Samedi dernier, ma blonde est partie dans les Cantons-de-l'Est avec ses amies, je soupe chez Leméac avec mon vieil ami de la fac de droit, Stéphane Tremblay. On jase de job, de musique, de politique, de la famille et du beau temps.

On ne parle pas de hockey. Une première pour nous deux.

D'habitude, quand on se retrouve seuls entre gars, on en profite. L'évolution de Carey Price, le contrat de Gomez, la taille de Desharnais, les frasques de PK, les lunettes d'Alain Crête, tout y passe.

Ce soir, on n'a rien à dire.

La LNH peut tomber en lock-out dans quelques heures, les fans sont en grève depuis déjà un petit bout.

Le dernier match de hockey à Montréal a eu lieu le samedi 7 avril. Il y a plus de cinq mois. Depuis, il y a eu le printemps érable, l'été merveilleux et la chute du gouvernement. Bien sûr, le Canadien a réussi, à travers tout ça, à retenir un peu l'attention. On a changé la direction, nommé un nouveau coach et embauché des joueurs de caractère. On en a parlé, beaucoup sur le coup, mais pas aussi longtemps que d'habitude.

Comme si la flamme avait faibli.

En 2011, on s'est lamenté tout l'été à propos des blessures de Markov. À l'été 2010, on s'est ouvert les veines parce que Pierre Gauthier avait échangé Halak. À l'été 2009, on est descendus dans la rue avec nos carrés bleu-blanc-rouge pour protester contre le départ de Kovalev. En 2008, c'était l'année du centenaire et, sous nos parasols, on rêvait de la Coupe Stanley.

Normalement, à Montréal, on parle du Canadien autant l'été que l'hiver. Il n'y a pas de saison morte. Le coeur du partisan bat tout le temps.

Pas cet été. En juillet et en août, on a plus parlé de Françoise David que de Michel Therrien. Le fan du CH n'est plus ce qu'il était.

Finir dans la cave a des conséquences. En mars dernier, les soirs où je ne pouvais me rendre aux matchs, j'avais de la difficulté à trouver des amis à qui passer mes billets. Ça ne s'était jamais produit en 10 ans. Le tatouage commence à pâlir.

La direction du Tricolore n'a pas choisi d'administrer un traitement-choc pour ranimer la ferveur. Si Patrick Roy avait pris en main la destinée du Canadien, oubliez Gabriel, Léo et Madonna, on n'aurait parlé que de ça, de mai à demain. Mais Geoff Molson a décidé de jouer prudent. De jouer fessier, comme on dit dans les cours d'école. En espérant que la prudence fera gagner l'équipe. Sinon, prudence risque de rimer avec indifférence...

Souvenez-vous, à l'été 2004, à quel point la menace du lock-out avait ameuté les gens. C'était pire que le réchauffement de la planète et Al-Qaïda réunis. Comment allait-on faire pour vivre sans hockey? Sans notre drogue?

Finalement, il n'y a pas eu de hockey de l'hiver. Et on a passé à travers. La commission Gomery et Hawaiienne des Trois Accords nous ont désennuyés.

C'était la première fois de l'histoire qu'un circuit professionnel annulait une saison complète. Et ce fut une bonne affaire pour les propriétaires. Ils ont obtenu ce qu'ils voulaient. Ils n'ont jamais fait autant d'argent que maintenant. Tellement qu'ils en veulent plus. Alors ils ressortent la stratégie du lock-out. C'est encore meilleur que la trappe pour obtenir la victoire. Ils sont certains que, dans 3 ou 12 mois, les amateurs vont revenir en courant et les profits en patinant.

Ils pourraient être surpris. Le lock-out de 2012 sera le troisième dans la Ligue nationale en 18 ans. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse.

Le hockey est un sport qui peine encore à s'implanter aux États-Unis. Les absents ont toujours tort. Ce n'est pas en fermant les arénas que la popularité va augmenter. Bien sûr, il y a les bons Canadiens, toujours prêts à briser leur cochon pour aller voir leur sport national. Faudrait peut-être arrêter de les écoeurer.

À part les fans de Vancouver, les Canadiens encouragent tous, avec entrain, des clubs médiocres. Ça fait 19 ans que le CH n'a pas gagné la Coupe. Ça fait 45 ans que les Leafs n'ont pas goûté au champagne. Un jour, même les masos se tannent.

Il ne faut jamais présumer de l'amour que les autres ont pour nous. Aussi grand soit-il. Comme tout en ce bas monde, il peut disparaître.

En déclarant un lock-out, les propriétaires sont convaincus qu'ils ne perdront pas leurs clients. Que leurs clients seront là, à la date qu'ils voudront, pour remplir leurs coffres.

Peut-être bien... Mais peut-être aussi qu'il y en aura moins.

Il n'y a pas que le hockey, dans la vie. C'est un joueur de hockey qui l'a dit, le grand Stéphane Richer, au faîte de sa gloire.

Ça avait scandalisé les fans.

Ça les scandaliserait bien moins aujourd'hui.

Bon, c'est pas tout, faut que j'appelle mon chum Tremblay pour lui demander s'il a envie d'aller au Centre Bell, voir... Leonard Cohen.

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