Du changement! Du changement! C'est ce qu'on nous a promis depuis deux mois. Et nous, qu'est-ce qu'on a fait? On a réélu un gouvernement conservateur minoritaire. Allô changement! Ils ne comprennent pas, les chefs. On haït ça, le changement.

Stéphane Dion qui promettait un tournant vert... Ben voyons, on ne veut pas tourner vert, on veut rester au même endroit, brun.

 

Jack Layton qui voulait transformer l'économie... Un socialiste!!! Non merci!

Gilles Duceppe qui voulait plus de pouvoirs pour le Québec... Pour qui? Pour Pauline? On est ben de même!

Stephen Harper qui voulait un gouvernent majoritaire pour entreprendre des réformes. Are you crazy, phoque? Ça allait bien. On ne change rien.

Les électeurs sont comme un mari. Quand sa femme arrive avec une nouvelle coupe de cheveux et qu'elle lui demande s'il aime ça, qu'est-ce qu'il répond, le mari? Il répond: Non! Il aimait mieux ses cheveux comme ils étaient avant. Pourquoi changer? Pour aller voir ailleurs? Un pays ne doit pas changer de coupe de cheveux tous les quatre ans. Encore moins tous les deux ans.

On a assez de changements, dans la vie, pas besoin d'en ajouter.

Notre corps change tout le temps. On naît, on pèse une couple de livres, on n'a pas de cheveux pis on crie. Qu'est-ce qui arrive? On ne reste pas comme ça. On se transforme. Continuellement. On grossit, on grandit. Le poil nous pousse. On apprend à se taire. Les boutons, les poches, les rides, la peau qui pend, le nez qui allonge tout le temps.

Tout ça pour finir comment?

On meurt, on pèse une couple de livres, on n'a pas de cheveux pis on crie.

On peut bien haïr le changement. Le temps ne fait que ça, nous changer. Et nous, on ne fait que ça, vouloir l'arrêter.

Socialement aussi, on change constamment. On commence bébé. On n'a rien à faire. On nous fait manger. On nous habille. On nous déplace. Puis, enfant, on est nourri, logé et chauffé, mais il faut aider, faire sa part, faire son lit, aller à l'école. Ado, on change tellement qu'on a l'impression d'être Hulk. On essaie plein de produits et on vit avec les conséquences.

Même adulte, tout n'est plus aussi stable qu'avant. Avant, une job, une femme, tout était réglé pour 50 ans. Enfin de la constance! Maintenant, on additionne les jobs pour payer les pensions qu'on additionne. On change tout aux trois ans: la partenaire, la job, le char, le téléphone, la télé...

C'est assez! Promettez-nous le statu quo. Le talent de l'homme, c'est de pouvoir s'habituer à tout. Laissez-nous nous habituer. On s'habitue même aux hôpitaux malades, aux écoles ignorantes, aux routes trouées. On veut juste que ça n'empire pas. Parce que chaque fois que les politiciens changent quelque chose, c'est toujours pour le pire. Alors on ne bouge pas. Tout est revenu comme en 2006? Parfait, on barre ça là! Le premier ministre, c'est le chauffeur de l'autobus du peuple. On veut l'entendre dire: «Avancez en arrière!»

Vous me direz que, aux États, Obama ne fait que ça, parler de changement. Change! Change! Change! Écoutez-le comme il faut. Son changement, ce n'est pas vraiment du changement, c'est revenir comme c'était avant. L'American Dream. Le monde meilleur. La chance à tous. Ce n'est pas nouveau. C'est le même discours que Lincoln et Kennedy. Parce que les gens veulent seulement changer pour quelque chose qu'ils connaissent déjà. Si Obama promettait du nouveau, de l'inconnu, il serait aussi populaire qu'un courtier de Wall Street.

Je me répète, et c'est bien, car la répétition, c'est réconfortant. Le monde haït le changement. On veut pouvoir s'accrocher à quelque chose qui ne bouge pas. On veut se fixer dans l'histoire. Figer ce trop court instant où l'on s'est senti bien, le soir du premier baiser ou de sa première Coupe Stanley, et que ça dure pour l'éternité.

Notre planète, notre fameuse planète, que tout le monde aime tant, est-ce qu'elle avance, notre planète? Non. Elle tourne en rond. Elle tourne sur elle-même. Et on tourne avec elle. Printemps, été, automne, hiver. Printemps, été, automne, hiver. Quatre saisons, continuellement. Il n'y a jamais eu de cinquième saison. Il n'y en aura jamais. Ça fait 100 millions d'années qu'on regarde quatre saisons. C'est long! Surtout en ce moment! Mais on aime ça. Et chaque premier flocon de neige en novembre, c'est comme si c'était le premier flocon. Et chaque première fleur dans le jardin en avril, c'est comme si c'était la première fleur. On est content. C'est rassurant. On est comme un enfant qui regarde Le Roi Lion pour la 200e fois. Il pleure encore quand Mufasa meurt. Il est heureux quand Simba triomphe des méchants. Le visionnement terminé, il pèse sur Play pour recommencer.

Nous aussi. Il faut que le film soit plate en maudit pour qu'on n'ait pas envie de peser sur Play. Le scandale des commandites, on ne voulait pas le revoir, alors on a changé les rouges pour les bleus. Le scandale Julie Couillard, c'est plus plaisant à regarder, alors les bleus sont restés. Mais pas trop forts.

Un parti qui veut rester longtemps au pouvoir n'a qu'une seule règle à suivre: ne rien changer. Ne rien déplacer. En faire le moins possible. Charest semble l'avoir compris.