Au cas où vous auriez passé les dernières semaines sur une autre planète, je vous annonce que le Jedi du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, deviendra le septième touriste de la station spatiale. Ça lui coûtera quelques brassées de poker, un all in d'au moins 30 millions.

Mais ce n'est pas de l'argent jeté dans le vide, oh que non! La mission de Guy Laliberté sera sociale et poétique. Sociale, car il profitera de son séjour dans l'espace pour faire la promotion de sa fondation One Drop, vouée à la conservation de l'eau et à l'accès à l'eau potable. Poétique car, durant ses orbites, Guy Laliberté récitera un poème de Claude Péloquin.

Poème qui n'est pas encore terminé, mais dont je vous fais lire, en primeur, un extrait:

Ah! que la Terre a enterré!

Mon hublot n'est qu'un jardin d'étoiles séchées

Ah! que la Terre a enterré!

Qu'est-ce que la soif de vivre

À tout le cash que j'ai, que j'ai...

C'est beau, mais c'est quandmême étonnant que Guy Laliberté ait décidé de réciter un poème, le Cirque du soleil n'étant pas reconnu pour sa poésie des mots mais des gestes. À part Alegría qui rime avec Alegría, ses créations sollicitent beaucoup plus les articulations que l'articulation.

Laliberté pourrait se contorsionner dans l'espace. Faire entrer tout son corps dans son casque de cosmonaute. C'est sûr que jongler en apesanteur n'est pas très impressionnant. Même Flagosse aurait pu le faire. Ce qui serait magique, ce serait plutôt qu'il échappe ses balles au sol. Guy Laliberté aurait pu créer le Cirque de la Lune. Faire une marche dans l'espace en échasses. Faire du trapèze avec le bras canadien. Allumer le réacteur en crachant du feu. Faire entrer tous les membres de l'équipage dans un sac Ziploc. Faire disparaître la planète. Le spectacle se serait appelé R au lieu de O. Et pour la grande finale, le Satellipopette milliardaire aurait descendu le long d'un foulard jusqu'à la Terre.

Réciter un poème, me semble que c'est un peu court. Vaut mieux envoyer Pierre Lebeau ou Fabrice Luchini dans les cieux. De belles voix placées, habituées à réciter les grands auteurs. Tout d'un coup que notre Spock de Baie-Saint-Paul a le mal de l'espace et que, en plein milieu de son poème, il nous fait le coup de l'animatrice de Call TV sur YouTube, son filet mignon en poudre remontant à la surface, ce ne serait pas chic.

Lui qui nous a habitués à tant de fantaisies, à nous en mettre plein les yeux, à quoi s'attend-il après sa récitation cosmique? À une ovation de Martiens?

Ce qui a fait la grandeur de Guy Laliberté, ce n'est pas qu'il s'émerveille lui-même, c'est qu'il émerveille les autres. Tant qu'à sortir du cash, pourquoi ne paye-t-il pas le trip à 10 spectateurs, choisis au hasard durant les spectacles présentés par le Cirque du Soleil dans le monde? Un Arabe, un Américain, un Québécois...

Ça, c'est de l'humanitaire. Car la seule chance qu'a un quidam d'aller dans l'espace, c'est de s'acheter une Ford Espace. Avec ses copains, Guy Laliberté pourrait donner la première fête dans la station spatiale. Mission extrêmement utile. Tout le monde sait que les prochains voyages intergalactiques dureront des dizaines d'années. Les scientifiques de la NASA craignent que le plus grand danger qui menace les astronautes soit tout bêtement l'ennui. Trente ans enfermé dans un habitacle, ça déprime son Major Tom. Et comme tu passes tes journées à regarder le vide, un jour ou l'autre, tu risques de finir par t'y lancer.

Que l'astronaute Guy Laliberté aille tout simplement nous montrer qu'il est possible d'avoir du fun dans l'espace. Une mission socialement ludique. Danser, chanter, manger, boire et faire l'amour. Bref, être un humain. Ce serait un petit trip pour Laliberté, un bond de géant pour l'humanité.

Après son poème, qu'il sorte son album de la Compagnie créole, pis au diable les combinaisons! Pas besoin de Viagra, l'apesanteur fait tout lever!

Cela dit, ce ne sont que des suggestions, le capitaine Patenaude du Cirque du Soleil peut bien faire ce qu'il veut sur la Terre comme dans les airs, c'est son argent. Je ne comprends pas les gens qui lui reprochent cette aventure. Chacun sa vie. Moi, ma blonde ne me comprenait pas quand je voulais aller à Boston pour le cinquième match de la série entre le Canadien et les Bruins. Elle disait qu'on pouvait dépenser cet argent pour des causes plus nobles, comme l'aménagement de la terrasse. Ma folie, c'était Boston. Guy, c'est l'espace. Chacun ses moyens, aussi.

Au moins, y avait juste ma blonde pour me critiquer. En ce moment, c'est comme si Laliberté avait des millions de blondes qui remettaient en question son choix. Pauvre homme (façon de parler, bien sûr)!

Au nom de tous les gars soumis, lâche pas, mon Guy, va au bout de tes rêves de petit garçon. En passant, le Canadien s'étant fait éliminer en quatre parties, je ne suis pas allé à Boston. Et nous sommes en train d'aménager la terrasse. Si jamais tu passes au-dessus durant ton vol, fais-moi un tata.