Il était 16h hier au centre de réadaptation Lucie-Bruneau du quartier Rosemont. Mon héros venait de terminer sa sieste et il ouvrait lentement les yeux.

Je lui ai raconté une de ses frasques qui m'avait fait beaucoup rire dans une autre vie au centre Paul-Sauvé. Maurice Vachon, du fond de son lit, s'est mis à sourire et à parler... «Connais-tu l'histoire des deux lutteurs de 90 ans?»

Pendant que son soigneur personnel, Gary, un costaud, le prend dans ses bras et l'assoit dans son fauteuil roulant, le grand Mad Dog parle et parle...

J'ai essayé d'entendre toutes les entrevues qu'il a accordées depuis trois jours et depuis toujours, je lis tous les articles qui le concernent... mais il me sort de nouvelles histoires.

«Sais-tu ce que mon frère Arthur a fait? Il a fondé le syndicat des agents de la Police provinciale (aujourd'hui SQ). Il était traité de communiste et menacé. Le gouvernement a envoyé des soldats de l'armée canadienne pour les intimider. Mais Arthur n'a pas reculé. Aujourd'hui, il y a une plaque en son nom au local du syndicat.»

Gary installe sa prothèse lentement tandis que le cinéaste Yves Thériault, qui a tourné un documentaire sur Mad Dog, prépare son tuxedo, sa chemise et son noeud papillon...

Mon héros continue de raconter... «Matante Alice... Quand la police de Montréal a embauché les premières policières, elle était dans le groupe. Un jour, elle m'a dit que c'était donc terrible, la volée qu'un gars avait mangée dans le centre-ville la veille. C'était moi qui avait planté le gars...»

Après les Jeux olympiques de Londres et les Jeux du Commonwealth, où il a remporté une médaille d'or, Maurice Vachon, fils de sergent-détective et deuxième d'une famille de 13 enfants, gagnait sa vie comme videur de boîte de nuit.

«Je travaillais au Beaver, sur Bleury, et le gars était un client tannant. Je remplaçais Guy Larose, qui était devenu le lutteur Hans Schmidt. Il y a une manière de sortir un gars. Jamais la tête en avant parce qu'il peut s'accrocher à tout avec ses mains. Il faut qu'il sorte de dos, c'est plus dur pour lui.

«Un jour, Fernand Payette, un homme fort et lutteur, m'a dit que comme personne ne pouvait me battre aux poings, il y en a un qui allait me descendre un jour. Il m'a recommandé de changer de métier et de faire de la lutte professionnelle.»

Maurice Vachon avait 21 ans.

L'enfance à Ville-Émard

Les Vachon vivaient rue Jogue à Ville-Émard, la même qui a vu naître et grandir Mario Lemieux. Mad Dog se souvient du nom de ses voisins... Pas mal pour un homme de 80 ans.

«On n'avait pas de téléphone. Le laitier venait livrer, le boulanger aussi. Quand mon père a obtenu son poste de policier, ma mère disait que c'était un cadeau du ciel. Mon père avait été débardeur. À 90 ans, il faisait 10 push-ups d'un seul bras. Il aimait nous épater avec ses tours de force.

«J'ai eu une enfance heureuse, très heureuse. On a eu tellement de plaisir. On jouait dans le bois des fous, c'était le jardin d'un hôpital psychiatrique. Un jour, au parc Angrignon, mon frère et moi avons vu un monsieur assis sous un arbre. Il regardait dans l'arbre sans bouger. On lui criait: «Qu'est-ce que tu fais là, vieux fou?» On s'est approchés, il était mort. Il s'était suicidé. On s'est enfui en courant. Je devais avoir 12 ans.

«On ramassait des bouteilles vides et des canettes parce que tout était récupéré en temps de guerre. Avec l'argent, on allait s'acheter des cornets à trois boules...»

Mad Dog, mon héros diminué, reprend son souffle pendant que les anges de Lucie-Bruneau le taquinent. «Vous êtes beau en tuxedo, M. Vachon. Passez une belle soirée, ne dansez pas trop...»

Il rit de bon coeur.

Mad Dog parle du «bonhomme» DiLallo, des fameux hamburgers du Sud-Ouest, qui le détestait parce qu'il battait l'homme fort italien du coin, Tony Angelo, qui était aussi sauveteur à la piscine de Verdun...

Mon calepin est rempli de nombreuses autres anecdotes, mais il faudrait une page entière de ce journal pour toutes vous les raconter. Vous pouvez en savoir plus en visionnant le documentaire d'Yves Thériault, gratuitement, sur Illico (Vidéotron). Ou bien regarder le film le 10 décembre prochain à TVA.

Mad Dog devait partir pour le Casino où il était intronisé hier soir au Panthéon des sports du Québec avec Mélanie Turgeon, Marc Tardif et Nicholas Fontaine. Il a fallu une petite éternité pour l'installer dans la camionnette...

À ce héros qui avait fait le bonheur de mon fils de 3 ans en le prenant dans ses bras et en rigolant avec lui, je dis salut. Je ne crois pas qu'on va se revoir.

Love Story

Alors, Marc Robitaille, cette peine d'amour est-elle terminée? Robitaille, le brillant auteur et scénariste, réfléchit longuement avant de répondre... «En tout cas, je trouve ça plate de voir l'hégémonie du Canadien à Montréal. On est comme un one trick poney. Les Expos nous permettaient de respirer.»

Robitaille et Jacques Doucet, la voix d'or, ont lancé hier le premier tome de leur histoire des Expos, Il était une fois les Expos (1969-1984), aux Éditions Hurtubise.

Je n'ai pas eu le temps de lire les 600 pages hier, mais je peux vous dire que si deux hommes devaient écrire cette histoire, Marc Robitaille et Jacques Doucet étaient tout désignés.

Et je dirais que leur peine d'amour n'est pas encore terminée.