L'été s'en va aujourd'hui, à 14h49. L'horaire du train des saisons est très précis. Il doit faire ses bagages, en ce moment. Ramasser ses ballons, ses chaises longues, ses chandelles contre les moustiques, sa crème solaire, son bikini et sa brosse à dents. Il met le cap vers l'hémisphère sud, où il est attendu à la fin décembre. Il nous reviendra dans neuf mois, encore un peu poqué par le Carnaval de Rio. Mais on ne s'en plaindra pas trop. On est toujours tellement content de le revoir!

Je ne sais pas s'il a le temps de lire La Presse avant de partir, mais je voudrais lui dire merci. Il le mérite. Ce fut, de mémoire de quinquagénaire, le plus bel été des 50 dernières années. Et on en avait besoin.

L'hiver fut ordinaire et le printemps, rock'n'roll. On s'est tapé sur la gueule pas mal fort, en vert et contre rouges. Il y avait entre nous comme un gros froid qui a soudainement fondu, et c'est beaucoup grâce à lui. À son soleil radieux. Le beau temps rend heureux. Cette température d'Éden est-elle due au réchauffement planétaire? J'espère que non. Si c'est le cas, l'espèce humaine va disparaître avec un beau grand sourire dans sa face brune.

C'est fou l'effet d'une belle journée sur notre humeur personnelle et collective.

À l'été 2011, les multiples chantiers de construction qui ceinturaient la ville de Montréal nous enrageaient. On chialait, on pestait, on était sur le gros nerf. On avait le goût d'enfoncer un cône orange sur la tête de notre pauvre maire. Cet été, il y avait autant de travaux routiers qui perturbaient la circulation, mais on a pris ça cool. On baissait la vitre. On se faisait griller le bras en chantant du Mika. Notre maire pouvait continuer à ne rien faire, ça ne nous faisait rien. Notre vie était légère comme une bière.

Le Canada a eu beau avoir des Jeux olympiques anémiques (une seule médaille d'or, en trampoline - rien pour sauter au plafond), cela n'a pas miné notre moral, aussi solide que celui de la Compagnie créole. On a ri en voyant Mr. Bean, on a chanté avec McCartney, on a applaudi Michael Phelps. Et on a dit à Despatie: y'a rien là, pour ta bombe. On t'aime, t'es notre champion quand même. Et on est allés faire un méga-splash dans la piscine à en arroser le quartier. Quand il fait beau, on est béat.

Tellement que même une campagne électorale ne nous a pas découragés. Revoir, soir après soir, la mine patibulaire de nos politiciens ne nous a pas foutu le cafard. Au contraire, cela nous a amusés. On a regardé la série de débats, la télé sur la terrasse, en mangeant notre brochette faite avec l'épée de Démoclès. On avait du fun. Même le bouillant Amir Khadir était relaxe comme un spa et laissait toute la place à sa complice, la dernière des hippies, Françoise David.

L'été 2012 fut un autre été de l'amour.

Il a fait tellement beau que même l'expectative de vivre un hiver sans hockey ne nous a pas empêchés de dormir. Vos arénas sont barrés? Ben on va aller ailleurs. Y'en a pas, de problème! Jamais le Québécois n'a été aussi accommodant, aussi roger-bontemps.

Pour nous faire descendre de notre ciel sans nuage, il a fallu un fou, la nuit du 4 septembre. Son plan et son crime nous ont glacé le dos. Et depuis, on grelotte encore un peu, malgré cet été qui s'éternise. Heureusement qu'il est là, sinon on serait gelés.

Des fois, l'été part en août, souvent à la fête du Travail. Cette année, la belle saison est restée jusqu'au bout. Jusqu'à la dernière minute. Merci, l'été, c'est très apprécié.

L'automne arrive aujourd'hui à 14h49.

Selon les météorologues, nous aurons un automne chaud, avec peu de pluie. Mais il faut dire que les mêmes météorologues nous avaient prédit un été pluvieux. Heureusement pour nous, ils se sont trompés. Espérons qu'ils ne se trompent pas tout le temps.

Une chose est sûre, le soleil se couchera tôt et se lèvera tard. Il faudra apprendre à être heureux sans lui durant de grands moments de la journée. Il faudra apprendre à vivre dans la pénombre.

C'est à chacun de nous d'éclairer les autres au lieu de s'éclairer soi-même. Quand on a une lampe de poche dans les mains, si on veut avancer, il faut éclairer le chemin, pas notre visage.

Et c'est pour ça que le soleil nous rend si heureux, parce qu'il luit pour tout le monde. Faisons comme lui.

Sortez vos parapluies colorés.

Joyeux automne, tout le monde!