Des promesses, des promesses. En voulez-vous, des promesses?

Après seulement 10 jours de campagne, Jean Charest a déjà promis des soins dentaires gratuits pour les ados, d'envoyer un chèque de 100$ aux parents de chaque enfant qui fréquente une école primaire publique, de créer 250 000 emplois, d'instituer un crédit d'impôt pour le Plan Nord, un crédit d'impôt pour la rénovation verte et de rétablir la paix et l'ordre.

Pauline Marois a promis un fonds stratégique d'investissement de 10 milliards, de rapatrier l'assurance-emploi, d'organiser un moratoire sur le gaz de schiste, de faire le ménage dans l'industrie de la construction et de faire l'indépendance un jour, mais surtout pas tout de suite.

François Legault a promis de garder les enfants à l'école jusqu'à 17h, de créer un Fonds de développement des ressources naturelles de 5 milliards de dollars, de désigner un médecin de famille à chaque Québécois, de réduire le temps d'attente aux urgences, de ramener la dette québécoise au niveau de la moyenne canadienne et de baisser les impôts.

Amenez-en, des promesses! On en a plein! Et ça ne coûte rien. Surtout quand on ne les tient pas. Jean Chrétien s'est fait élire premier ministre du Canada en promettant d'abolir la TPS. Il ne l'a jamais fait. Ça ne nous a pas empêchés de le réélire deux fois. L'électeur n'a pas de mémoire. On peut lui promettre la lune, sans jamais la lui donner. L'électeur ne sait pas se faire respecter.

Un seul groupe de personnes sur la planète parvient à faire en sorte que toutes les choses qu'on lui promet soient réalisées: ce sont les enfants.

Si vous faites des promesses à votre conjointe, supposons de revenir plus tôt du bureau, de vider le lave-vaisselle, ou d'aller au théâtre plus souvent, vous allez les réaliser... durant quelques jours. Et puis, votre naturel va revenir au galop. Vous allez redevenir un workaholic malpropre et inculte. Votre conjointe haussera les épaules et vous endurera comme vous êtes durant des mois. Jusqu'à la prochaine grosse chicane. Et le cercle vicieux se revissera.

Si vous vous faites des promesses à vous-même - arrêter de fumer, arrêter de boire, perdre du poids -, vous allez les tenir un peu, puis vous allez vous remettre à tenir une cigarette, un verre ou un Big Mac. On ne change pas. Votre conscience ne vous en tiendra pas rigueur. La conscience est toujours bien compréhensive envers celui qui la possède.

Mais si vous faites une promesse à votre enfant, vous êtes aussi bien de la tenir! Et vite! Parce que sinon, vous allez le savoir! L'enfant a de la mémoire.

Admettons que pour encourager votre môme à avoir de bonnes notes, vous lui avez promis de l'amener à La Ronde, durant les vacances. Au matin de la première journée de congé, il va vous réveiller en disant: «Est-ce qu'on va à La Ronde?» Vous allez lui répondre: «Pas tout de suite, les vacances font juste commencer. Aujourd'hui, il y a un beau camp de jour à la bibliothèque...» Il va se mettre à pleurer et à gémir: «Tu me l'avais promiiiiiiis! Bouhouhouhou!» Vous allez essayer de l'ignorer. Il va crier plus fort. Tous les quarts d'heure, il va vous le rappeler, le regard accusateur, le ton glacial: «Tu m'avais promis de m'amener à La Ronde.» Il va vous faire sentir comme Juda trahissant Jésus. Avant la fin de la journée, vous serez en train de vomir dans le Goliath, votre enfant, une barbe à papa dans les mains, à côté de vous.

Une promesse faite à un enfant se transforme toujours en réalité. Même Jean Chrétien, quand il promettait à ses rejetons un cornet de crème glacée, leur donnait un cornet de crème glacée. Pas dans quatre ans, right now, comme on dit à Ottawa.

Si on veut que le chef que nous élirons respecte ses promesses, il faut donc adopter l'attitude des enfants. La pression psychologique. La réclamation systématique. L'impatience radicale.

Admettons que François Legault soit élu le 4 septembre. Dès le jour de la prestation de serment, il faut qu'Anne-Marie Dussault lui demande:

«Avez-vous baissé les impôts, M. Legault?

Ben non, pas encore, je viens à peine d'être assermenté...

Allez-vous le faire demain?

Ben non, parce qu'avant de baisser les impôts, il faut vérifier les finances de l'État...

Vous nous l'avez promiiiiiiisssss! Bouhouhouhou!»

Si tous les Québécois que croise le PM, durant une journée, lui rappelle sa promesse et pète une coche devant sa réponse fuyante, le politicien, pour éviter la dépression, sera forcé de la réaliser.

En vieillissant, on oublie à quel point la parole est sacrée. Qu'elle doit être respectée. On ramollit de partout. Surtout de la fierté.

On ne badine pas avec les enfants. Heureusement pour les politiciens, les enfants n'ont pas le droit de voter. Sinon, ils seraient dans le pétrin. Un politicien qui promettrait une console Wii dans toutes les garderies aurait intérêt à les faire poser la nuit suivant son élection.

J'invite donc tous les Québécois à retrouver la pugnacité de leur enfance. À prendre des notes durant la campagne et à exiger des comptes à ceux qui prendront le pouvoir.

Le printemps québécois a prouvé qu'il est difficile de faire faire au gouvernement ce qu'il ne veut pas faire, mais il faudrait au moins être en mesure de lui faire faire ce qu'il a dit qu'il ferait.