On vous dit que c'est par là et vous marchez par là... Le truc consiste à lever la tête et regarder dans le ciel. Et vous finissez par voir les réflecteurs de loin. Vous approchez encore et vous entendez la voix de l'annonceur-maison, puis le bruit d'une foule. Le premier but, the first baseman...

Le baseball professionnel, vous vous souvenez?

J'avoue que j'étais un peu ému en mettant les pieds au vieux stade de baseball de Québec, un petit stade parfait, où il n'y a pas un mauvais siège. Du gazon naturel, des vieux bancs de bois, comme de longs bancs d'église et qui datent de l'ouverture du stade en 1930. J'ai pensé à Field of Dreams, au Wrigley Field... Derrière la clôture du champ droit, un jeune homme accroche les 1 et les 0 après chaque manche. Autour de lui, les arbres centenaires du parc municipal de Québec accueillent les coups de circuit.

Dans les années 70, Gary Carter, Andre Dawson, Steve Rogers, Warren Cromartie, Ellis Valentine, Larry Parrish et quelques autres y ont joué pour les Carnavals, filiale des Expos.

Une ligue indépendante

C'était samedi dernier et nul autre qu'Éric Gagné était le lanceur partant des Capitales de Québec contre les Jackals du New Jersey. Il s'agit de la Ligue Can-Am, une ligue indépendante composée de joueurs qui n'ont plus de contrat avec des organisations des ligues majeures, qui souhaitent y retourner un jour ou qui jouent pour le plaisir. Et un salaire modeste. Plafond salarial de 100 000 $ par club. Les recrues empochent 800 $ par mois, les vétérans entre 2000 $ et 3000 $.

Éric Gagné a totalisé des gains de 40 millions dans les ligues majeures. Il n'est donc pas là pour l'argent, mais pour l'amour du baseball.

Le stade était rempli, un peu plus de 5000 personnes dont beaucoup d'enfants à qui le club faisait toutes sortes de petits cadeaux. Plusieurs d'entre eux portaient le t-shirt Éric Gagné. Ils faisaient des high five à la mascotte Capi, un gros chat. Les meilleures places coûtent 18 $.

Mais il y a eu un petit incident. Gagné, qui ne lançait pas très bien, a été expulsé du match au début de la quatrième manche. Il a trop protesté une décision au premier but. Gagné a ensuite avoué avoir été impoli - c'était un call de jambon et je le lui ai dit - et l'arbitre n'a pas hésité une seconde. Le joueur de premier but, Eddie Lantigua: «J'ai voulu intervenir, mais il était trop tard. L'arbitre aurait dû garder son calme. Je lui ai expliqué que le stade était rempli pour voir Éric Gagné lancer. Son expulsion n'était pas bonne pour la business...»

Pas fort, Éric Gagné. Pas fort, l'arbitre non plus. Les fans étaient déçus. Un père de famille assis près de moi a dit à son tout jeune fils: «Au moins, tu auras vu Éric Gagné lancer une fois dans ta vie. Pas longtemps, mais tu l'auras vu...»

Défaite des Capitales, qui avaient gagné la veille.

La veille, c'était la «Soirée de la bedaine» où les femmes enceintes recevaient des cadeaux, des boîtes de couches, de lait et autres produits.

Salut!

Dans le vestiaire des Capitales après le match, on est tout de suite surpris. On entend que du français, ou presque. Une douzaine de joueurs et entraîneurs, dont le gérant Éric Laplante, sont Québécois ou assimilés, comme Eddie Lantigua, qui joue à Québec depuis 10 ans. Le club a 11 ans.

On vous accueille avec un «Salut!» bien de chez nous.

Au début, les Québécois n'osaient pas trop parler en français sur le terrain pendant les matchs. Mais depuis l'arrivée de Gagné et de Pierre-Luc Laforest, deux joueurs qui ont connu du succès dans les ligues majeures, dommage pour les officiels et les autres équipes, à Québec, on joue maintenant au baseball en français.

Les Capitales ont encore perdu hier après-midi, en 10 manches, devant environ 2000 personnes. Un très bon match.

Ils partent aujourd'hui pour un long voyage à l'étranger.

À leur retour, je recommande aux vrais amateurs de baseball d'être là, dans le beau petit stade de Québec. Et à propos des vrais amateurs de baseball, croyez-vous qu'il y en aurait 5000 à Montréal pour faire vivre une équipe de la Can-Am?

Il ne manque qu'un petit stade et on pourrait en découdre avec les Capitales de Québec.