Obtenir un poste convoité est un moment fabuleux : on reçoit les félicitations de son entourage, on ébauche ses premiers plans, on entrevoit l'avenir avec optimisme.

Cette sensation de douce euphorie est toutefois de courte durée. Très vite, le quotidien reprend ses droits : il y a mille problèmes à régler et certains sont plus complexes que prévu. Le temps de célébrer sa nomination est déjà terminé. Autour de soi, une foule de gens à l'esprit critique attendent avec impatience de voir comment on composera avec ces nouvelles responsabilités.

Quand on devient entraîneur d'une équipe de la LNH, cette vérité est encore plus aiguë. Claude Julien, qui vit cette expérience pour la quatrième fois de sa carrière, l'a de nouveau constaté hier. S'il espérait un feu d'artifice de ses joueurs pour saluer son arrivée, il a sûrement été déçu.

Non seulement le Canadien a perdu contre les lourds et talentueux Jets de Winnipeg, mais la rencontre s'est terminée sous les huées d'une partie du public. Non, il ne s'agit pas du départ rêvé.

Beaucoup d'amateurs espéraient que le Canadien serait déchaîné en début de match et pousserait ses rivaux dans les câbles. Quelle meilleure façon de tirer un trait sur la récente glissade de l'équipe ? Dès la première mise en jeu, on a senti que les spectateurs remplissant le Centre Bell en ce magnifique après-midi de février étaient prêts à appuyer leurs favoris à pleins poumons. Mais ils sont demeurés sur leur appétit.

Les attentes étaient-elles trop grandes pour cette première rencontre de l'ère Julien 2 ? « Je ne veux pas utiliser d'excuses, je n'aime pas ça », a répondu le principal intéressé. « Mais ça n'a pas été facile pour les équipes qui reviennent de la pause. On a seulement à regarder leur nombre de victoires et de défaites pour le comprendre. »

Le nouveau coach dit vrai. La fiche des clubs reprenant le collier après leur congé annuel, comme le CH hier, est largement déficitaire. Ce répit est une nouveauté dans la LNH cette saison. Il est sûrement utile sur le plan mental puisqu'il permet de recharger les piles. Mais sur le plan physique, ce n'est pas l'idéal. Plusieurs dirigeants estiment d'ailleurs qu'il s'agit d'une mauvaise initiative. Les athlètes de pointe ont besoin d'un entraînement quotidien pour demeurer au sommet de leur forme.

Dans le cas du CH, l'enthousiasme lié à la nomination de Julien aurait cependant dû fournir un contrepoids minimal. Ce ne fut pas le cas. On n'a pas senti assez d'émotion dans le jeu, on n'a pas assisté au réveil attendu. Et qu'on le veuille ou non, ce n'est pas bon signe.

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Comment expliquer ce manque de dynamisme ? Julien, très calme après le match, a offert une piste de solution : « On voit beaucoup de nervosité dans le groupe et un petit manque de confiance. »

Sans doute. Mais il faut aussi se demander si le Canadien forme véritablement une équipe redoutable. Marc Bergevin a assuré que oui en commentant la nomination de Julien mercredi dernier. « On a les outils nécessaires », a-t-il dit, ajoutant que le CH était meilleur que ses récentes performances ne l'indiquaient.

Mais même si le DG a raison, le Canadien possède-t-il les atouts pour s'illustrer en séries éliminatoires ? C'est loin d'être sûr.

Le manque de punch en attaque demeure évident et la défense n'affiche pas assez de mordant. Des vétérans comme Shea Weber et Tomas Plekanec doivent aussi en donner beaucoup plus. Et il faudra que Brendan Gallagher redevienne la bougie d'allumage qui a si souvent soulevé ses coéquipiers.

Chez le Canadien, on répète souvent qu'avec un Carey Price en forme, l'équipe a une chance de gagner à tous les matchs. Cette théorie, aussi séduisante soit-elle, a néanmoins ses limites. Ainsi, le numéro 31 a disputé une excellente rencontre hier. Mais le CH a quand même été dominé. Et cela au Centre Bell, son château fort, où il excellait en début de saison.

Pour Bergevin, il y a là matière à réflexion.

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Malgré ses années de métier et sa capacité à communiquer avec les joueurs, Julien ne possède pas de baguette magique. Une tâche colossale l'attend pour relancer le Canadien. En ce sens, le revers d'hier, aussi décevant soit-il, lui permet d'avoir une lecture juste de l'état des choses. « J'essaie d'en apprendre le plus possible sur l'équipe dans une courte période de temps », a-t-il ajouté, disant avoir tiré des leçons de cette première présence derrière le banc.

Aujourd'hui et demain, Julien dirigera des entraînements complets. Cela fera du bien aux joueurs qui ont besoin de retrouver leurs repères. L'ennui, c'est que les trois prochains matchs s'annoncent difficiles : à New York mardi contre les puissants Rangers, retour à Montréal pour la visite des Islanders jeudi, suivi d'une excursion à Toronto pour affronter les jeunes et rapides Maple Leafs samedi. Gros défi pour un club fragile.

Grâce à son solide début de saison, le Canadien profite encore d'un coussin au classement. Mais celui-ci devient de moins en moins confortable.

Julien en est conscient : il doit au plus vite stopper l'hémorragie et redonner de l'élan au CH. Il a compris hier qu'il aurait besoin de toute son expérience et de tout son doigté pour réussir.

Comme tout gestionnaire amorçant son travail dans un nouveau poste, Julien n'aura guère eu de temps pour savourer ce beau moment de sa carrière. Un seul match, et la dure réalité l'a déjà rattrapé.