Une mère et sa fille. Elles sont arrivées toutes souriantes devant la porte tournante de l'hôpital Sainte-Justine. La petite de 7 ans galopait devant sa maman à bout de souffle.

Même quand elles ne tournent pas, il me semble que les portes d'un hôpital sont toujours des portes tournantes. On ne sait jamais où elles nous mèneront.

 

«Maman, est-ce que mes cheveux sont bien?» a demandé Maëlle. Elle voulait s'assurer d'être jolie. «Oui, ma belle, ils sont parfaits», a dit sa mère en lui passant doucement la main sur la tête.

Il était 7h45 et, comme tous les vendredis depuis quelque temps, Catherine accompagnait sa fille Maëlle au centre de cancérologie Charles-Bruneau. Maëlle n'est pas atteinte d'un cancer, mais d'une myasthénie grave, une maladie neuromusculaire auto-immune qui s'attaque à ses muscles. Très rare chez les enfants, la maladie s'est manifestée de façon soudaine en novembre dernier.

Maëlle, que l'on savait déjà atteinte d'un trouble envahissant du développement, s'est mise à dépérir sous les yeux de ses parents, inquiets. Jour après jour, les symptômes s'aggravaient. À un point tel qu'elle ne pouvait plus ni marcher, ni manger, ni parler. Et ce sourire pour lequel sa mère s'était battue pendant des années avait disparu.

Maëlle a dû être hospitalisée d'urgence peu avant Noël. Le diagnostic, que sa mère avait déjà deviné, est donc tombé peu de temps après. Myasthénie grave. Une maladie imprévisible et capricieuse dont on ignore la cause et qui, même si on peut en limiter les effets, demeure pour le moment sans remède.

Maëlle a dû être hospitalisée quatre fois en six semaines. Elle faisait rechute sur rechute. Jusqu'à ce qu'on tente avec succès les traitements de plasmaphérèse à la mi-février. Même s'il demeure fragile, son état a ainsi pu être stabilisé. Elle a repris un semblant de vie normale. Aller à l'école. Jouer avec son frère et sa soeur. Faire la chasse aux papillons. Rire aux éclats.

Au début, Maëlle devait avoir une plasmaphérèse tous les jours. Maintenant, deux fois par semaine suffisent. Le traitement permet de remplacer le plasma par une solution pour empêcher en quelque sorte que le corps se batte contre lui-même. On lui a installé un cathéter permanent qui permet de le faire sans avoir à la piquer chaque fois.

Lors des premiers traitements, Maëlle était si faible qu'elle s'y rendait couchée dans son lit d'hôpital. Puis, petit à petit, elle a pu s'y rendre en fauteuil roulant. Le jour où elle y est allée en courant, Catherine a pleuré. C'était, dit-elle, son cadeau de fête des Mères.

Pour pouvoir accompagner sa fille, Catherine, qui est professeure au cégep et maman de deux autres enfants, a dû laisser tomber une partie de sa charge de travail. «Ma vie vient de prendre un autre tournant dans mon coeur de maman.» Elle a l'impression d'être forcée à courir alors qu'elle n'arrive même plus à respirer. Mais qu'importe, elle court, portée par le courage de sa fille.

Incapable de rester les bras croisés devant la maladie, Catherine a eu besoin de se trouver une mission. Sinon, dit-elle, la vie n'a pas de sens. Avec son mari, Olivier, elle a donc mis sur pied le fonds Maëlle-Adenot (www.maelle-adenot.com), lié à la Fondation du CHU Sainte-Justine. Les dons recueillis permettront notamment d'améliorer la qualité de vie des enfants atteints de maladies neuromusculaires rares dont on entend peu parler.

Parfois, quand on pose trop de questions à sa maman sur la myasthénie, Maëlle rouspète: «Arrête de parler à ma mère de ma maladie, ça la fait pleurer.» Maëlle a mille autres sujets dont elle aime nous parler. Des papillons, qu'elle adore. De sa chienne, Labelle. Des coquillages qu'elle rêve d'aller ramasser sur la plage cet été. «On va l'habiller comme une Afghane, dit sa mère, parce qu'il ne faudrait pas que le moindre grain de sable se retrouve sur son cathéter permanent.» La mission sera complexe, mais elle aura lieu, coûte que coûte.

À l'hôpital, dans la chambre de Maëlle, une autre maman et sa fille sont arrivées peu de temps après nous. C'était la courageuse Alice, 14 ans, tout sourire, et sa maman, Aurora. Alice est atteinte d'une maladie féroce au nom étrange, le purpura thrombotique thrombocytopénique. PTT pour les intimes, qui ne voulaient rien savoir de l'être. Voilà un mois et demi qu'elle est hospitalisée. La maladie lui est aussi tombée dessus comme ça, du jour au lendemain, me raconte sa mère en pleurant. Elle doit subir deux plasmaphérèses par jour. De la chimiothérapie aussi. Elle a perdu ses cheveux. Mais elle commence à aller mieux. «Pourquoi tu pleures, maman? Nous, on sourit et c'est nous qui avons la maladie... Pourquoi vous pleurez? dit-elle en se tournant vers les deux mères qui tentent de se consoler l'une l'autre.

- C'est comme ça, Alice, les coeurs de mamans», lui a dit Catherine.

Une fois son traitement terminé, Maëlle s'est levée, toute pimpante, a pris son chien en peluche et s'est dirigée vers la porte. Elle avait très peur d'arriver à l'école trop tard pour pouvoir mettre la touche finale à son cadeau de fête des Mères - une photo décorée avec des brillants. «Mais chut! Il ne faut pas que je le dise, c'est une surprise», m'avait-elle confié plus tôt en lorgnant sa mère du coin de l'oeil.

Avant de partir, elle a fait un salut de la main à Alice, qui souriait toujours, et à sa maman, qui avait les yeux rougis. Et elle est partie en courant.

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