Les sans-abri qui trouvent refuge dans le métro l'hiver en seront-ils désormais chassés?

C'est ce que j'ai d'abord compris en lisant le communiqué du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) annonçant, lundi dernier, juste à temps pour l'hiver, la création d'une équipe dite «de prévention en matière d'itinérance» dans le métro. Le but? «Rehausser le sentiment de sécurité» des usagers du métro et des commerçants, dit le SPVM.

«Avec le retour du froid, de nombreux itinérants occupent les espaces publics dans le métro, ce qui entraîne de nombreuses plaintes de la part des usagers, du personnel oeuvrant dans le métro et des commerçants ayant une vitrine dans ces espaces publics», lit-on.

À première vue, l'idée d'inviter des policiers à cibler les sans-abri dans le métro semble en contradiction avec le grand plaidoyer pour la tolérance fait par Gérald Tremblay au moment de lancer son Plan d'action ciblé en itinérance, à la mi-octobre. «Ça fait neuf ans que je suis maire et il n'y a pas un itinérant qui m'ait manqué de respect, avait-il déclaré. Ce sont des personnes comme nous. Peut-être qu'elles ont seulement besoin, parfois, d'un sourire, d'un peu d'attention. Ces personnes-là ont le droit, à certaines conditions, de faire partie de la société québécoise.»

Le plan de la Ville avait alors été applaudi. Il contient une foule de mesures intéressantes qui tombent sous le sens pour les sans-abri: moins de contraventions, plus de maisons de chambres, la création d'un centre de répit et de dégrisement, de nouvelles ressources pour l'Équipe mobile de référence et d'intervention en itinérance (EMRII), qui fait du très bon travail sur le terrain depuis 2009.

Lutter contre l'itinérance est une chose. Faire la chasse aux sans-abri en est une autre. En hiver, les refuges débordent. En ciblant les sans-abri qui viennent se réchauffer dans le métro, le SPVM est-il en train de faire ce que le maire avait promis qu'il ne ferait pas? Pas du tout, me dit le commandant Alain Larivière, chef de la section métro du SPVM. «On ne s'en va pas passer une Zamboni ou faire le ménage.» Ouf!

L'approche de la nouvelle équipe sera semblable à celle de l'EMRII, qui mise sur la prévention et non la répression, promet le commandant. Il s'agira «d'être proactif» en hiver, dit-il.

Qu'entend-on au juste par «proactif»? Concrètement, cela veut dire que quatre policiers seront présents dans les coins du métro où on trouve des sans-abri. Non pas pour les chasser, mais «pour vraiment faire de la prévention et de l'éducation sur ce qui est toléré et ce qui ne l'est pas», promet-on.

Des exemples? Se réfugier dans le métro quand il fait un froid de canard: toléré. Uriner en public ou avoir un comportement agressif: pas toléré. Quant aux contraventions, ce doit être le dernier recours, reconnaît le commandant Larivière. Car loin d'aider les sans-abri à s'en sortir, la judiciarisation ne fait qu'aggraver leurs problèmes.

Selon le SPVM, le nombre de contraventions distribuées dans le métro, toutes catégories confondues, a chuté de 54% entre 2008 et 2009. Le commandant Larivière attribue cette baisse à «l'approche plus tolérante» de la police, chargée de la sécurité dans le métro depuis trois ans et demi. «La majorité des sans-abri n'ont pas de comportements dérangeants. Ils sont tolérés dans le réseau du métro», dit-il.

L'approche préventive a même permis aux policiers du métro, en collaboration avec leurs partenaires en santé et le milieu communautaire, de sortir cinq sans-abri de la rue, dont un homme de 70 ans, souligne M. Larivière. «Cela fait un an qu'il a été placé dans une maison. Il a récupéré plus de 20 000$ en pension rétroactivement.» Un exemple qui montre que l'approche préventive est «payante» avec les cas dits «plus lourds». «Pour nous, ce sont des centaines d'interventions en moins. C'est encourageant.»

Les plaintes reçues dans le métro concernent le plus souvent des comportements agressifs ou encore des problèmes de propreté - les gens se plaignent d'odeurs d'urine. Si, dans le premier cas, l'intervention qui s'impose peut être complexe, dans le second, une solution toute simple existe. Cela s'appelle des toilettes publiques. On en trouve dans les aéroports, les centres commerciaux et les stations de métro de plusieurs grandes villes. Pourquoi pas à Montréal? «Cela fait des années que la Ville envisage d'en aménager», rappelle Pierre Gaudreau, du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal. Mais rien n'a été fait.

À court terme, pas question d'avoir des toilettes publiques, dit la Société de transport de Montréal. Pourquoi donc? «Parce que cela implique une foule de choses à gérer», répond Marianne Rouette, porte-parole de la STM. On invoque avant tout des questions de sécurité et d'entretien.

Les toilettes ont en effet cet inconvénient: il faut les laver. Mais embaucher des gens pour faire le ménage des toilettes vaudra toujours mieux que d'embaucher des policiers pour passer la Zamboni dans le métro, non?

Pour joindre notre chroniqueuse: rima.elkouri@lapresse.ca