Mardi soir, les champions de la Coupe Stanley sont en ville. Le compte est égal 1 à 1. La période de prolongation débute à l'instant. Ma blonde et moi sommes assis au bout de nos sièges. L'homme d'affaires anglophone qui a sa place juste à côté des nôtres, aussi. Le match est vraiment excitant. Car notre voisin des rouges n'a pas l'habitude de s'exciter. Au fait, il ressemble beaucoup à Stephen Harper, mais ce n'est pas lui, Harper prend pour Toronto.

Durant un avantage numérique, l'attaquant du Canadien, Andrei Kostitsyn va chercher la rondelle dans le coin à la gauche du gardien des Blackhawks, puis il exécute une passe en diagonale vers son coéquipier, P.K. Subban qui l'attend, le bâton dans les airs, prêt à dégainer. Il lance et compte! Les Glorieux ont gagné.

La foule se lève d'un bond pendant que P.K. commence les célébrations. Il se dirige vers son copain Carey Price. Met un genou sur la glace, tout en continuant de glisser, flatte la patinoire de son gant droit puis pointe le gardien du Tricolore. C'est alors qu'il se relève, patine à toute vitesse vers Price, saute dans les airs pour entrer en contact avec le gant du gardien et se propulse à terre, avant de finalement se relever et de se tourner vers Wisniewski. C'est le délire au Centre Bell!

Dans un élan de joie, le sosie de Stephen Harper prend ma blonde dans ses bras et la serre comme si c'était sa soeur. Je dirais même comme si c'était sa secrétaire. Marie-Pier lui sourit, tout en se défaisant de son étreinte. Puis notre heureux partisan me fait, comme on dit dans sa langue, un high five. Tope là, my friend!

En 10 ans de voisinage dans l'enceinte sacrée, c'est la première fois que je le vois dans cet état. Cet être au profil conservateur a soudain l'air d'un membre du Bloc pot. C'est l'effet P.K.!

P.K. est en train de nous déniaiser.

La scène sportive montréalaise a toujours été assez tranquille. Nos joueurs de hockey ont plus tendance à lâcher leur fou dans les salons V.I.P. des bars à la mode, plutôt que sur la patinoire. Nos grandes idoles avaient le caractère introverti de nos pères. Maurice Richard, homme de peu de mots. Jean Béliveau, incarnation de la classe et de la distinction. Guy Lafleur, flamboyant, mais timide. Même Patrick Roy à l'ego bouillant, savait entre un clin d'oeil et deux bras dans les airs, se garder une petite gêne. Pas P.K.

P.K. a fait son entrée dans le gros club en pleine fièvre des séries, l'année dernière. Et tout de suite, il a décroché un premier rôle. Durant ces matchs épiques, il était souvent le défenseur le plus utilisé de l'équipe. Pas de figuration durant trois ans avant de devenir une superstar. P.K. est de la génération des vedettes instantanées. Et il assure. Au début de la saison, on a tenté de le casser en le laissant dans les gradins. P.K. prenait trop de place. Il tapait sur les nerfs des vétérans et faisait trop d'erreurs. Subban a rongé son frein. Et il est revenu, un peu secoué. On a eu peur que ça l'éteigne. Mais sa flamme est trop ardente. Encore plus que celle de la Samantha du même nom. Cela a pris quelques parties, mais P.K. est redevenu P.K. Il en fait beaucoup. Parfois, trop. Mais il sera toujours plus passionnant à regarder jouer que ceux qui n'en font pas assez.

La plus belle victoire de la saison, ce n'est pas la victoire du Canadien. C'est la victoire de l'exubérance. Ça fait du bien, dans cette société, qui tend à tout uniformiser, d'avoir des personnages qui se permettent de parler fort, de faire des grands gestes, de prendre de la place, de vivre haut et en entier.

Grâce à P.K., mardi soir, les gens au Centre Bell, et ceux devant leur télé, avaient le goût d'être un petit peu moins coincés. De s'exprimer sans cette foutue peur de déranger. De déployer ses ailes au complet pour voler enfin aussi haut que notre coeur le veut bien.

C'est sûr que le beau P.K. tombe sur les nerfs des jaloux et des sévères. Mais à eux aussi, le 76 fait du bien. Car en exprimant leur frustration à son égard, ils sortent de leur indifférence, ils en mettent un peu plus, parce que ça vient les chercher loin. Au moins, ça fera ça de méchant qui sera enfin sorti.

On ne sait pas du tout si les séries du CH cette année seront une fête réussie ou un enterrement vite fait. Mais une chose est sûre, pendant que nos chefs coincés vont continuer à faire attention de ne pas dire ce qu'il ne faut pas dire tout en disant ce qu'il faut dire, ça va faire du bien de voir foncer P.K., gueuler P.K., danser P.K..

Au nom du petit francophone réservé que je suis, au nom de mon flegmatique voisin de hockey anglo, merci de nous donner la chance d'être exubérants. De temps en temps. Ça fait juste du bien, comme le printemps.

P.K., tu es un printemps.

P.K., you are a spring.