pas eu de coderremania, de jolymania, de côtémania ou de bergeronmania. Des petits scandales ont éclaté dans chacune des formations pour nous rappeler que la façon de faire de la politique ne changera pas en un claquement de doigts. 

Qui sera le meilleur maire ou la meilleure mairesse de Montréal, parmi nos quatre mousquetaires? C'est à vous de décider ou de passer votre tour.

Si malgré toute l'attention médiatique accordée à la scène municipale depuis la dernière année, scandales obligent, le taux de participation n'augmente pas de façon notable, ça voudra dire que les gens n'ont pas plus de respect pour la fonction que ceux qui l'occupent dans bien des cas. Disons que de Laval à Toronto, en passant par Montréal et Mascouche, le rôle de maire a sérieusement besoin de retrouver ses lettres de noblesse.

Il n'y a qu'une seule façon de le faire, c'est d'élire des gens nobles, des hommes et des femmes d'honneur. À vous de les trouver.

Bonnes élections municipales! J'espère que la majorité aura un meilleur flair, cette année. 

Il est temps que Montréal se remette à gagner.