À un moment donné, assis dans le salon, j'ai lâché «wow»! J'étais en train de lire le chapitre sur le neuvième round du premier combat entre Arturo Gatti et Micky Ward et j'étais non seulement dans le ring avec les deux hommes, j'étais dans leur cerveau endolori, dans leur foie matraqué, dans leurs tripes et je partageais leur instinct de survie.

J'étais plongé dans ce brasier sans me soucier des coupures faites par les éditeurs pour que le livre, dense et bouleversant, tienne dans 502 pages. Et si parfois, certaines lourdeurs dans le style auraient pu m'agacer dans un autre livre, cette fois, elles ne faisaient que mieux faire entrer en moi la tragédie noire d'Arturo Gatti.

Jacques Pothier, un passionné pur et dur, a quitté deux emplois bien tranquilles à CKRS et comme facteur au Saguenay, où il a vécu pendant 18 ans, et il a pondu une formidable biographie de Stéphane Ouellet. Mais Ouellet, il le connaissait bien. Quand il s'est lancé à la recherche d'Arturo Gatti, il partait vers un boxeur qu'il avait admiré. Il a vite réalisé que c'est un terrible roman noir qu'il devrait écrire. Arturo Gatti était un alcoolique défoncé et un drogué et toxicomane profondément malheureux. Avec des tendances suicidaires plusieurs fois exprimées.

Avec quelques dizaines de milliers de dollars en poche, Jacques Pothier s'est donc installé pendant 13 mois dans le New Jersey, à deux ou trois maisons de l'appartement d'Arturo. Il a rencontré et interrogé une centaine de personnes. Dont des membres de la famille Gatti. Certains, comme Joe Gatti, ont accepté de collaborer, faisant confiance à l'auteur et se disant qu'en sachant l'enfer qu'avait vécu Arturo, champion du monde célèbre et vénéré, on finirait par aimer Arturo pour les bonnes raisons. D'autres de la familia ont refusé toute entrevue.

Pothier a épluché une masse de documents, de journaux et de magazines. Il a visionné pour une ixième fois les combats de légende d'Arturo, surtout ceux contre Ward, et il a passé à travers les rapports d'enquête de la police sur la mort de Gatti.

Puis, à compter de mars 2010, il s'est enfermé avec son chien et il s'est levé à 3 heures et demie chaque matin, sept jours sur sept, pour livrer un manuscrit qui faisait plus de 600 pages. Il n'osait pas manger le midi de peur de tomber endormi sur son clavier d'ordinateur.

Il a livré le texte final au début de décembre et par après, les éditeurs de La Presse (Les éditions) ont travaillé avec lui pour couper et resserrer le texte, corvée douloureuse pour un auteur s'il en est une.

Vous allez tout savoir. Je le pense, en tous les cas. Même le passage difficile de Jeremy Filosa, de CKAC, qui s'est retrouvé porte-parole officieux de la famille Gatti en pleine tempête. Et vous allez suivre Gatti jusqu'à son suicide final. Parce que Jacques Pothier partage l'opinion des enquêteurs brésiliens: «Arturo Gatti était tellement démoli, tellement brûlé par l'alcool, les drogues et les coups à la tête, tellement détruit par ses histoires avec Amanda, qu'il a trouvé le moyen de mettre fin à ses tortures», d'expliquer l'auteur.

«Mais si on m'apportait la preuve qu'Amanda l'a tué ou fait tuer, je ne serais pas surpris non plus. Mais c'est un voyage dévorant qu'on fait dans cette vie noire», de dire Pothier.

C'est un livre qui se dévore. Qu'on aime la boxe ou pas, ça n'a rien à voir. C'est une âme qu'on explore. Et parfois, le projecteur de l'écrivain balaie des reptiles monstrueux...

DANS LE CALEPIN - Selon ce qu'on raconte chez le Canadien, Pierre Boivin, le président en titre de l'organisation, était tellement offusqué après voir entendu l'interprétation du Ô Canada en anglais seulement qu'il a envoyé un courriel à la Ligue nationale, dans les secondes qui ont suivi, pour avoir une explication sur ce qui venait de se passer. On sait maintenant que c'est avant l'événement qu'il faudra envoyer les courriels...

Photo: AFP

Arturo Gatti