Il n'est pas normal que les éducatrices des services de garde en milieu scolaire, dont les tâches sont de plus en plus complexes, soient moins bien formées que leurs collègues qui travaillent en garderie avec les tout-petits.

Cette question suscite la grogne dans les coulisses du milieu de l'éducation depuis que le ministère de l'Éducation a entrepris des démarches pour qu'une courte formation de niveau secondaire, plutôt que la formation collégiale souhaitée, soit exigée dès l'automne prochain pour toutes les nouvelles éducatrices en milieu scolaire.

Le rôle de l'éducatrice en milieu scolaire a bien changé depuis 25 ans. Il est de plus en plus important. Il doit s'inscrire dans la mission de l'école. Une mission éducative, ça va de soi, qui, sans se substituer à celle des enseignants, ne peut être réduite à du simple «gardiennage».

Le service de garde n'est pas une salle d'attente après les heures d'école. Le service de garde, c'est aussi l'école pour un nombre grandissant d'enfants qui ne rentrent pas à la maison à 15h. Dans le meilleur des scénarios, certaines écoles l'ont bien compris, c'est un milieu stimulant où les enfants apprennent autrement et où le personnel travaille main dans la main avec les enseignants.

Malheureusement, les services de garde en milieu scolaire restent de qualité très variable au Québec. En 2006, le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) recommandait d'en améliorer la qualité. Pour y arriver, on suggérait d'exiger une meilleure formation du personnel. Plutôt qu'un diplôme d'études secondaires, les employés devraient avoir au minimum un diplôme d'études collégiales ou même un baccalauréat, disait le CSE. On recommandait aussi d'améliorer les conditions de travail et de hausser les salaires pour rendre ces emplois plus attrayants pour les candidats qualifiés. Car on n'attire que peu de gens en offrant un statut précaire, un horaire troué et un revenu moyen de 22 000$. Si on exige des éducatrices qu'elles soient mieux formées, il faut aussi accepter de mieux les payer.

Cinq ans plus tard, la solution qui serait envisagée par le ministère de l'Éducation pour rehausser les exigences rate la cible. Plutôt que d'exiger au minimum un DEC, on se contenterait d'une attestation d'études professionnelles (AEP) de niveau secondaire.

On parle ici d'une courte formation obligatoire de 405 heures qui serait offerte par le service aux entreprises des commissions scolaires. C'est sans doute mieux que rien. Mais on reste très loin du rehaussement qui s'impose. Quand on sait que les formations d'élevage de bétail laitier exigent un plus grand nombre d'heures que cette nouvelle formation d'éducatrice, il y a lieu de se poser de sérieuses questions. D'autant plus que la tâche des éducatrices est de plus en plus complexe, surtout en milieu défavorisé. Elles peuvent contribuer de façon importante au développement cognitif et affectif des enfants. De plus en plus, on leur demande de jouer un rôle dans le plan d'intervention d'élèves handicapés ou en difficulté. Elles aimeraient bien. Mais encore faut-il qu'on leur donne les moyens de bien le faire.

Quatre cents heures et des poussières pour passer en revue onze compétences, voilà qui semble bien peu pour un travail aussi précieux. Au-delà du caractère expéditif de la formation proposée, l'idée même de financer les commissions scolaires pour offrir à leurs futures employées une formation obligatoire qui ne serait reconnue nulle part ailleurs semble mal avisée. Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. Des formations collégiales et universitaires faites sur mesure pour les employés de services de garde en milieu scolaire existent déjà. On s'y intéresse à toutes les facettes du développement de l'enfant de 0 à 12 ans. L'Université de Sherbrooke offre même un certificat spécialisé en éducation en garde scolaire. Et contrairement à l'attestation d'études professionnelles de niveau secondaire, ces études permettent à celles qui les suivent de pouvoir aussi travailler en garderie si elles le veulent.

Garder des enfants et veiller à leur éducation, voilà deux choses bien distinctes. Se contenter d'une formation rapide de niveau secondaire pour les éducatrices en milieu scolaire, c'est refuser de reconnaître la différence énorme entre les deux.

Au nom de quel principe peut-on justifier que les éducatrices qui travaillent dans les écoles soient moins bien formées que celles qui travaillent auprès d'enfants d'âge préscolaire? Comment peut-on considérer que le travail d'éducatrice mérite moins d'heures de formation que celui d'éleveur de bétail? Peut-on y voir autre chose que le seul souci d'économiser, sans égard aux conséquences?

Au ministère de l'Éducation, on a refusé de répondre à mes questions sur le sujet. Les discussions qui ont suivi l'avis du Conseil supérieur de l'éducation ne sont «pas d'ordre public», me dit-on. L'attestation d'études professionnelles «peut être une avenue». Si c'est le cas, il est encore temps de faire marche arrière et de viser plus haut.

Pour joindre notre chroniqueuse: rima.elkouri@lapresse.ca