Ce fut un match excitant, spectaculaire, jouissif pour les partisans du Canadien. Le Canadien, cette fois, est rentré la tête haute dans les séries éliminatoires. Pas par la petite porte honteuse d'une défaite en prolongation contre les Maple Leafs de Toronto comme ce fut le cas la saison dernière.

Les Glorieux ont vaincu, mardi soir, les champions de la Coupe Stanley, rien de moins, pour accéder aux tours d'honneur et d'argent de la saison. Les séries.

Encore bien plus, et j'espère que les fans l'ont bien noté, c'est la jeunesse de l'organisation, son avenir, qui a fait basculer le match dans le bon sens.

Carey Price a tenu le coup pendant que les meilleurs marqueurs des Blackhawks de Chicago tiraient sur le but et P.K. Subban, l'ineffable et incomparable P.K., a donné un avantage numérique aux siens, avantage qu'il s'est empressé de convertir lui-même en but gagnant. Et un but gagnant de P.K, c'est pas comme un autre but gagnant. C'est une explosion de plaisir qui semble faire vibrer tout le Centre Bell... et le Québec.

À l'époque, Serge Savard expliquait aux journalistes qu'une équipe championne se bâtissait de l'arrière vers l'avant. Savard dénichait un gardien solide, ce fut Patrick Roy, et ensuite un quart-arrière et un défenseur étanche pour sa ligne bleue. Le reste, ça pouvait toujours s'arranger avec un bon coach et beaucoup de coeur. Mais le but et la ligne bleue, c'était vital d'y parer dès le départ.

Ben, si Pierre Gauthier et ses successeurs savent s'y prendre, le but et la ligne bleue du Canadien sont entre de bonnes mains pour les 10 prochaines années.

Carey Price a fait mentir ses détracteurs pendant toute la saison. On le savait doué physiquement et techniquement, mais plusieurs (je faisais partie du lot) doutaient beaucoup de sa force mentale et de sa capacité à se discipliner en dehors de la patinoire. On sait maintenant que Price ne peut résister à la pression exercée par un coéquipier dans son propre vestiaire mais qu'il est capable de tenir tête à n'importe quel adversaire. Les dirigeants du Canadien ont eu raison et c'est tant mieux.

Quant à P.K. Subban, c'est un vrai quart-arrière, un vrai de vrai. Il patine comme un train, il a un tir puissant, il est capable de jouer dur, il a un bon sens du jeu et de la contre-attaque et cette saison, surtout après la blessure de Josh Gorges, il s'est concentré à améliorer son jeu défensif. On veut quoi de plus? Qu'il fasse jouer du Vivaldi dans le vestiaire?

Dans cette ville bipolaire, on frôle l'extase et la dépression nerveuse en moins de 10 jours. Même Varda est cool comparée aux fans du Canadien.

Il y a 10 jours, Georges Laraque surfait sur une histoire qu'il avait lancée après avoir jasé avec un ou quelques coéquipiers. Jacques Martin était en train de perdre son vestiaire. Faut dire que subir trois blanchissages collés a de quoi rendre neurasthénique le plus exalté des partisans.

À la radio, on supputait les chances d'une catastrophe appréhendée. On prévoyait des défaites au New Jersey, contre les Devils de Jacques Lemaire et Martin Brodeur, et contre les champions de la Coupe Stanley au Centre Bell. Et après, dans la suite des choses, l'enfer devenait possible. Peut-être probable.

Ça ne fait pas une semaine et on festoie dans les tavernes du voisinage. On se prépare déjà pour le grand défilé et Ron Fournier dérape complètement à CKAC en déclamant du Verlaine et du Rimbaud.

Ce que ça veut dire, c'est que Georges Laraque est végétalien et non journaliste, que les joueurs qui banounaient dans le dos de Jacques Martin ne sont pas les leaders de l'équipe et qu'il ne faut pas déprimer quand ça va mal ni virer fou quand ça va bien. Ça veut dire que le Canadien est une bonne petite équipe comme il y en a une vingtaine d'autres avec un meilleur gardien et une excellente recrue à la défense.

Une bonne petite équipe dirigée par un bon coach, un professionnel jusqu'au bout des doigts et appuyée par des partisans généreux même dans leur découragement.

Il reste deux matchs. Jacques Martin donnera congé à Price ce soir à Ottawa. C'est de bonne guerre puisque Price sera l'homme clé des prochaines séries, comme Jaroslav Halak l'a été l'an dernier.

Y a-t-il un danger à lever le pied dans la dernière ligne droite? Ou faut-il au contraire se lancer dans la bagarre pour créer ce qu'on appelle le momentum?

On peut opter pour l'une ou l'autre des hypothèses. Dans ma carrière, j'ai vu des équipes s'effondrer après avoir terminé la saison régulière en force et j'en ai vu perdre quatre ou cinq matchs juste avant le début des séries et causer de grandes surprises en renversant de bonnes équipes.

Et j'en ai vu profiter d'une grande confiance bâtie sur des victoires pour écraser ses adversaires. Autrement dit, il n'y a pas de vérité absolue. Si le Canadien perd ses deux derniers matchs, ce n'est pas grave. Et s'il les gagne, ce n'est pas non plus un ticket pour la deuxième ronde éliminatoire.

Par ailleurs, des dirigeants peuvent-ils choisir leur adversaire? Autrement dit, si le Canadien lève le pied, si Martin fait se reposer quelques réguliers et que le Canadien perd ses deux matchs, il aura la chance d'éviter les Bruins de Boston. Mais pour tomber sur les Capitals de Washingon ou les Flyers de Philadelphie, est-ce mieux?

DANS LE CALEPIN - Scott Gomez semble prendre du mieux. Il aura connu la plus longue grippe de l'histoire du Canadien. Dans le fond, se faire rire en pleine face par un gars assis sur son 8 millions, c'est insultant... J'ai trouvé intelligente la proposition de Michael Ignatieff concernant l'amphithéâtre à Québec. C'est-à-dire que le fédéral pourrait investir dans la construction de l'édifice selon un ratio tenant compte de la partie culturelle et spectacles du projet. C'est mieux que de toujours entendre la poupée qui disait non... non... non... Ignatieff et Polnareff, même combat.