Pendant que j'apprenais le métier de journaliste sportif sur le tas, on nous disait toujours que les pages de statistiques étaient très importantes, qu'il fallait les soigner, qu'elles devaient être impeccables. On nous disait aussi que les pages de statistiques étaient plus lues que nos articles, ce qui était probablement vrai.

Il y avait les pages de statistiques et les mots croisés, tout aussi sacrés. S'il y avait des erreurs, les téléphonistes étaient submergées d'appels.

Pendant mes années de jeunesse, j'allais voir chaque matin qui menait le classement de la LNH, les compteurs, les gardiens de but... L'été, c'était les points produits, les buts volés, les circuits, la moyenne au bâton...

Je me souviens d'une conversation avec Bobby Smith, un monsieur intéressant avec qui j'aimais bien bavarder pendant les voyages du Canadien en avion et en autobus. Il était déjà un vétéran quand il est arrivé à Montréal, mais il lisait toujours, chaque matin, les pages de statistiques, comme quand il était petit. Il m'avait dit que la première fois où il y avait vu son nom, ça lui avait fait tout drôle.

J'ai arrêté de lire les statistiques de hockey un jour, mais je m'y suis remis hier, peut-être à cause de la pluie et de la grisaille de novembre. J'ai regardé la liste des pointeurs, mais il y avait quelque chose de bizarre: il n'y avait plus de caractères gras.

Nos joueurs n'étaient plus là. Pas de Lafleur, de Shutt, de Lemaire, de Larouche ou de Pete Mahovlich, même pas de Damphousse ou de Richer... Pas de défenseurs non plus, pas de Robinson ou de Guy Lapointe... Chez les gardiens de but, le nôtre était loin, loin dans le classement.

Il y avait des Lupul, des Vanek et des Versteeg, des noms bizarres que je ne connaissais pas. Même les noms des Québécois, Claude Giroux et Jason Pomminville, n'étaient pas en caractères gras.

À une époque, il y avait trois Stastny de suite et Michel Goulet. Ils n'étaient pas vraiment nos joueurs, mais pas loin.

Maintenant, plus rien. Il faut aller chercher dans l'autre colonne, celle du CH, où il faut bien qu'il y ait des meneurs. Mais il n'y a toujours pas de caractères gras. Personne ne le mérite.

Je me suis dit que le CH avait un département de marketing génial pour que ses partisans soient aussi excités.

Dans le beurre

Parlant de marketing, vous avez été quelques-uns à vouloir aider la Ligue Midget AAA à renommer ses joueurs «lait» de la semaine.

Deux d'entre vous proposent «la Voie lactée», ce qui ferait le bonheur des commanditaires producteurs de lait et récompenserait les étoiles de la semaine.

D'autres parlent de «la crème», ou de «la crème de la crème».

Mais tous sont d'accord avec Michel Ferland, qui croit qu'avec les joueurs «lait» de la semaine, la Ligue Midget AAA passe dans le beurre.

Dans ces cas-là, je me demande toujours combien a été payée l'agence de marketing qui a produit le joueur «lait» de la semaine et si je ne suis pas dans le mauvais domaine.

Vassili Alexeiev

C'était au temps où Montréal s'ouvrait sur le monde, au merveilleux temps où Montréal se déniaisait.

Aux Jeux olympiques de 1976, Nadia Comaneci nous avait tous séduits, mais le public s'était aussi entiché de Vassili Alexeiev, l'haltérophile poids lourd soviétique dont on disait qu'il était l'homme le plus fort du monde. Mais on l'aimait pour son look aussi, celui d'un gros nounours russe.

Les Soviétiques étaient très mystérieux et austères à l'époque, mais on sentait que ce gros-là, dans d'autres circonstances, nous aurait fait un clin d'oeil et nous aurait souri.

Il s'approchait lentement de la barre, comme un pachyderme, et on se levait de notre siège.

Dans un reportage que les autorités soviétiques avaient autorisé, nous avions découvert qu'il avait une petite femme qui le taquinait et qu'il aimait par-dessus tout, dans ses temps libres, s'occuper de ses rosiers.

Vassili Alexeiev est décédé en Allemagne vendredi dernier, à 69 ans. Il m'avait marqué autant que Nadia.

La fois où...

Dans la rubrique «La fois où j'ai eu l'air le plus fou», la bagarre entre Joe Kapp et Angelo Mosca, deux messieurs de 70 ans et plus, lors de la semaine de la Coupe Grey a été présentée et commentée au Monday Night Football. Avoir l'air fou devant des millions de téléspectateurs, sans compter les performances sur YouTube...

Si vous l'avez raté, ils se disputaient à propos d'un match qui a eu lieu il y a une quarantaine d'années.

J'ai bien aimé le commentaire de Mike Ditka, qui n'en revenait pas: «On ne devrait pas chercher la bagarre quand on marche avec une canne...»

Photo: Pierre Côté, archives La Presse

Vassili Alexeiev avait séduit la planète à l'occasion des Jeux olympiques de Montréal en 1976.