Avez-vous déjà donné des sous à un parti politique? Moi, non. J'ai déjà donné à la Saint-Vincent de Paul, à Leucan, à l'hôpital Sainte-Justine, à l'hôpital du Sacré-Coeur, à la SPCA, aux dominicains, aux squeegees, mais je n'ai jamais donné au PQ, au PLQ, au PC, au NPD ou à Projet-Union-Vision Montréal. Les partis politiques ne m'émeuvent pas. Un enfant qui raconte sa lutte contre le cancer, ça vient me chercher. Stephen Harper qui baragouine son plan économique, ça me repousse.

La plupart des gens sont comme moi. Ils donneraient des sous à Vincent Lacroix avant d'en donner aux politiciens. Et tout le problème est là. C'est le financement populaire qui est censé permettre aux partis politiques d'exister. Ce sont des petits dons de dix piastres, vingt piastres, cent piastres qui sont censés remplir leurs coffres. Ben oui! S'ils comptaient vraiment que sur ça, il n'y aurait pas grand blé d'Inde à leurs épluchettes.

Imaginez si les partis politiques ne recevaient rien des entreprises et des lobbys, imaginez s'ils devaient ne vraiment compter que sur l'argent des quidams. Ils devraient alors faire ce que font les organismes qui ne comptent que sur la générosité de monsieur et madame Tout-le-monde. Faire comme l'équipe de ringuette de Chambly ou les scouts de Mascouche. On verrait Jean Charest sonner aux portes pour vendre le calendrier des députés libéraux en bedaine. À Pâques, Gérald Tremblay tenterait de nous faire acheter ses nids-de-poule en chocolat. Pauline Marois organiserait des ventes-débarras dans toutes ses diverses demeures. Mais les politiciens n'en sont pas là. Car ils ont des amis qui s'occupent de faire entrer l'argent.

Qui donne aux partis politiques, si ce n'est pas nous? Ceux qui ont une raison de le faire. La nature humaine est ainsi faite. L'Homme ne donne presque jamais pour donner. L'Homme donne pour recevoir plus tard. Une ville, une province ou un pays, ce n'est qu'un grand immeuble, où les gens de pouvoir se renvoient l'ascenseur, pendant que le peuple emprunte l'escalier.

Je te donne tant, et si tu es élu, tu penseras à moi. Je t'offre ce contrat, mais lors des élections, j'attends ta contribution. De toute façon, les routes, il faut bien payer quelqu'un pour les aphalter, aussi bien que ce soit quelqu'un qui remplit à la fois le trou dans la rue et la caisse du parti. Tout le monde est content. L'entrepreneur a son gros contrat. Le parti a des sous. Le citoyen roule sur du bel asphalte neuf. Et un citoyen qui roule sur du bel asphalte neuf est un citoyen heureux. Que des gens aient ramassé des petits 3% au passage, pour en arriver là, qu'est-ce que ça change à sa vie?

Nous sommes tous des Gérald Tremblay: on ne le sait pas vraiment, on s'en doute mais on ne veut pas le savoir. Des naïfs par choix. Des innocents au courant.

Aucun politicien ne prend le pouvoir sans prendre l'ascenseur. Même saint Obama a eu besoin de plusieurs millions de dollars pour se rendre à l'étage du bureau Ovale. Et ce, même si toutes les filles qui le trouvent beau lui ont envoyé 20 piastres, ce n'était pas assez pour devenir président des États-Unis. Il a fallut d'autres contributions moins romantiques. Tous ces donateurs étaient-ils dénués d'intérêts? Sûrement pas. Son ascension doit-elle être aussi celle de ceux qui l'ont aidé à monter? Sûrement.

Politiciens et entrepreneurs se grattent le dos depuis toujours, sans que ça nous démange vraiment. On est désabusé. J'avais 12 ans quand j'ai vu le film Réjeanne Padovani de Denys Arcand. J'ai découvert le côté croche de la politique. Ça m'a révolté. Puis je m'en suis remis. Avant les politiciens étaient mes héros. Depuis, je sais que les héros n'existent pas. Le Watergate, l'Irangate, le scandale des commandites... On dirait qu'il suffit de fouiller pour trouver. La corruption est partout. Autant dans une association de pétanque qu'au Vatican.

La corruption est comme la poussière. C'est la saleté qui vient avec l'action. De temps en temps, il faut faire le ménage. On sait en enlevant la poussière qu'elle va revenir. Que tout sera à recommencer. Mais il faut l'enlever quand même. Parce que la crasse finit par tout enrayer. Par tout paralyser.

Définition de l'anarchie: état de désordre dans lequel se trouve une collectivité ou un État, par suite de la carence ou de la faiblesse du pouvoir politique. C'est Léo Ferré qui serait fier de Montréal en ce moment. Le festival de l'Anarchie ne cesse d'ajouter des supplémentaires.

Il est temps de casser le party. Et de tout nettoyer. Pour retrouver au moins durant quelques instants, cette formidable sensation qui nous envahit lorsqu'on réalise enfin que ça sent bon dans la maison.