La laïcité, la laïcité, vous avez des noms?

Des pères? Auguste Comte, Michelet, Ernest Renan, je vous répète ce qui est de commun entendement. Je ne les ai pas lus. La laïcité est moins pour moi un humanisme qu'un territoire.

Un territoire de défense. Représentez-vous la république comme un château. La laïcité serait les remparts. Elle est née de la nécessité de séparer l'Église de l'État, l'Église de la justice, l'Église de l'école, l'Église de la morale, et quand tout cela fut séparé de la nécessité de garder l'Église à distance, de l'empêcher d'empiéter, de revenir, particulièrement dans la cour des écoles, comme monseigneur Ouellet il n'y a pas longtemps.

C'est justement sur ce territoire que j'étais en train de changer d'idée quant à ses délimitations mêmes. Quant aux accommodements qu'on pourrait y tolérer.

Je vous parle de bien avant le brouhaha sur notre Charte des valeurs. 2003, Chirac nomme une commission pour réfléchir sur la laïcité à la française, ce sera l'occasion de plusieurs ouvertures dans le catéchisme laïque. Désormais on aura des fenêtres dans les remparts au lieu de meurtrières.

J'étais en train de changer d'idée, disais-je. La cour des écoles justement, elles dérangent qui ces jeunes filles qui portent le voile? Et cette fonctionnaire qui reçoit les demandes de passeport?

Qui sait jusqu'où je vais me rendre. Pourquoi pas le voile aussi pour les profs? Pourquoi pas des lieux de prière dans les gymnases? D'autres congés spéciaux. Bouffe halal pour tous à la café. Et me voilà en abaya, candidat pour le Parti libéral dans Brome-Missisquoi. Ou peut-être pour Québec solidaire.

Je déconne? Ah oui, c'est moi qui déconne?

Deux mois de débat débile. Deux mois à nous refaire tous les jours le même cours merdique d'éthique et de culture religieuse d'où il ressort que la laïcité au fond, quand elle est bien comprise, c'est pas loin d'être du multiculturalisme, voire de l'oecuménisme.

Deux mois de débat d'où il ressort quoi? Qu'il n'y a jamais eu autant de curés. D'autant plus redoutables que rien d'ostentatoire ne les distingue sauf leur foi en l'univers bien entendu, dont ils excluent toutefois les péquisses et les athées.

ALICE MUNRO - J'avais très peu lu Alice Munro (et tout oublié). Prix Nobel de littérature oblige, je viens d'y retourner. Se dégage des nouvelles que je viens de lire un ennui délicieux. La littérature n'est pas toujours un loisir de masse. Avant de me faire assassiner: je n'ai pas dit que la littérature doit ennuyer pour en être.

La nouvelle de madame Munro que je viens de terminer se passe à Logan, une petite ville du centre de l'Ontario où vivent Mildred et Wilfred. Albert, le frère de Wilfred, qu'il n'a pas vu depuis 30 ans, sa femme Grace et la soeur de celle-ci, Véra, qui habitent en Saskatchewan, débarquent pour quelques jours de vacances. Cela ne se passera ni bien ni mal, en fait il ne se passera rien. Ils iront visiter une église pentecôtiste, Mildred mangera une crème glacée rhum-raisin. À la fin, les visiteurs inviteront leurs hôtes à venir les voir en Saskatchewan. Pas la semaine prochaine, répond Wilfred, ce sont les derniers mots de la nouvelle. Pas la semaine prochaine.

Je suis incapable de vous expliquer pourquoi cet ennui-là m'emplit de la même joie profonde et sereine que certains de mes paysages les plus «ordinaires». Traversant ces paysages avec des amis j'attends toujours que l'un d'eux s'extasie: crisse que c'est beau. Cela n'arrive jamais.

Hannah Arendt disait que la culture donne accès au monde alors que le loisir donne accès à la plage.

C'est vrai pour la littérature aussi. Celle de madame Munro donne accès au monde. Pour bronzer, essayez le dernier Goncourt.

LA CAILLETTE - Nous parlions l'autre jour de fromages fins québécois... On vérifie ici que le Québec faisait du fromage bien avant d'en faire des fins.

Ce texte est tiré du mensuel Le glaneur, publié à Saint-Charles-sur-Richelieu, numéro de décembre 1836, coût de l'abonnement annuel, 7 shillings et 6 deniers...

«Fabrication du fromage: La première opération consiste à faire coaguler le lait. Pour opérer et hâter cette coagulation, on utilisera de la présure, qui est le lait caillé dans le second estomac d'un jeune veau, non sevré et qu'il faudra tuer peu de temps après qu'il a bu.

«Son estomac qu'on appellera la caillette est salé et conservé au frais. On prépare la présure en ouvrant la membrane de l'estomac d'où l'on retire les grumeaux de caille pour la sécher à demi dans un linge propre...»

PÉPÈRE LA VIRGULE - Durant la dernière campagne électorale, l'actuel maire de Laval, M. Marc Demers, a envoyé aux électeurs ce message: «Dimanche prochain EXERCER votre droit de vote et AIDER à mettre fin au désordre à Laval. Ne laissez pas à d'autres le soin de choisir votre maire et conseillers municipaux à votre place. Ce droit vous appartient. EXERCER-le. Vous avez votre opinion. DITE là.»

Soit le maire a signé sans lire, soit il a lu et rien vu, je ne suis pas en train de vous dire oh là là c'est grave, le maire de Laval ne sait pas conjuguer à la troisième personne de l'impératif, je suis en train de vous redire qu'il y a ceux qui font les fautes, il y a ceux qui les laissent passer, ceux qui ne les voient toujours pas, et ceux qui s'en crissent vous n'imaginez pas. Pensez à la culture comme à un fleuve où tout le monde irait chier de temps en temps; non ça ne rend pas malade, ça rend con.

Toujours à Laval, d'un candidat défait - Jean-Claude Gobé: une ville sans culture c'est une ville de centre d'achats.