Je n'ai jamais vraiment interviewé Georges St-Pierre. Mais je lui ai parlé à plusieurs reprises. Surtout le matin, à l'Île-des-Soeurs, quand il venait prendre son café et ses oeufs au café de Vienne.

Vêtu d'un jeans, d'un t-shirt et d'une veste jeans, lunettes discrètes, personne ne pourrait se douter que le meilleur batailleur de la planète, livre pour livre (un anglicisme qu'on m'excusera), faisait la queue pour le café. Mais dès qu'il se déplace, St-Pierre dégage une puissance et une fluidité dans le mouvement qui alerte les sens. Quelque part, au creux du ventre, on sait que cet homme est dangereux.

Quand on lui parle, il reste humble. Et il est souvent plus intéressé à discuter philosophie et dinosaures, ses deux passions, que de sports extrêmes. On réalise vite qu'on négocie avec un homme pour qui les combats sont d'abord mentaux avant d'être physiques. Que le contrôle des émotions précède le contrôle du corps qui précède le contrôle de l'adversaire.

Deux cafés, c'est tout ce que ça prend pour saisir qu'on est devant un homme d'exception.

Plus connu que Gretzky?

Toute la semaine, à Toronto, on a débattu sur le statut de Georges St-Pierre. Est-il, oui ou non, plus connu et populaire sur la planète que Wayne Gretzky?

Ce n'est pas en demandant à Ron Duguay, comme on l'a fait, qu'on va avoir une réponse intelligente. Un joueur de hockey va défendre un autre joueur de hockey. Et effectivement, au Canada, aucun athlète n'est plus connu que Wayne Gretzky.

Aux États-Unis, il se peut que Gretzky devance Georges St-Pierre mais ce n'est pas prouvé. À Las Vegas ou à New York, j'ai vu des affiches géantes de St-Pierre sur les grands édifices et ailleurs dans le monde, il n'y a plus de compétion. Georges St-Pierre est un dieu aux Philippines et dans plusieurs pays d'Asie. Et sa renommée a atteint depuis belle lurette l'Australie et certains pays d'Europe. Il faut dire que l'UFC se sert à merveille de la télévision internationale pour vendre son produit... et sa superstar.

De plus, les arts martiaux mixtes sont une discipline et un sport en expansion. Pendant des décennies, l'Ontario a refusé la présentation des matchs de l'UFC. Mais à Toronto, il y a une chose qu'on comprend très bien. L'argent, le cash. Et les autorités viennent de donner le feu vert aux promoteurs. Encore quelques détails à régler et Georges St-Pierre va envahir les grandes villes canadiennes. Il l'a déjà fait par la télévision payante mais rien ne vaut une immense et grouillante foule de 23 000 personnes pour bâtir un trône à un roi sportif.

Il reste à débattre de la moralité de ce sport. Personnellement, à cause de la qualité de l'arbitrage, je n'ai pas de problème avec Georges St-Pierre et son sport. Je ne dis pas que certaines soirées dans les réserves autochtones ne prêtent pas flanc à la critique, mais la fédération de Dana White semble sérieuse. Georges St-Pierre le dit lui-même: «Il y a moins de blessures dans les arts martiaux mixtes qu'à la boxe. Il n'y a jamais eu de mort, jamais de handicapés. Nos athlètes sont préparés et les officiels sont très compétents et très vigilants», m'a-t-il déjà expliqué.

Cette semaine, j'ai écouté l'arbitre Yves Lavigne à la radio et je l'ai trouvé rassurant. Et pour l'avoir vu à l'oeuvre, je pense que Georges St-Pierre et ses collègues de son sport peuvent se préparer avec un certain calme pour leurs combats. S'ils sont en difficulté, quelqu'un veille sur leur sécurité. Ce n'est pas toujours le cas avec certains arbitres américains qui ont officié à Montréal pour des combats de boxe.

Vous allez être 23 000 au Centre Bell, vous ne pouvez tous vous tromper en applaudissant des barbares.